Quand Marlène Schiappa insulte la mémoire d’un migrant noyé c’est une militante associative qui est condamnée
Le 19 août 2020 Abdulfattah Hamdallah a été retrouvé mort sur une plage de Calais. Il avait quitté le Soudan en 2014 puis avait passé deux ans en Libye, avant de traverser la Méditerranée et d’arriver en Europe par l’Italie puis de rejoindre la France. A la suite du dépôt de sa demande d’asile en France, il a été est placé en procédure Dublin. Finalement, la France a traité sa demande mais lui a refusé l’asile. Il choisit de partir dans le Calaisis pour rejoindre l’Angleterre. En tentant de traverser la Manche sur un canot pneumatique avec un compagnon, il s’est noyé. Son nom est venu rejoindre celui des 356 migrants dont le décès a été recensé dans le Calaisis et qui sont morts par asphyxie, après avoir été percutés par des véhicules ou encore, comme Abdulfattah Hamdallah, noyés. Ces victimes viennent d’Afghanistan, du Soudan, d’Irak…
Celle qui est alors ministre déléguée chargée de la citoyenneté auprès du ministre de l’intérieur utilise les réseaux sociaux et le registre du sensationnel pour opérer un raccourci insupportable entre le décès de ce jeune homme et la nécessité de renforcer encore la politique répressive de fermeture des frontières. Elle déclare sur Tweeter : « Immense tristesse : un adolescent de 16 ans, migrant soudanais disparu en mer cette nuit, a été retrouvé mort sur la plage de Sangatte ce matin. Ce drame insupportable nous mobilise encore + avec @Gdarmanin contre les passeurs qui profitent de la détresse des êtres humains ».
Cela fait maintenant plus de 20 ans que des milliers de personnes meurent chaque année sur les routes migratoires pour rejoindre l’Europe et cela en raison de législations toujours plus restrictives et des technologies de contrôle toujours plus sophistiquées qui les accompagnent (Frontex, drônes, projets de détecteur biométrique de mensonges...). Ce sont ces politiques migratoires qui sont meurtrières et obligent les personnes exilées à emprunter des voies coûteuses et éminemment dangereuses.
Le tweet de la ministre est une contre-vérité officielle d’autant plus choquante qu’elle est formulée en utilisant le registre émotionnel. Un tel raccourci n’est pas moins qu’un outrage à la vérité, une insulte à la mémoire de ces morts.
Pourtant, c’est bien une militante associative qui vient d’être condamnée pour injure publique par le tribunal correctionnel de Paris le 4 octobre pour avoir traité d’« ordure » Marlène Schiappa après son tweet.
Marlène Schiappa, membre du gouvernement, est partie prenante d’une politique d’une violence inouïe – une violence systémique et institutionnelle – et se sert de la mort d’un exilé pour éluder subrepticement sa propre responsabilité et celle du gouvernement auquel elle appartient.
Lorsque les membres de la classe politique usent de techniques de manipulation de l’opinion, ils et elles doivent accepter d’être à leur tour mis·es en cause. Sur une question aussi grave et tragique, il est légitime et même nécessaire de s’indigner. Nous apportons notre entier soutien à Isabelle Saint-Saens, militante du Gisti, et nous serons à ses côtés lors de son procès en appel.
Voir notre dossier « Jungles, campements et camps d’exilés en France »
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