Référé-liberté contre la création de plusieurs lieux de rétention administrative temporaires à Mayotte
L’ADDE, la Cimade, le Gisti et le SAF ont saisi le 21 avril 2023 le tribunal administratif de Mayotte d’une requête en référé-liberté contre la création par le préfet de Mayotte de plusieurs locaux de rétention administrative (LRA) dans le cadre de l’opération dite « Wuambushu ». Les organisations requérantes faisaient valoir que des atteintes graves et manifestement illégales étaient ainsi portées aux libertés fondamentales des personnes placées dans ces locaux et demandaient qu’il soit enjoint au préfet de Mayotte de cesser la pratique récurrente visant à la création successive de LRA prétendument temporaires et dont le caractère éphémère et aléatoire n’était en rien justifié.
Par une ordonnance du 29 avril 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a considéré que « la succession régulière de fermeture et de réouverture, à quelques heures d’intervalle, des mêmes locaux de rétention administrative est dépourvue de toute justification » et que « les associations et le syndicat requérants sont fondés à soutenir que les conditions de rétention dans les locaux de rétention administrative régulièrement créés par le préfet de Mayotte […] ne permettent pas aux personnes retenues de contester utilement leur éloignement et leur placement en rétention administrative et portent ainsi une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction ».
Il a en conséquence enjoint au préfet « de créer, à titre provisoire mais de manière continue, quatre locaux de rétention administrative [...], de prendre les mesures techniques nécessaires pour permettre aux personnes retenues d’avoir accès à un téléphone […], de se rapprocher de l’association Solidarité Mayotte pour évaluer avec elle les aménagements devant être mis en œuvre pour lui permettre d’exercer effectivement sa mission d’assistance dans l’ensemble des locaux de rétention administrative créés à Mayotte », étant ajouté que « le préfet de Mayotte justifiera des mesures prises pour l’exécution des injonctions prononcées aux trois articles précédents avant le 2 mai 2023 à 12h00, heure locale, sous astreinte de 15 000 euros par jour de retard. »
Pour prendre cette décision, le juge a notamment constaté :
- qu’alors que « l’interpellation d’étrangers en situation irrégulière dont le nombre excédait la capacité maximale d’accueil du centre de rétention administrative de Pamandzi a justifié à quarante-quatre reprises l’ouverture de locaux de rétention administrative entre le 17 mars et le 19 avril 2023 pour une durée pouvant aller de deux heures à cinq jours et vingt heures, aucun arrêté de création n’a été publié au recueil des actes administratifs de l’Etat dans le département avant l’ouverture du local, quatre l’ont été le jour de son ouverture, qui était aussi le jour de sa fermeture, et quarante ont été publiés après la fermeture du local » ;
- que « cette pratique fait obstacle au contrôle effectif des conditions de rétention dans ces locaux par le procureur de la République et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté alors que ceux-ci sont chargés de veiller à ce que les conditions de rétention garantissent l’exercice effectif de leurs droits par les personnes retenues. »
- que « cette pratique fait également obstacle à la présence de l’association Solidarité Mayotte, chargée à Mayotte d’assister les personnes placées en rétention administrative » ;
- que « cette pratique fait obstacle à ce que les indications fournies par les personnes retenues permettent à leurs familles ou leurs conseils d’identifier le lieu même de leur rétention. »
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