29 janvier 2017, Angres-Calais : un chauffeur de taxi mis en examen pour avoir transporté des migrants
Après quarante-huit heures de garde à vue le 29 janvier, son véhicule est saisi et il est en contrôle judiciaire - en attendant son jugement.
Un chauffeur de taxi mis en examen pour avoir transporté des migrants
La voie du nord, 18 février 2017
par Élodie Rabé
EXTRAITS
[...] « Je les ai rencontrés en mars. J’étais sur le parking d’une grande surface. Ils étaient avec leurs packs d’eau, je les voyais dans la misère, je les ai transportés jusqu’au camp gratuitement et je leur ai laissé une carte de visite, au cas où. » C’est le début d’une collaboration de neuf mois. On fait régulièrement appel à lui. Pour aller chercher des migrants à Bruxelles et les ramener au camp, pour les emmener à Dunkerque, Calais, ou pour aller faire des courses… Le chauffeur de taxi est conscient qu’il aide des migrants, il sait que leur objectif c’est l’Angleterre.
- Des clients comme les autres
« Je n’avais pas l’impression de faire quelque chose de mal, je les transportais d’un point A à un point B, il s’agissait de clients comme les autres. » Les prix ne sont pas surélevés, son enseigne est toujours visible… Ce taxi lensois a juste l’impression « de faire son métier ». Pas de profiter de la misère. [...]
Sûr de sa bonne foi, le père de famille joue carte sur table et « n’a rien à cacher ». Il raconte même s’être fait contrôler à la frontière belge avec des migrants à l’arrière, « on ne m’a jamais rien dit. Des CRS de Dunkerque ont aussi vu que je les déposais, pourquoi ils ne m’ont pas alerté ou donné une amende ? »
- Quarante-huit heures de garde à vue.
Quand la police débarque en nombre chez lui, le dimanche 29 janvier, [le chauffeur] « tombe des nues ». « Je ne sais pas pourquoi ils sont là, je n’ai pas transporté de drogue ou tué quelqu’un. » À la perquisition et l’interpellation suivent quarante-huit de garde à vue à Calais. Le Liévinois passe à deux doigts de l’incarcération mais ressort libre, sous contrôle judiciaire. Avec obligation de pointer une fois par semaine, interdiction d’entrer en contact avec les Vietnamiens et de sortir du territoire français.
Il attend l’audience de jugement et il est prêt à se défendre. [...]
Taxis à Calais : « Oui, on a pris des migrants et ça ne fait pas de nous des passeurs »
La voie du Nord, 21 février 2017
par Jean-Philippe Delattre
EXTRAITS
« Délicat. » C’est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des chauffeurs de taxi du Calaisis [...]. Car le métier, en principe, consiste juste à transporter des clients d’un point A à un point B. « On n’a pas le droit de leur demander leur carte d’identité ni d’ouvrir leurs bagages, explique un chauffeur de taxi de Fréthun. Ce serait de la discrimination. » Dans la mesure où les migrants payent, ils sont « des clients comme les autres ».
- « Quand ils arrivaient, ils demandaient qu’on les conduise à la « jungle »
Devant la gare de Calais, plusieurs chauffeurs de taxi reconnaissent avoir sciemment transporté des migrants. « Plus depuis que l’État a démantelé le camp, commente l’un d’eux. Quand ils arrivaient, ils demandaient qu’on les conduise à la « jungle ». Souvent zone Curie, aussi. Mais quand ils demandaient d’aller sur une zone fret, je refusais. Ce n’est pas du tout la même chose. » [...]
- Appelé par les gendarmes… pour conduire des migrants
« Des fois, c’étaient les gendarmes qui m’appelaient pour venir prendre des réfugiés, se souvient un chauffeur posté devant la gare de Fréthun. Ils se trouvaient sur la route, à Coquelles et voulaient aller au camp. Une autre fois, on m’a appelé pour venir à Auchan. Il fallait un grand taxi pour sept personnes. Arrivé là-bas, il n’y avait que deux personnes. Des Afghans, avec quatre caddies. Ils avaient fait leurs courses pour aller revendre à la « jungle ». Je les ai emmenés. Je ne m’estime pas passeur pour avoir conduit des clandestins d’Auchan au camp. » [...]
- Transporter des migrants est-il risqué ?
Les chauffeurs de taxi du Calaisis, en transportant des migrants pour de petits trajets, prennent-ils un risque ? D’après le procureur de Boulogne-sur-Mer, Pascal Marconville, « il ne s’agit pas d’aide au séjour ». Il confirme que les chauffeurs n’ont pas le droit de demander des papiers d’identité. « Si un chauffeur refuse une course, il peut se faire inquiéter au seul motif que la personne a l’apparence d’un migrant. » Le procureur rappelle toutefois que « la loi réprime le fait de faire entrer un clandestin sur le territoire national. Si un chauffeur essaye, par exemple, de passer par le Tunnel avec des migrants, il peut avoir des ennuis. Il y a eu un dossier de cette nature, il y a un an, à Dunkerque. Là, il s’agissait d’un réseau de passeur ».
Partager cette page ?