Référé-liberté pour suspendre les effets de plusieurs articles de l’ordonnance n°2020-305 adaptant les règles applicables au contentieux des étrangers
Le 1er avril 2020, le SAF, le Gisti, l’ADDE et le SM ont saisi le Conseil d’État d’une requête en référé-liberté visant l’ordonnance n° 2020-305, prise sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et qui porte adaptation des règles applicables en matière de contentieux administratif.
La requête s’attachait à démontrer que plusieurs dispositions de l’ordonnance portent une atteinte grave et disproportionnée au droit de tout justiciable d’assurer sa défense, notamment parce qu’elles ne prennent pas en compte la spécificité des contentieux dans lesquels sont impliqués des étrangers : recours au téléphone ou à la visio-audience sans l’accord des parties ; possibilité de dispenser le rapporteur public d’exposer ses conclusions à l’audience ; possibilité de statuer sans audience sans que soient prévus les moyens de pallier l’absence de débat contradictoire qui en résulte ; possibilité de ne notifier la décision qu’au mandataire et non au requérant. Parallèlement, l’ordonnance ne prévoit pas d’allonger le délai de 48 h ouvert pour contester les OQTF lorsque le requérant est en rétention. Or, dans les circonstances actuelles, il est impossible de respecter ces délais, déjà difficiles à tenir en temps normal.
Dans son ordonnance du 10 avril 2020, le Conseil d’État a rejeté l’ensemble des arguments présentés :
- en ce qui concerne les premiers griefs, il a estimé que « L’allongement des délais de procédure et de jugement ne rend de la sorte et en tout état de cause la mise en oeuvre des dispositions contestées des articles 7 à 9 nécessaire que dans un nombre limité de cas, selon l’appréciation du président de la juridiction ou de la formation de jugement, en fonction de l’objet et des autres caractéristiques de l’affaire, sous les conditions et avec les garanties qu’elles énoncent et pendant une période d’une durée limitée, à ce stade, à quelques mois. Alors que les exigences de la lutte contre l’épidémie de covid-19 imposent de faire échec à la propagation du virus et de limiter, autant que faire se peut, les contacts entre les personnes, en adoptant ces mesures, sur le fondement de l’habilitation citée au point 7, l’ordonnance ne peut être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. » ;
- concernant l’excessive brièveté du délai de 48 h, il a estimé que « ces dispositions, combinées avec celles relatives aux courts délais de jugement et, en ce qui concerne la rétention administrative, à l’intervention du juge des libertés et de la détention, ont pour objet d’éviter la prolongation de la rétention ou de maintien en zone d’attente au-delà de ce qui est nécessaire et d’assurer l’exécution des mesures d’éloignement » et que ce délai était suffisant dès lors qu’il était assorti des garanties prévues par la loi (possibilité pour l’étranger d’avertir le conseil de son choix et de recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend), dont Il appartient à l’administration d’en assurer l’effectivité.
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