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Kamel Daoudi ne peut pas être un suspect à perpétuité

« Suspect à perpétuité », c’est ainsi que la presse généraliste désigne à présent Kamel Daoudi1 : assigné à résidence depuis plus de douze ans, soumis à un couvre-feu quotidien et à une obligation de pointer au commissariat au moins deux fois par jour depuis sa sortie de prison en 2008, le « plus ancien assigné à résidence de France » sera jugé le 27 janvier 2021 par la cour d’appel de Riom pour avoir violé certaines de ces obligations.

Condamné en 2005 à six ans d’emprisonnement et libéré trois ans plus tard, Kamel Daoudi a été déchu de sa nationalité française et a fait l’objet d’une mesure d’expulsion ; mais la mesure n’a pu être exécutée, la Cour européenne des droits de l’Homme ayant estimé qu’il ne pouvait être renvoyé en Algérie où il risquerait de subir les traitements inhumains réservés aux personnes condamnées pour des faits qualifiés de terroristes.

Alors que la situation de Kamel Daoudi reste juridiquement inchangée depuis sa sortie de prison en avril 2008, le ministère de l’intérieur s’obstine à prétendre qu’il constituerait encore un risque pour la sécurité – ce qui d’ailleurs prive Kamel Daoudi de la moindre chance d’être accueilli par un pays tiers. Bientôt vingt ans après les faits pour lesquels il a été condamné, ni la justice, ni le ministère de l’intérieur ne sont capables de démontrer qu’il conserverait un quelconque lien avec un mouvement qualifié de terroriste ou qu’il adhèrerait à une idéologie justifiant des actes terroristes. Les juges judiciaires qui se sont prononcés sur son sort en 2005 ont estimé qu’une peine de six ans était juste : ils n’ont pas voulu lui infliger une peine de seize ans de privation de liberté.

Pour avoir brisé ponctuellement un couvre-feu respecté depuis dix ans, Kamel Daoudi a été condamné à un an d’emprisonnement par le tribunal correctionnel d’Aurillac. Encore étiqueté comme « terroriste », il risque de purger l’intégralité de sa peine à l’isolement.

Vu la sévérité de cette peine, la fréquence des contrôles dont il fait l’objet, la rapidité avec laquelle il est déplacé d’un endroit à l’autre du territoire français, son assignation à résidence ne peut plus être qualifiée de simple restriction de liberté : elle est, à l’instar d’une peine de prison, une véritable privation de liberté, décidée par le pouvoir administratif sans aucun contrôle indépendant de juges judiciaires. Il est privé de toute possibilité de mener une vie familiale et professionnelle normale. Cette assignation à résidence à perpétuité infligée à Kamel Daoudi constitue sans nul doute un traitement « inhumain » contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La situation intolérable de Kamel Daoudi doit cesser : l’acharnement à son encontre doit prendre fin.

25 janvier 2021
  • Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s)
  • LDH (Ligue des droits de l’Homme)

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Dernier ajout : mardi 2 février 2021, 12:17
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