Article extrait du Plein droit n° 28, septembre 1995
« Les nouvelles batailles de Poitiers »
La charge de l’enfant : la Cour de cassation tranche
À la suite du rejet de leur demande par la caisse d’allocations familiales d’Aubenas, ils forment un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Ardèche, qui fait droit à leur demande et impose à la caisse le versement des prestations à partir du 1er septembre 1989.
Saisie en appel, interjeté par la CAF de l’Ardèche et le Directeur régional des affaires de la sécurité sociale région Rhône-Alpes, la Cour d’appel de Nîmes, dans son arrêt du 31 janvier 1992, confirme en tous points la décision des premiers juges.
S’obstinant, la DRASS Rhône-Alpes forme un pourvoi en cassation. En réponse, l’arrêt MANENT (*), en date du 5 mai 1995, rejetant le pourvoi, donne définitivement tort au ministère des Affaires sociales.
L’arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 5 mai 1995, concernant l’attribution des prestations familiales aux familles qui accueillent des enfants étrangers, devrait mettre fin à des pratiques restrictives illégales qui se fondaient sur un ensemble de circulaires et de lettres ministérielles.
Le code de la sécurité sociale, dans ses articles L. 512-2 et L. 513-1, dispose que les prestations familiales sont attribuées à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant, dès lors que cette personne, française ou étrangère, réside en France ainsi que les enfants dont elle a la charge.
L’article 521-2 du code précise l’application de ce principe aux allocations familiales en élargissant la notion de prise en charge : « les allocations familiales sont versées à la personne qui assure, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l’enfant ».
De nombreuses jurisprudences sont venues préciser la notion de prise en charge. La prise en charge d’un enfant s’entend comme un ensemble de faits qui permettent de conclure que l’enfant est principalement hébergé chez les personnes qui assument sa charge, que celles-ci l’entretiennent et l’éduquent. Cette notion s’entend en dehors de tout lien juridiquement établi entre l’enfant et la personne accueillante (ni en terme de garde ou d’obligation alimentaire).
Cependant, le ministère des affaires sociales, dans des lettres ministérielles de 1987 et 1990 et, plus récemment, la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), dans une circulaire du 9 février 1994, réduisent cette notion de prise en charge effective et permanente aux situations qui comportent un transfert de l’autorité parentale à la famille accueillante (enfant abandonné, orphelin). La circulaire CNAF est même encore plus réductrice puisqu’elle prétend que la délégation d’autorité parentale, dès lors qu’elle ne transfère pas l’ensemble des responsabilités, devoirs et obligations à la charge des parents, ne permet pas l’attribution des allocations familiales.
Ces restrictions visaient plus particulièrement les situations d’accueil et de recueil des enfants étrangers par des membres ou des amis de leur famille vivant en France, mais également les opérations de parrainage d’enfants étrangers dans le cadre d’actions humanitaires.
Le paradoxe administratif a été plus loin encore, puisque des personnes physiques, désignées comme tiers dignes de confiance par le juge pour enfants, se sont vu refuser l’attribution des allocations familiales pour les enfants dont le magistrat leur avait donné la garde, au motif qu’elles n’assuraient pas la charge effective et permanente de l’enfant ! Et dans ce cas, ce sont les parents « juridiques » qui conservent l’attribution des allocations familiales sans assumer la charge de l’enfant !
Il était donc temps que la Cour de Cassation rappelle le droit. Elle l’a fait de façon très claire dans cet arrêt du 5 mai 1995, puisqu’elle a jugé que les personnes hébergeant un enfant à leur foyer avaient droit aux allocations familiales, « peu important la situation juridique de celui-ci vis-à-vis de l’allocataire » et ce, en vertu de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale.
(*) Cet arrêt est disponible au Gisti sous la référence : jurisprudence n° 228.
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