Article extrait du Plein droit n° 1, octobre 1987
« Immigrés : la dérive de l’État de droit »
Première alerte pour les étudiants étrangers
Il est impératif de déposer un dossier, même incomplet, avec un titre de séjour en cours de validité. Si l’administration refuse le dossier, adresser celui-ci à la préfecture en lettre recommandée avec accusé de réception en en gardant le double.
Au mois de février 1987, plusieurs étudiants étrangers, pour la plupart marocains, régulièrement inscrits à l’Université de Picardie, en général depuis plusieurs années, se sont vu notifier des refus de séjour avec obligation de quitter la France dans un délai d’un mois. Les services de la préfecture justifiaient leur décision par le fait que ces étudiants, ayant omis de déposer dans les délais leur demande de renouvellement de titre de séjour, se trouvaient en situation irrégulière : dès lors – et la préfecture faisait implicitement application des instructions ministérielles contenues dans la circulaire du 17 septembre 1986 – les demandes de renouvellement devaient être considérées comme irrecevables et toute possibilité de régularisation se trouvait exclue.
Indépendamment du fondement juridique fragile du motif invoqué pour refuser d’examiner les demandes déposées hors délai (voir article p. 26), l’attitude de la préfecture était doublement choquante :
- d’une part parce que, les années précédentes, les étudiants étrangers avaient été habitués à un certain libéralisme de la part de la préfecture en ce qui concerne le dépassement des délais pour le dépôt des demandes de renouvellement des titres de séjour. Les étudiants pouvaient donc avoir à juste titre le sentiment d’avoir été pris « en traître » ;
- d’autre part parce que les retards – parfois importants, il est vrai – constatés dans l’accomplissement des formalités étaient en général indépendants de la volonté des intéressés, qui rencontrent chaque année des difficultés pour réunir l’ensemble des documents et attestations que l’on exige d’eux.
À ceux qui se sont présentés avec un dossier incomplet, la préfecture a en général délivré un récépissé provisoire ; mais beaucoup n’ont pas cru utile de se présenter aussi longtemps que leur dossier était incomplet, et ils se sont alors trouvés en situation irrégulière. Il est évident que la nouvelle des premiers refus de séjour n’a pu que les conforter dans cette attitude, et beaucoup d’étudiants ont vécu alors dans une semi-clandestinité.
Grâce à une mobilisation relativement importante des étudiants, des enseignants, et des syndicats locaux, la préfecture a accepté de revoir sa position, et la plupart des situations ont finalement pu être réglées, mais au cas par cas, ce qui a laissé apparaître de sérieux risques d’empiétement des autorités de police sur les compétences propres des universités.
L’ensemble de cette affaire fait apparaître trois points sensibles, qui sont autant d’éléments d’inquiétude en ce qui concerne l’avenir :
1. L’application stricte de la circulaire du 17 septembre 1986 recommandant d’opposer l’irrecevabilité à toute demande déposée hors délai risque de se révéler fatale à beaucoup d’étudiants, compte tenu des difficultés auxquelles ils se heurtent chaque année pour obtenir les attestations requises : attestation de bourse, attestation de ressources, etc.
2. L’obligation pour l’étudiant de pouvoir justifier d’une adresse se mue en pratique en obligation de pouvoir justifier d’un logement : on exige alors de l’étudiant une attestation de logement – ce qui d’une part est en totale contradiction avec les textes et les instructions ministérielles contenues dans la circulaire du 1er août 1985, et d’autre part multiplie encore les obstacles et les délais pour réunir l’ensemble des documents exigés.
3. Enfin, alors que la circulaire du 1er août1985 encore en vigueur précise que la présentation du certificat d’inscription ou de réinscription à l’Université suffit, et que l’attestation selon laquelle le demandeur a participé aux examens auxquels les cours préparent ne peut être demandée qu’en ce qui concerne d’autres établissements d’enseignement que l’Université, les préfectures prétendent encore, comme l’expérience d’Amiens l’a montré, exercer un contrôle beaucoup plus étroit sur la réalité des études poursuivies et l’assiduité des étudiants étrangers. Une telle prétention doit être vigoureusement combattue.
Quand la gendarmerie s’en mêle…
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