action collective
Rafle d’étrangers à Barbès, l’État policier toujours à l’œuvre
On connaît maintenant le bilan de la gigantesque rafle qui a eu lieu le jeudi 6 juin 2013, dans le quartier de la Goutte-d’Or à Barbès (Paris) visant notamment les étrangers en situation irrégulière.
Aux alentours de 15 heures, arrivés à bord de plusieurs dizaines de fourgons, les CRS se déploient en travers de plusieurs rues pour procéder au bouclage d’une zone formée par la rue de la Goutte-d’Or, la rue des Islettes, la rue Capla, la rue Charbonnière, ainsi qu’une partie du boulevard Barbès. Personne ne peut pénétrer dans le périmètre et pour en sortir il faut prouver son identité française ou montrer son titre de séjour. À l’intérieur de la zone prise d’assaut, policiers en uniforme et en civil, CRS et agents de la brigade anti-criminalité sont à l’œuvre : ils quadrillent les rues, fouillent les halls d’immeuble, les cafés et effectuent des contrôles d’identité quasi systématiques pendant près d’une heure et demie. Plusieurs témoignages font état de violences policières.
Au final, 16 personnes ont été placées en garde à vue pour des délits mineurs et au moins 32 personnes de nationalité étrangère ont été menottées et conduites au commissariat du 18e arrondissement parce qu’elles étaient dans l’incapacité de prouver leur droit au séjour en France. Ces personnes ont été placées en rétention administrative à Vincennes et, comme la loi du 16 juin 2011 le prévoit, elles ont dû attendre cinq jours pour qu’un juge contrôle le respect de leur libertés individuelles au cours de la procédure. Précisément, les juges de la liberté et de la détention ont annulé les trois quarts (24 sur 32) des procédures – entraînant la libération des intéressés – pour contrôle au faciès ou notification tardive des droits.
Le bilan de cette opération policière d’envergure est maigre au regard des objectifs affichés et qui la rendent possible en droit : la préservation de la sécurité et de l’ordre publics. En réalité, à l’instar d’autres opérations policières d’envergure visant les étrangers – que l’on songe au démantèlement des « jungles » à Calais – cette rafle n’avait pas pour véritable objectif de reconduire à la frontière un grand nombre d’étrangers sans titre de séjour. Parce que trop de personnes sont concernées en même temps en un même lieu, il est en pratique très difficile que leurs droits soient effectivement respectés – comme le droit à un interprète – et c’est de manière tout à fait prévisible qu’un grand nombre d’interpellations et de placements en rétention ont été annulés par les juges. Mais alors pourquoi une telle rafle ?
Ce déploiement démesuré des forces de police n’est rien d’autre qu’une démonstration de force à l’adresse des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables de la capitale. Il s’agit avant tout de signifier avec violence aux habitants des derniers quartiers populaires de Paris qu’ils sont sous surveillance, sous contrôle. Si pour certains, la liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale, pour eux, étrangers et étrangères en situation irrégulière ou détenteur d’un titre précaire, il s’agit d’un privilège qui disparaît au détour d’une rue, au bon vouloir d’un policier en civil.
Englués dans une vision de la société qui secrète chaque jour davantage d’inégalités et de misère, nos gouvernants en sont réduits à humilier les plus vulnérables et à bafouer leurs droits. Cette rafle qui s’inscrit dans une politique féroce de lutte contre l’immigration est bien le reflet d’une vision du monde ségrégationniste et autoritariste contre laquelle nos organisations continueront de se battre.
Signataires :
- ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)
- Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s)
Voir notre dossier « Contrôles d’identité et interpellations »
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