B. La répression du délit de solidarité l’étranger depuis 2015

2025
  • Grèce : Le 6 février 2025, la Cour d’appel tripartite de Mytilène a acquitté A.H., un réfugié palestinien de Gaza, poursuivi pour transfert non autorisé d’étrangers, provocation d’un naufrage et désobéïssance. Le 5 septembre 2024, alors qu’ils tentaient de rejoindre la Grèce avec un groupe de 25 Syriens et Palestiniens, A.H. et d’autres migrants à bord d’un petit bateau en caoutchouc avaient été attaqués par un navire des gardes-côtes grecs. Les témoignages des passagers recueillis au cours de l’enquête avaient révélé que les garde-côtes avaient tiré à balles réelles et éperonné l’embarcation des migrants, la faisant chavirer. Deux témoins ont confirmé qu’A.H. ne conduisait pas le bateau, mais qu’il avait tenté de réduire sa vitesse uniquement pour stabiliser l’embarcation et sauver des vies à la suite de l’attaque. [Voir le communiqué et les détails de l’affaire sur le site du Legal Centre Lesvos]
2024
  • Tunisie : Le 12 novembre 2024, Abdallah Saïd, Fondateur de l’association "Enfants de la lune" d’aide et soutien aux personnes migrantes en Tunisie, a été interpellé et transféré au pole antiterroriste de ce pays. Selon le comité de soutien, le seul crime était d’être solidaire avec les enfants migrants et réfugiés dans la région de Médénine. Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) a publié un « appel à la solidarité avec Abdallah Said ».
  • Italie : Le 12 avril 2024, Mimmo Lucano, l’ancien maire de Riace, a été acquitté par la justice. Il avait été condamné en septembre 2017 pour « association de malfaiteurs aux fins d’immigration irrégulière ».
  • Italie : Le 19 avril 2024 le tribunal de Trapani a rejeté les charges contre les trois ONG Jugend Rettet, Save the Children, Médecins sans frontières ainsi que vingt et un de leurs membres qui étaient accusés de s’être livrés à des actions favorisant l’immigration clandestine vers l’Italie. Il leur était notamment reproché d’avoir fait monter à bord, lors d’opérations de sauvetage menées en 2016 et 2017, des personnes qui ne se trouvaient pas en situation de danger en mer et de s’être coordonnées avec des trafiquants libyens pour transborder des groupes de migrants. Au bout de sept ans de procédure, la justice a reconnu qu’il n’existait aucune preuve de collaboration illégale entre ONG et passeurs. Le tribunal de Trapani a acquitté dix des accusés. Les onze autres doivent comparaître devant d’autres tribunaux qui, selon la défense, devraient statuer dans le même sens (Le Monde, 20 avril 2024).
2023
  • Italie : Le 22 novembre 2023 la cour d’appel de Catane a prononcé la relaxe de deux membres de l’équipage du navire de l’ONG espagnole Open Arms, mettant fin à une procédure engagée cinq ans auparavant. Ils étaient accusés d’incitation à l’immigration clandestine. Les faits remontaient au 15 mars 2018, lorsque le navire avait procédé à deux opérations de sauvetage en Méditerranée centrale, secourant 218 migrants. Le parquet avait initialement requis contre les accusés douze ans de prison et des centaines de milliers d’euros d’amende. Le tribunal de Raguse avait jugé en 2020 qu’il n’y avait pas lieu à poursuites mais le parquet avait fait appel, relançant la procédure qui a donc duré encore trois ans.
2022
  • Grèce : Un photographe norvégien investi dans l’aide aux migrants et critique des « pushbacks » effectués par les autorités, est arrêté dans l’île de Lesbos le 17 marspour avoir photographié des navires des garde-côtes grecs. Il est accusé d’espionnage et de trahison
2021
  • Grèce : 24 bénévoles qui avaient sauvé de la noyade en 2018 des réfugiés accostant sur l’île de Lesbos sont poursuivis par la justice grecque. Parmi les accusés figure Sarah Mardini, la réfugiée syrienne qui s’est fait connaître en 2015 pour ses exploits en mer Egée, lorsqu’elle a, avec sa soeur Yusra, nageuse olympique, aidé à amener le bateau de migrants sur lequel elle se trouvait jusqu’à Lesbos, sauvant ainsi les passagers. À l’été 2018, elle a été arrêtée pour ses activités au sein de cette ONG, emprisonnée durant 106 jours puis libérée sous caution. Toutes ces personnes sont accusées de « trafic humain », de « blanchiment d’argent », de « fraude », « espionnage », ou encore d’appartenir à une « organisation criminelle », faits punis de 25 ans de prison. Le procès qui devait se tenir le 17 novembre a été repoussé (il s’est tenu en janvier 2023).
