Référé-liberté pour demander la fermeture du CRA de Vincennes

L’Adde, le SAF et le Gisti ont déposé le 11 avril devant le tribunal administratif de Paris une requête en référé-liberté demandant au juge d’enjoindre à l’administration de fermer temporairement le centre de rétention administrative de Vincennes. La requête fait valoir que la poursuite de l’activité de ce centre constitue un risque sanitaire avéré et que la privation de liberté engendre un risque disproportionné à la vie et à l’intégrité physique des personnes retenues, alors qu’au surplus la justification du maintien en rétention en vue d’un hypothétique éloignement est particulièrement douteuse.

Dans son ordonnance rendue le 15 avril, le juge des référés a prononcé plusieurs ’injonctions :

Article 1er : Il est enjoint aux autorités administratives compétentes, lorsque sera prise dans les 14 jours à compter de la notification de la présente ordonnance une mesure de placement en rétention, d’exclure le centre de Vincennes comme lieu d’exécution de la mesure.

Article 2 : S’agissant des personnes qui sont à ce jour placées au centre de rétention de Vincennes qui seraient symptomatiques d’une contamination par le virus, il est enjoint à l’autorité en charge de la gestion du centre de les isoler et de les confiner tout en maintenant leur accès aux soins nécessaires à leur état de santé.

Article 3 : S’agissant des personnes qui sont à ce jour placées au centre de rétention de Vincennes et qui seraient testées positives au covid-19, il est enjoint au préfet de police de les orienter, après avoir levé la rétention, vers un centre de l’ARS.

Article 4 : Les injonctions prononcées par les articles1er, 2 et 3 ne porteront pas préjudice aux décisions que pourraient prendre le juge des libertés et de la détention sur les situations individuelles sur lesquelles il sera amené à se prononcer, en ce que ces décisions leur seraient contraires.

De son côté le Défenseur des droits, par une décision du 17 avril, en s’appuyant notamment sur la situation particulière du CRA de Vincennes, a recommandé à nouveau la fermeture de tous les centres ou, à défaut, l’arrêt immédiat de tous les placements en rétention administrative et le renforcement des mesures prises pour protéger les étrangers encore retenus ainsi que l’ensemble des personnels mobilisés pour assurer la surveillance et le suivi médical de ces personnes ainsi que l’entretien des locaux.

Constatant que le préfet n’avait pas correctement exécuté cette ordonnance, les organisations requérantes ont déposé un nouveau référé devant le même tribunal le 18 avril 2020 qui a pris une seconde ordonnance le 24 avril 2020.

Le ministre de l’Intérieur a fait appel des deux ordonnances. Le Conseil d’État a fait droit à la demande du ministre, estimant notamment que, compte tenu des aménagements apportés au fonctionnement du centre de rétention administrative de Vincennes depuis le début de la crise sanitaire, le maintien dans ce centre d’étrangers testés positifs au covid-19 ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou au droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé.

Il a par ailleurs récusé l’argument tiré de ce qu’il n’existait aucune perspective raisonnable d’éloignement pour les étrangers testés positifs au covid-19 et que leur maintien en rétention serait ainsi dépourvu de toute justification. Le Conseil d’État constate que des éloignements ont été effectués depuis le début de la crise sanitaire et que d’autres sont en cours de préparation. Par conséquent, « s’il est acquis, et non contesté par le ministre de l’intérieur, qu’aucun étranger contaminé par le virus covid-19 ne saurait faire l’objet d’un éloignement tant qu’il demeure malade et contagieux, il n’apparaît pas que les perspectives d’éloignement effectif du territoire d’un étranger retenu, une fois guéri, seraient, par principe, inexistantes. Il appartient, en tout état de cause, au juge des libertés et de la détention de mettre fin à la rétention s’il estime que l’éloignement de l’étranger n’est pas ou n’est plus envisageable. »

Requête Adde-SAF-Gisti
TA Paris 15 avril 2020
DD, Recommandation 17 avril 2020
CE, 7 mai 2020

>> Voir le communiqué : « Ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Paris : l’État doit prendre ses responsabilités et fermer tous les centres de rétention »

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Dernier ajout : jeudi 18 juin 2020, 21:48
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