La liberté de circulation : un impératif éthique et social
En 1997, le Gisti a pris acte de ce que la lutte pour les droits des étrangers ne peut décidément s’accommoder de politiques fondées sur le principe de la fermeture des frontières et qu’elle implique un changement de paradigme : d’où la revendication de la liberté de circulation.
Depuis quelques années, les discours d’experts et de politiques se multiplient qui appellent à la fois au renforcement du contrôle des frontières - des frontières de plus en plus dématérialisées et externalisées - et à l’abandon du mot d’ordre de « l’immigration zéro ». Ces plaidoyers pour une immigration utile impliquent la reconnaissance d’une possibilité d’installation négociée en fonction des intérêts des pays de l’Union européenne et, dans le même temps, le refus de respecter les droits, les souhaits et les besoins des populations du Sud.
C’est dans ce contexte que le Gisti entend réaffirmer la nécessité d’une reconnaissance des droits à la liberté de circulation et d’installation.
1) La liberté de circulation, un impératif éthique
La militarisation progressive des frontières extérieures de l’Union européenne et des moyens utilisés pour lutter contre « l’immigration-clandestine-et-la-traite-des-êtres-humains » ne semble devoir connaître aucune limite. Chaque année des centaines d’exilés meurent sur les routes migratoires vers l’Europe. Par milliers, d’autres sont pris dans la nasse, enfermés dans des camps aux frontières de l’Union européenne, errent, des mois ou des années durant, le temps nécessaire pour contourner des dispositifs de répression de plus en plus sophistiqués et meurtriers.
Face à cette guerre de basse intensité faite aux migrants et à la négation généralisée de leurs droits fondamentaux, la liberté de circulation est la seule revendication à même de rompre avec cette logique, et d’offrir une protection aux exilés qui fuient des persécutions.
2) Une liberté d’installation garante des droits sociaux de tous
Ceux qui réussissent, au péril de leur vie, à pénétrer dans cette « Europe forteresse » n’en ont pas pourtant fini avec l’« utilitarisme migratoire ». Faute d’avoir pu trier les migrants avant leur arrivée, ses promoteurs savent organiser leur clandestinité au profit de larges secteurs de l’économie. Privés du droit au travail, ils alimentent des pans entiers d’une économie fondée sur les impératifs de flexibilité et d’abaissement des coûts, et sur la recherche d’une main-d’oeuvre à la merci de l’arbitraire des employeurs et des services de police. Le seul moyen d’éradiquer cette course au « moins disant social » est de placer tous les salariés sur un pied d’égalité en reconnaissant aux étrangers le droit à une installation garante de l’égalité des droits sociaux avec les nationaux et les ressortissants communautaires. Sans cette reconnaissance d’un droit à une installation durable, les étrangers continueront inexorablement à être la cible de politiques visant à les mettre en concurrence avec des salariés dont les droits sont présentés comme coûteux, sinon illégitimes. Pour échapper à cet engrenage, il faut réclamer qu’au minimum tous les étrangers présents sur le territoire de l’Union européenne voient leur statut aligné sur celui des résidents communautaires.
La revendication des libertés de circulation et d’installation découle d’impératifs éthiques et sociaux. Elle n’implique pas la remise en cause des frontières. Elle n’implique pas davantage la suppression de toute régulation étatique en matières économique et sociale. Nous y voyons au contraire le levier permettant de transformer la fonction des frontières, pour qu’elles ne soient plus des barrières militarisées mais la simple délimitation d’un espace citoyen de délibération. La reconnaissance de ces libertés doit aller de pair avec le renforcement de l’État social, aujourd’hui fragilisé par une série de dispositifs libéraux dont fait partie l’ouverture contrôlée des frontières liée aux seuls besoins des économies du Nord et faisant fi des droits des migrants du Sud.
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