  • Grèce : Une journaliste néerlandaise, correspondante pour de nombreux médias hollandais, est poursuivie pour « facilitation du séjour illégal d’un ressortissant de pays tiers ». On lui reproche d’avoir hébergé chez elle, sur l’île d’Hydra, où elle vit depuis quarante ans, un jeune migrant afghan. Arrêtée le 13 juin, puis relâchée, elle encourt une peine d’au moins un an de prison.
  • Maroc : Helena Maleno, militante espagnole qui vient en aide aux migrant·es, a été expulsée manu militari le 23 janvier 2021 du Maroc où elle réside depuis plus de vingt ans.
    Fondatrice du collectif Caminando Fronteras, créé en 2002 pour apporter de l’aide aux migrants et dénoncer les abus et violations de droits commis à la « frontière sud » de l’Europe, au Maroc comme en Espagne, Helena Maleno a été arrêtée par les autorités marocaines qui l’attendaient à l’aéroport de Tanger pour l’empêcher de rentrer dans le pays, et l’ont fait monter dans un avion pour Barcelone.
    Elle accuse l’Espagne de complicité, reprochant aux deux pays de la persécuter, notamment depuis la publication en 2020 de son livre, Mujer de Frontera (« Femme de frontière »), dans lequel elle dénonce les abus des polices marocaine et espagnole et de l’agence européenne Frontex.
    En 2017, déjà, elle avait été fait l’objet d’une enquête pour déterminer si elle était susceptible de poursuites judiciaires pour avoir « favorisé l’immigration clandestine » et « aidé illégalement au passage de migrants ». La justice espagnole en 2017, comme la justice marocaine en 2019, avaient abandonné les poursuites.
    > Voir le communiqué publié par Euromedrights en 2017
  • Belgique : Onze personnes, (quatre hébergeurs et hébergeuses et sept personnes migrantes) sont jugées en appel pour « trafic d’êtres humains et participation à une organisation criminelle ».
    En 2018, deux hébergeurs avaient été acquitté.es, les autres ayant été condamné.es à des peines allant de 12 à 40 mois de prison.
    Le 26 mai 2021, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé l’acquittement des quatre personnes qui avaient hébergé chez elles des migrants et étaient poursuivies pour trafic d’êtres humains. Elle a revu à la baisse les peines prononcées à l’encontre des migrants qui en avaient aidé d’autres à passer en Grande-Bretagne.
    ->Procès de la solidarité et de la migration : non à l’instrumentalisation politique de la justice !
2020
  • Italie : poursuites judiciaires contre Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3, pour « résistance avec violence envers un navire de guerre », « obstruction à la force publique » et « incitation à l’immigration clandestine ».
    Arrêtée le 29 juin 2019 pour avoir accosté de force à Lampedusa afin d’y faire débarquer 40 migrants, Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3, qui était poursuivie pour « résistance avec violence envers un navire de guerre » et « obstruction à la force publique », a été remise en liberté le 1er juillet par le tribunal d’Agrigente (Sicile). Pour le tribunal, l’interdiction de pénétrer dans les eaux territoriales italiennes, imposée un décret-loi de juin 2019, n’était "pas applicable aux actions de sauvetage", et Carola Rackete était "obligée" de débarquer les migrants à Lampedusa dans la mesure où les droits des migrants n’étaient pas garantis dans les autres ports proches, en Tunisie et surtout en Libye. Sur appel du parquet, la Cour de Cassation italienne a confirmé le 17 janvier 2020 la validité de cette libération.
    Une procédure est toujours en cours, depuis septembre 2019, pour « incitation à l’immigration clandestine ».
    Un juge italien a décidé de classer l’affaire. Selon le bureau du procureur, Rackete a agi en état de nécessité, car elle avait le "devoir d’amener les migrants à un port sûr", ne pouvant plus garantir la sécurité à bord après 17 jours d’attente au large des côtes italiennes. Pour la porte-parole de Sea Watch, c’est la conclusion logique et nécessaire d’une affaire dans laquelle la Cour de cassation s’était déjà exprimée en soulignant deux principes très importants : le principe selon lequel le sauvetage de toute personne en danger en mer constitue l’accomplissement d’un devoir et ne peut donc être criminalisé et le principe selon lequel le navire et qui assure le sauvetage ne peut être considéré comme un port sûr et le sauvetage lui-même ne peut être considéré comme conclu que lorsque les personnes arrivent dans un port.
