Une ville accueillante pour les personnes étrangères,
ce devrait être...
Malgré des politiques étatiques inhospitalières et hostiles, des milliers d’initiatives citoyennes portées par des habitants, des associations et des organisations syndicales témoignent de la solidarité à l’encontre des personnes étrangères. Des maires et leur municipalité soutiennent également ces actions et cherchent à rendre leur commune accueillante.
Pourtant, il arrive que la volonté de s’afficher « ville accueillante » relève d’opérations de communication politique ambigües, de la part de communes dont la réalité des pratiques est loin d’être hospitalière. Telle commune met en avant son souci d’offrir un toit aux exilé⋅es qui arrivent, tout en pratiquant la discrimination entre Français et étrangers dans l’accès à des prestations ou services, ou en se montrant très frileuse pour répondre à des demandes de logement, d’attestations d’hébergement ou concernant le regroupement familial... Sur ce plan, des paroles et des promesses ne suffisent pas pour être « accueillants », ce sont les actes et les pratiques quotidiennes qui peuvent en attester.
Le Gisti publie aujourd’hui un document dans lequel il recense les points qui relèvent des compétences des maires, et liste des propositions d’attitudes qu’ils et elles peuvent adopter, et d’initiatives qu’ils et elles peuvent prendre, de telle sorte que leur commune soit une ville vraiment accueillante.
Les prochaines élections municipales sont une occasion d’affirmer ce choix de devenir ville accueillante : ce document a pour objectif que celles et ceux qui font de l’accueil un critère de leur suffrage puissent interpeller les candidat⋅es à ce scrutin sur des mesures et des options concrètes.
Une ville accueillante pour les personnes étrangères, c’est en premier lieu des élu⋅es et des fonctionnaires qui respectent les droits fondamentaux de celles-ci, en particulier ceux qui sont de sa compétence directe.
À ce titre, elle doit :
- garantir le droit au mariage pour tou⋅te⋅s en n’exigeant pas la présentation d’un titre de séjour ou d’autres pièces non prévues par les textes ainsi qu’en renonçant à exercer un contrôle a priori sur la sincérité du mariage et à organiser des auditions préalables des époux (art. 63 et 175-2 du code civil) ;
- respecter le droit à l’école de tous les enfants, quelle que soit la situation administrative des parents ou les conditions de logement de la famille (squat, campement, logement insalubre) ;
- accorder sans restriction une domiciliation à toutes les personnes qui ont un lien avec la commune.
En second lieu, une ville accueillante ne doit pas user et abuser des pouvoirs (exorbitants) qui lui ont été confiés au fil des réformes du droit des étrangers :
- en délivrant des attestations d’accueil à tous les habitant⋅es qui souhaitent recevoir et héberger des personnes étrangères pour un séjour de courte durée, sans restriction ni exigence abusive de documents (article L. 211-5 du Ceseda) ;
- en s’abstenant de créer un fichier informatique sur les personnes qui sollicitent de telles attestations d’accueil (art. 211-7 du Ceseda) ;
- en se contentant de vérifier que les personnes qui ont entrepris de faire venir leur famille par regroupement familial remplissent les conditions fixées par les textes (art. L. 411-5 du Ceseda, ressources suffisantes et logement considéré comme normal), sans poser d’autres exigences) ;
- en ne remettant pas en cause la sincérité des reconnaissances de paternité, comme le permet maintenant la loi asile et immigration de 2018 (art. 316 et s. du code civil) ;
- en refusant de soumettre les personnes qui sollicitent une carte de résident à un interrogatoire sur leur intégration en France et de rendre ensuite un avis au préfet sur ce sujet (art. L. 314-2 du Ceseda).
Une ville accueillante doit exclure toute mesure discriminante, accorder une égalité de traitement à l’ensemble de ses habitant⋅es sans considération de nationalité, et se montrer réellement bienveillante et accueillante pour toutes les personnes.
Ce qui implique qu’elle :
- ouvre les prestations facultatives du CCAS (centre communal d’action sociale) à tou⋅te⋅s, sans exigence de titre de séjour ou d’autres conditions restrictives ;
- supprime les conditions de résidence sur le territoire de la commune pour l’accès aux prestations sociales et culturelles ;
- accorde l’accès aux cantines scolaires et autres activités périscolaires (service public connexe du service public d’éducation) sans opposer de tarifs « non résidents » supérieurs pour les familles qui ne sont ni locataires, ni propriétaires dans la commune mais qui y ont leur lieu de vie principal ;
- accorde, de même, un accès aux infrastructures et équipements municipaux (piscines, patinoires, bains-douches, bibliothèques et médiathèques...), sans tarifs « non résidents » supérieurs pour les personnes qui ne sont ni locataires ni propriétaires dans la commune mais y ont leur lieu de vie principal ;
- développe une politique du logement favorisant les demandeurs et demandeuses de regroupement familial (grands logements, priorité donnée aux parents ayant des enfants proches de la majorité) ;
- anonymise les dossiers devant les commissions d’attribution de logements afin d’éviter toute discrimination ;
- assure la promotion de toutes les actions de lutte contre les discriminations, et d’expression de la solidarité (par de l’information dans le journal municipal, des hommages rendus, la création de prix pour saluer ce type d’action..., etc.) ;
- favorise l’intégration des personnes étrangères en soutenant leur accès aux cours de français quelle que soit leur situation au regard du séjour ;
- favorise l’expression citoyenne de tou⋅te⋅s, avec ou sans droit de vote, dans les comités de quartier ou à l’occasion des référendums locaux ;
- aménage une aire d’accueil pour les voyageurs ;
- permette l’échange et la solidarité avec des pays du sud par sa politique de jumelage.
Enfin, une ville accueillante doit contribuer à l’accueil des primo-arrivants, et des exilé⋅es qui n’ont pas encore pu s’inscrire dans les dispositifs d’hébergement pour demandeurs d’asile, du fait de la pénurie de ces dispositifs au plan national.
Cela suppose que la commune :
- accepte l’installation de centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), de foyers de migrants ou de centres d’hébergement sur son territoire et considère leurs résident⋅es comme ses habitant⋅es ;
- ouvre des locaux pour le premier accueil et l’hébergement d’urgence des primo-arrivants, tant qu’ils et elles n’ont pas pu être pris en charge par les dispositifs dont ils ou elles relèvent ;
- crée et soutienne un service d’accès au droit pour les personnes migrantes ;
- soutienne les associations apportant une aide aux migrant⋅es (mise à disposition de locaux, subventions, etc.).
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. D’autres initiatives ambitieuses et innovantes existent déjà ou peuvent être imaginées...
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