Article extrait du Plein droit n° 2, février 1988
« Logement : pourquoi des ghettos ? »
Un comité de résidents, pour quoi faire ?
En effet, la révision des tarifs, l’affectation des locaux collectifs, la gestion des budgets d’animation, l’organisation des travaux d’amélioration et les conditions de réoccupation des lieux… sont autant de questions qui relèvent d’un consensus interne au foyer dont les résidents sont nécessairement partie prenante.
D’autre part, dans un habitat encore juridiquement hors statut, elle constitue un contrepoids indispensable au « règne sans partage » des gérants, notamment lorsqu’il s’agit d’appliquer le règlement intérieur.
Enfin, on ne peut douter de la légitimité du souhait qu’expriment les habitants de foyers de voir leur situation juridique se rapprocher du fonctionnement normal des habitations de droit commun, dans lesquelles, depuis fort longtemps, la loi a prévu un système de représentation des habitants.
Les conflits dans les foyers ont montré combien ce problème est au centre des préoccupations des résidents. Outre la baisse des tarifs et l’élargissement du régime des libertés dans les foyers, le Comité de coordination des foyers Sonacotra, fondé lors des durs conflits de 1975, avait revendiqué et mis en place des structures de représentation dans chaque foyer et au niveau national. La situation conflictuelle du moment et la farouche obstination des gestionnaires dans leurs refus de les reconnaître, n’avaient pas empêché qu’elles fonctionnent plutôt bien.
Un projet mort-né
La table ronde sur les foyers, réunie par le gouvernement de la gauche en 1982, ouvrit le débat sur cette question dans le cadre d’un projet global de codification du statut juridique des résidents, qui faisait référence à la loi Quillot sur les droits et obligations des bailleurs et des locataires. L’objectif alors affirmé était de mettre en place un statut de locataire incluant, pour les résidents, le droit de s’associer librement pour défendre leurs intérêts face aux bailleurs.
Mais les pressions des sociétés gestionnaires et des syndicats patronaux, sur-représentés dans une des commissions préparatoires, conduiront celle-ci à opter finalement pour une solution hybride (reprise du reste par le gouvernement dans son projet de loi) consistant, non pas à prévoir une représentation autonome des résidents, mais à créer un conseil d’établissement tripartite composé des gestionnaires, des résidents et de personnalités extérieures. C’était condamner les résidents à rester perpétuellement minoritaires.
Dans ces conditions, le fait que ce projet, déposé sur le bureau du Parlement, n’ait jamais été mis en discussion, ne représente qu’un moindre mal. Cependant, son enterrement a entériné le vide juridique préexistant et laissé la porte ouverte à toutes sortes d’abus des gestionnaires. C’est ainsi que, dans certains foyers, ces derniers se sont fabriqués des petits comités sur mesure. Et quand, face à des résidents moins malléables, ce procédé a échoué, la pratique, en cas de conflit, a été le recours au contentieux, sans aucune possibilité de consensus.
C’est dans ce contexte que la Sonacotra, après avoir concocté un contrat de résidents « maison », a réussi, dans certains foyers, à mettre en place des « comités de résidents » sur la base de règlements intérieurs non négociés avec les occupants.
Jusqu’au jour où des résidents, n’acceptant plus de se laisser faire, ont décidé de se doter d’une représentation élue selon les modalités qu’ils ont eux-mêmes fixées et que la Sonacotra s’est empressée de récuser. Et la justice, saisie de la question, a tendance, compte tenu du vide juridique existant, à renvoyer dos à dos gestionnaires et résidents. Le risque existe toutefois qu’elle ne finisse par valider le point de vue des gestionnaires au détriment des résidents : une solution qui ne ferait qu’ouvrir la voie à de nouveaux conflits. À terme, personne n’en sortirait gagnant.
Procès à rebonds pour une élection
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