  • Chypre : harcèlement d’une association anti-raciste. KISA, association anti-raciste chypriote qui dénonce la xénophobie d’Etat qui s’exerce sur les personnes exilées à Chypre et s’oppose aux réformes qui violent leurs droits, a été radiée au début de l’année 2020 du registre des associations au prétexte qu’elle n’a pas respecté les démarches administratives prévues par une loi sur les associations de 2017. Ce n’est pas la première fois que KISA subit l’acharnement des autorités : en 2010 elle avait été condamnée pour diffamation après avoir protesté contre des propos hostiles aux étrangers ; en 2019, KISA a été accusée par le ministre de l’intérieur de porter atteinte aux intérêts nationaux et « d’entretenir des liens avec des organisations terroristes islamiques ».
    -> Voir le communiqué de Migreurop.
2019
  • Hongrie : criminalisation des associations qui viennent en aide aux demandeurs et demandeuses d’asile. En juin 2018, le parlement hongrois a adopté une réforme de la loi sur l’asile selon laquelle sont irrecevables les demandes présentées par personnes qui ne justifient pas avoir des raisons de craindre d’être directement persécutées dans le pays dont elles sont ressortissantes, dans leur pays de résidence habituelle ou dans un autre pays par lequel elles sont arrivées en Hongrie. La même loi incrimine les associations qui soutiennent ces demandeurs et demandeuses d’asile, dont les responsables risquent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à douze mois.
    Le 8 novembre 2019, la Commission a introduit une recours contre la Hongrie devant la CJUE pour lui faire reconnaître que ces dispositions de la loi hongroise sont contraires à la directive 2013/32/UE (dite directive « Procédures »).
  • Grèce : 1er mars 2019, Cour d’appel de Patras : relaxe de Stephan qui avait été condamné par la Cour d’assise de Patras à 7 ans de prison pour avoir tenté d’aider sa belle famille fuyant la guerre en Syrie à venir en France.
    En 2015, ce Français originaire d’Albi avait tenté d’aider sa belle famille, fuyant la guerre en Syrie, à passer de Grèce en Italie en les rejoignant sur place en voiture pour organiser un trajet en ferry. Ces derniers venaient alors de traverser la Méditerranée dans des conditions extrêmement périlleuses, afin de trouver refuge en France, auprès de leur fille, de Stéphan et de leurs enfants. Malheureusement, la tentative échoue. Les autorités grecques contrôlent les cinq passagers et les placent en garde à vue.
    Stéphan avait été accusé de "transport illégal en masse du territoire grec vers le sol d’un pays membre de l’Union européenne de ressortissants d’un pays tiers non munis de passeport". Plus de détails ici.
  • Italie : L’équipage du Iuventa, navire de l’ONG allemande Jugend Rettet, qui a contribué à sauver des milliers de personnes en Méditerranée centrale en menant plusieurs campagnes de sauvetage au large de la Libye en 2017, est poursuivi par la justice italienne. Sept Allemands, deux Écossais et un Espagnol encourent jusqu’à 20 ans de prison pour « aide à l’immigration irrégulière » Le courrier de l’Atlas, 3 avril 2019
2018
  • Belgique : Le 12 décembre le tribunal correctionnel de Bruxelles a relaxé quatre des personnes poursuivies pour trafic d’êtres humains pour avoir hébergé des migrants. Les huit autres prévenus ont écopé de peines de prison avec sursis.
  • Royaume-Uni : 1er oct. 2018, Chelmsford Crown Court : jugement de 15 personnes poursuivies pour avoir tenté d’empêcher le décollage d’un charter de 57 expulsés (Ghana et Nigeria) en se couchant sur le tarmac à l’ aéroport de Stansted.
    Voir : End Deportation latest newsletter ; soutien de Amnesty international
  • Italie - 17 juillet 2018, tribunal d’Imperia : seconde partie du procès de Gianni : défense et réquisitoire du procureur
  • Belgique : 4 juin 2018, tribunal de Termonde : comparution de cinq personnes dont les deux journalistes poursuivies pour "organisation de trafic d’êtres humains"
    Renvoi à l’automne au tribunal francophone de première instance de Bruxelles ; les trois non journalistes sont maintenus en détention.
    Voir ici des informations sur ces poursuites pour « organisation de trafic d’êtres humains »
2017
  • Belgique : 31 mai 2017, tribunal correctionnel de Bruxelles, comparution de six passagers poursuivis pour avoir protesté contre la violence d’une expulsion en cours. Affaire renvoyée au 17 novembre 2017
  • Italie : 27 avril 2017 à Imperia : relaxe totale pour Félix. Il avait, en juillet 2016, tenté d’aider une famille soudanaise à venir en France. La procureure avait requis 40 mois de prison ainsi que 50 000 euros d’amende.
  • Italie : 16 février 2017 au tribunal d’ Imperia, procès de Félix accusé d’avoir tenté, en juillet 2016, d’aider une famille soudanaise à venir en France.
2016

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Dernier ajout : vendredi 7 février 2025, 12:10
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