Carte famille nombreuse
La discrimination en guise de politique d’intégration des familles étrangères ?

Le gouvernement vient de lancer en grande pompe une nouvelle carte de famille nombreuse. Cette carte « à vocation généraliste » servie dans les CAF, les mairies et les gares permettra aux familles de trois enfants ou plus de bénéficier non seulement des réductions sur les voyages SNCF mais également sur de nombreux autres biens et services.

Dans la lignée de l’actuelle réforme législative contre les étrangers au cours de laquelle les familles étrangères ont été présentées comme des indésirables, de l’« immigration subie », un fardeau dont on souhaiterait se débarasser, les familles étrangères seront exclues de cette nouvelle carte famille nombreuse. Elle sera réservée aux seules « familles françaises ou européennes » en dépit des protestations des associations contre cette discrimination. Au moment même où la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) remet son premier rapport, l’institutionnalisation de la discrimination constitue le fer de lance des politiques sociales et d’intégration !

Que peuvent bien valoir tous les beaux discours sur l’accueil et l’intégration ? Que peuvent donc valoir les mesures de pure façade et autres gadgets destinés à lutter contre les discriminations quand l’Etat est le premier à montrer le mauvais exemple ? Et que fait donc la HALDE dont c’est en principe le rôle de dénoncer de telles mesures contraires aux textes internationaux et nationaux ?

Rappelons que de telles discriminations instituées par des textes de droit interne sont encore nombreuses en matière de prestations sociales et d’emplois fermés aux étrangers : le modèle français de discrimination a encore des bases solides. Il en sort renforcé avec la nouvelle carte famille nombreuse.

Or ces discriminations dans l’accès aux droits sociaux ont constamment été censurées par les juridictions tant internationale (Comité des droits de l’homme des nations unies, Cour européenne des droits de l’homme) qu’internes (Conseil d’Etat, Cour de cassation).

La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi estimé, en la matière, que « seules des considérations fortes peuvent amener (...) à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité ». Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont adopté la même position excluant l’application d’un critère de nationalité dans le bénéfice de prestations sociales.

Récemment encore, le Conseil d’Etat a invalidé les dispositions de décrets de 2004 qui excluaient les artisans étrangers non européens du droit de vote et de l’éligibilité aux chambres des métiers et de l’artisanat car elles violaient le principe d’égalité (CE, Ass, 31 mai 2006, Gisti).

La carte famille nombreuse est une prestation sociale financée par l’impôt, comme l’a rappelé récemment le conseil d’Etat (CE 22 octobre 2003, Gisti, LDH), qui doit donc bénéficier aux familles étrangères dans les mêmes conditions que les familles françaises et européennes car elles sont également contribuables et usagers de la SNCF.

Paris, le 26 juin 2006

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Dernier ajout : mardi 10 octobre 2006, 17:58
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