Édito extrait du Plein droit n° 3, avril 1988
« Quels discours sur l’immigration ? »
Un, deux, trois discours…
ÉDITO
Soucieux de redorer un blason quelque peu terni par des silences fracassants et des reculs spectaculaires, et de montrer qu’il se préoccupe malgré tout du sort des immigrés, le secrétaire d’État aux droits de l’homme commande au député RPR Michel Hannoun un rapport sur le racisme en France. Reçu plutôt favorablement à gauche, ce rapport attire à son auteur des critiques acerbes au sein de son propre parti.
De son côté, le garde des Sceaux, auteur d’un projet de loi contesté mais néanmoins déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale quelques mois auparavant, décide – un peu tard… – de confier à une commission de « sages » présidée par le vice-président du Conseil d’État, le soin de réfléchir à une réforme du code de la nationalité. Après plusieurs mois de réflexion et des heures d’auditions, la commission remet sa copie : il en ressort une condamnation implicite mais non équivoque du projet gouvernemental. Accueilli diversement dans l’opinion, ce rapport ne suscite guère de commentaires dans les rangs du gouvernement.
Elections : danger ! on attend et on se tait.
Quelle suite les hommes qui nous gouvernent ont-ils l’intention de donner aux propositions contenues dans ces différents rapports ? Nul n’en sait rien, et nul au demeurant n’en a cure. Car l’essentiel est ailleurs. L’essentiel est de laisser le ministre de l’Intérieur et ses services régler en paix le seul problème qui préoccupe véritablement les pouvoirs publics : la chasse aux étrangers en situation irrégulière ou, pour dire les choses de façon plus brutale mais plus juste : la chasse aux étrangers que l’on s’efforce par tous moyens de mettre en situation irrégulière, les préfectures fabriquant quotidiennement, par des pratiques hautement contestables, voire franchement illégales, des quantités de « clandestins », y compris parmi les catégories d’étrangers qui ont vocation à recevoir de plein droit la carte de résident, et donc à s’établir en France.
Mais, objectera-t-on, n’est-il pas malgré tout réconfortant, ce consensus qui semble se dégager autour de l’idée d’intégration, au point que celle-ci est en passe de devenir le dernier cri du discours prêt-à-porter, du discours de bon aloi, sur l’immigration ? N’est-il pas rassurant de voir des hommes de bonne volonté, au sein de la droite, se démarquer clairement des thèses de la droite extrême, dont l’audience, hélas, ne s’arrête pas aux frontières du Front national, mais empiète largement sur le RPR et l’UDF, quand elles ne contaminent pas certains esprits au sein même de la gauche ?
Eh bien non, tout ceci ne suffit pas à nous rassurer.
D’abord, parce que ce nouveau discours sur l’immigration reste bien ambigu sur beaucoup de points, comme le montre plus loin avec force Jean-Michel Belorgey.
Ensuite, parce qu’il est largement concurrencé par d’autres discours, bien moins sereins, au point qu’on peut se demander si, par-delà cette cacophonie et l’incohérence apparente des propos tenus au niveau gouvernemental et dans la majorité, il n’y a pas là une stratégie délibérée d’égarement de l’opinion.
Enfin, comment être vraiment rassuré lorsque le discours sur l’intégration est quotidiennement démenti dans les faits, et que l’on assiste chaque jour, impuissant, aux effets déstabilisateurs de la loi Pasqua sur la population immigrée ?
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