action collective

Dématérialisation imposée pour les titres de séjour : en Guyane, la justice oblige la préfecture à rendre le numérique facultatif

C’est le premier jugement rendu suite aux vingt-trois recours intentés en 2021 par nos organisations contre des préfectures, dans l’hexagone et dans les Outre-mer : une nouvelle fois et à l’encontre de la politique du ministère de l’intérieur, la justice ordonne à l’administration de permettre aux personnes qui demandent un titre de séjour de le faire de façon non dématérialisée.

La préfecture de Guyane devra laisser aux personnes étrangères la possibilité d’accomplir leurs demandes de titre de séjour sans utiliser le numérique : c’est la conséquence directe de la décision rendue le 28 octobre 2021 par le tribunal administratif de Cayenne, suite au recours déposé par nos organisations en juin dernier.

Le tribunal a jugé que « le préfet de la Guyane doit être regardé comme ayant imposé des téléservices obligatoires et exclusifs alors même qu’il se déduit des motifs énoncés au point précédent, qu’en l’absence de disposition législative contraire, aucune disposition ne fait obligation aux ressortissants étrangers de saisir l’administration par voie électronique et, notamment, d’utiliser un téléservice mis en place par l’administration ».

Une fois de plus, la justice nous donne raison. En novembre 2019, le Conseil d’État avait confirmé le caractère facultatif, pour l’ensemble des usagers et usagères du service public, des démarches dématérialisées. Et en février 2021, le tribunal administratif de Rouen annulait une décision du préfet de Seine-Maritime, imposant illégalement la saisine par voie électronique de l’administration.

Ignorant la loi et la jurisprudence, le gouvernement continue d’encourager la dématérialisation progressive et exclusive des démarches administratives, notamment pour l’accès aux titres de séjour par le biais du programme Administration numérique des étrangers en France. En Guyane comme dans de multiples préfectures, il est depuis plusieurs années impossible de déposer une demande sans utiliser le numérique. Et derrière une modernisation de façade, l’accueil et l’accompagnement humain dans les services étrangers des préfectures se fait de plus en plus rare et minimal.

Ces démissions du service public, qui s’accompagnent d’un report des missions d’accompagnement les plus élémentaires vers le secteur social, associatif, ou encore vers les avocat·es, bloquent ou interrompent l’accès aux droits de nombreuses personnes, qui restent ou deviennent sans-papiers à cause de l’impossibilité de formuler leur demande de titre de séjour. Ces blocages contraignent de multiples personnes à saisir la justice pour simplement accéder à un rendez-vous et déposer une demande.

Nos organisations se réjouissent de la décision du tribunal administratif de Cayenne, et appellent les préfectures et le ministère de l’intérieur à prendre acte des décisions de justice interdisant le caractère exclusif de la dématérialisation des démarches administratives.

Nous demandons aux parlementaires et au gouvernement de doter les services étrangers des préfectures des moyens dédiés à l’accompagnement humain des usagers et usagères.

Paris, le 10 novembre 2021

Organisation signataires :

  • ADDE (avocats pour la défense des droits des étrangers)
  • Cimade
  • Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré⋅es)
  • Ligue des droits de l’Homme
  • Secours Catholique
  • Syndicat des Avocats de France

Voir la campagne de requêtes contre les modalités de dépôt des demandes de titres de séjour en préfecture

Voir notre dossier « La « dématérialisation » des relations du public étranger avec l’administration  »

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Dernier ajout : lundi 3 avril 2023, 15:57
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