Mineurs marocains isolés, le retour pour seule perspective ?

Le 11 juin dernier a eu lieu une réunion entre le préfet de police de Paris et l’ambassadeur du Maroc sur la situation des mineurs isolés marocains à Paris.

Ces mineurs seraient entre 40 et 70, principalement dans le quartier de la Goutte d’Or. L’association Trajectoires indique dans son rapport d’avril 2018 qu’ « il s’agit de jeunes voire très jeunes marocains (ou algériens mais se présentant comme marocains), poly-consommateurs de substances psychotropes (benzodiazépines, cannabis, solvants, ecstasy, etc.) exposés à de nombreux dangers car se livrant à des activités délinquantes fréquentes (vol à l’arraché, cambriolage, deal) et pouvant pratiquer des activités dangereuses (prostitution). » [1]

Ces enfants ont donc avant tout besoin d’être protégés.

Le compte rendu de la réunion du 11 juin n’envisage rien de tel mais fait état de l’arrivée en France d’une équipe de quatre agents marocains représentant les services du ministère de l’intérieur, de la police, du consulat et de la protection de l’enfance (voir le document ci-dessous). Cette équipe a pour mission « d’auditionner les mineurs isolés marocains et de recueillir les informations permettant de lancer les investigations en vue de leur identification et de leur retour au Maroc. »

L’objectif de cette opération est sans équivoque. Il s’agit de renvoyer ces mineurs dans leur pays. Elle semble s’inscrire dans un dispositif plus global de coopération policière puisqu’il existe un « arrangement administratif », non daté et non signé, qui permet (ou va permettre) à des policiers marocains de fournir aux services de la préfecture de police un soutien « en matière de prévention et de répression de la délinquance et de l’immigration irrégulière » (voir le document ci-dessous).

Un tel dispositif strictement policier serait totalement contraire aux droits de l’enfant. Un mineur isolé ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement exécutée sous la contrainte. Seul un⋅e juge des enfants peut, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, ordonner le retour d’un⋅e mineur⋅e dans son pays à condition que cela soit conforme à son « intérêt supérieur ».

Si son objectif est clair, le cadre juridique de cette opération, en revanche, est loin de l’être. Le compte rendu de la préfecture de police en atteste puisqu’il précise « la question du cadre juridique permettant un éloignement des mineurs non signalés comme disparus par les familles marocaines doit encore faire l’objet d’un travail d’expertise » et plus loin, le « retour soulève des problématiques juridiques notamment au regard du droit au séjour des mineurs et de l’obligation de protection des mineurs ».

Dans la perspective d’une coopération entre les deux pays, il est fait mention d’un précédent accord bilatéral signé par la France avec la Roumanie qui avait pour objet de renvoyer des mineurs roumains.

Les deux gouvernements seraient très mal avisés de s’inspirer de cet accord, ou plus précisément de sa deuxième version signée en 2007, laquelle avait été jugée inconstitutionnelle [2]. En effet, elle supprimait le contrôle obligatoire du juge des enfants avant tout renvoi d’un mineur auprès de sa famille restée au pays, et méconnaissait le droit des jeunes à exercer un recours juridictionnel effectif.

Qu’il s’agisse de construire leur avenir en France ou d’envisager leur retour au pays d’origine, les questions relatives aux mineurs isolés doivent rester du strict ressort de la protection de l’enfance.

Paris, le 13 juillet 2018
Arrangement administratif des MI France & Maroc
CR réunion Préf de Police du 11 juin 2018

[2Conseil constitutionnel : décision n°2010-614 DC du 4 novembre 2010 relative à la loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français.

Voir notre dossier « Les mineur·es isolé·es étrangers et étrangères (MIE) »

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Dernier ajout : vendredi 13 juillet 2018, 15:46
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