Article extrait du Plein droit n° 46, septembre 2000
« D’autres frontières »

Les obscurs critères de l’accès au logement

Christophe Daadouch

Juristes

Dans leur grande majorité, les services communaux de logement et les offices d’HLM exigent du demandeur de logement qu’il réponde à une condition de domiciliation sur la commune. Dans le département des Hauts-de-Seine, par exemple, où une enquête a récemment été menée, vingt-quatre communes sur trente-six refusent les dossiers des demandeurs venant d’autres communes. Pour les autres, soit elles n’ont pas de logements sociaux à attribuer, soit elles considèrent ces dossiers comme non prioritaires lors des décisions d’attribution. Ce critère, qui détermine la recevabilité du dossier de demande de logement, est d’une parfaite illégalité.

Quelles sont, aux termes de la loi, les conditions à remplir pour pouvoir déposer une demande de logement ?

Selon les conditions de l’article R 441.1 du code de la construction et de l’habitation, peuvent déposer une demande les « personnes françaises et les personnes admises à séjourner régulièrement sur le territoire français dans des conditions de permanence définies par arrêté […] dont les ressources n’excèdent pas les limites fixées, pour l’ensemble des personnes vivant au foyer, compte tenu des personnes à charge, par arrêté […] ». Les textes prévoient, depuis 1999, la possibilité de déroger à cette dernière condition relative au plafond de ressources.

Pour le reste, et comme il est précisé à l’article R 441.2 du code de la construction et de l’habitation, « l’inscription ne peut être refusée lorsque le demandeur satisfait aux conditions prévues à l’article R 441.1. La recevabilité d’une demande de logement ne peut notamment être subordonnée à aucune condition de résidence sur le territoire de la collectivité territoriale d’implantation de ce logement. »

Les textes visent à assurer une certaine mobilité sociale et les attributions doivent permettre de rapprocher les demandeurs « de leur lieu de travail ou des équipements correspondant à leurs besoins » (R 441.3). Ainsi « les logements sont attribués en priorité […] aux personnes qu’un nouvel emploi conduit à changer de résidence » (R 441.4).

Si la réglementation est claire, elle ne prévoit malheureusement aucune sanction au refus d’instruire une demande d’une personne qui ne répondrait pas à la condition de domiciliation. Les préfets, bien qu’informés de ces pratiques, en particulier lors de l’élaboration des chartes intercommunales de logement ou des plans locaux de l’habitat, n’ont à ce jour rien tenté pour les limiter. Probablement par peur de contrarier ces communes, qui sont en même temps les seules à construire du logement social.

Du coup, sauf à rejoindre le parc privé de logements ou les hôtels meublés, ou à se faire domicilier chez un ami ou un membre de la famille, la seule solution est l’obtention d’une dérogation pour simplement pouvoir déposer une demande de logement.

Si des lois récentes (loi du 29 juillet 1998), ont visé à rendre plus transparentes les procédures d’attribution des logements, ces textes sont sans effet sur le stade de la recevabilité de la demande. Des critères ethniques, politiques ou socio-économiques sont utilisés dans la plus grande obscurité : une première fois lors de la demande de dérogation, une seconde à l’occasion des décisions d’attribution. Car la raison principale de ces pratiques est qu’elles servent de fondement au clientélisme et constituent une garantie que la profil de la population de la ville restera globalement stable.

Pour conclure, on fera remarquer que l’action contentieuse est ici d’une portée limitée. Celui qui obtiendrait par cette voie d’être inscrit comme demandeur de logement perdrait – au regard de la grande liberté laissée aux communes en matière de politique d’attribution – pratiquement toute chance d’obtenir un logement.



Article extrait du n°46

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Dernier ajout : jeudi 20 mars 2014, 10:11
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