Article extrait du Plein droit n° 69, juillet 2006
« Immigration, paroles de trop »

Le « piège » du regroupement familial ?

La sélection des citations a été effectuée par Fanny Petit.
« Clandestinité », « détournement de procédure », « fraude », « filière supplémentaire d’immigration »... Les discours pernicieux développés de plus en plus fréquemment par nos représentants politiques accompagnent la mise en œuvre de dispositifs qui malmènent un droit fondamental : celui de vivre en famille. [1]

« Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs [...] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler [...] si vous ajoutez le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela... Nous n’avons plus les moyens du regroupement familial. Il faut faire un moratoire […] »
Extrait du discours prononcé par Jacques Chirac à Orléans, 19 juin 1991.

« Bien sûr, le regroupement familial est une idée généreuse mais à la longue elle s’est transformée par ses abus en une idée parfois dangereuse. En effet, les conditions trop souples de son obtention ont bien souvent encouragé de véritables détournements de procédure, permettant ainsi l’arrivée sur notre sol d’individus dont aucune cause humanitaire ou familiale ne justifiait la venue. De plus, l’utilisation répétée de cette procédure a souvent mis en péril l’équilibre social de certaines communes qui subissent, malgré elles, ces regroupements familiaux sur leur territoire. »
Thierry Mariani, député RPR, 16 juin 1993 [2].

« [L’interdiction du regroupement familial partiel inscrit dans le projet de loi Pasqua] remet en cause le principe du regroupement familial. Si le père de famille doit attendre de disposer des ressources nécessaires pour regrouper toute sa famille, il risque d’attendre très longtemps, sauf à contrevenir à la loi. La proposition du gouvernement risque d’avoir pour résultat de fabriquer des clandestins. »
Julien Dray, député PS, 17 juin 1993.

« Comme si tout cela [projet de loi Chevènement] ne suffisait pas, les bénéficiaires du regroupement auront immédiatement droit à la carte de séjour, qui leur donnera des droits propres, sur lesquels ils pourront à leur tour s’appuyer pour procéder à de nouveaux regroupements : bel effet multiplicateur en perspective ! »
Dominique Perben, député RPR, 4 décembre 1997.

« Droits nouveaux, automatiques, offerts de manière assez floue [...], droits joints à l’élargissement sans limite du regroupement familial, le tout cumulé avec le code de la nationalité le plus favorable aux étrangers de toute l’Union européenne, voilà qui va faire de notre pays une nouvelle frontière pour tous les malheureux, un havre pour tous les infortunés de la terre. […] En fait, le gouvernement met en place un droit massif au regroupement familial qui est étendu à tous les enfants des conjoints, ce qui ne manquera pas d’étendre les possibilités dans le cas de polygamie dans le pays d’origine et de poser de multiples problèmes d’interprétation des délégations d’autorité parentale. »
Charles Pasqua, sénateur RPR, 21 janvier 1998.

« Nous l’avons dit et nous le redisons, car vous ne nous avez pas entendus : la France doit accueillir qui elle veut, et non pas qui le veut, il y va de notre souveraineté. Ce n’est pas en multipliant les titres de séjour et en les attribuant à un nombre croissant de demandeurs que vous allez maîtriser les flux migratoires ! Ce n’est pas non plus en renonçant à contrôler les regroupements familiaux et à vérifier les conditions de vie promises à ces familles que vous enverrez un signal de fermeté aux populations concernées. »
Thierry Mariani, député RPR, avril 1998.

« Notre pays doit retrouver une politique migratoire. Depuis de trop nombreuses années, il n’en a plus, si bien que […] le volet d’immigration légale est entièrement alimenté par des flux que nous subissons, comme le regroupement familial et les demandeurs d’asile. Je ne propose pas de revenir sur le regroupement familial, mais je dis qu’il ne s’agit pas d’une immigration choisie : moins d’un immigrant sur dix est choisi en fonction des besoins de notre économie et de nos capacités d’intégration. »
Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, juillet 2003.

« S’agissant du regroupement familial, le projet [de loi Sarkozy] supprime la délivrance de plein droit d’une carte de résident aux membres de la famille qui rejoignent un étranger. Ainsi, au sein d’une même famille, les uns auront une carte de résident, les autres une carte de séjour temporaire, et donc des droits et des perspectives d’intégration différents. On imagine aisément combien cette disparité de statuts peut fragiliser, voire ébranler la stabilité des familles étrangères. »
Christophe Caresche, député socialiste, juillet 2003.

« Le principe constitutionnel du regroupement familial ne peut être remis en cause, mais cela ne doit pas empêcher l’esprit de responsabilité publique de s’exercer, notamment dans les quartiers sensibles, qui souffrent le plus souvent d’une concentration excessive de population étrangère. Malgré cela, c’est aussi dans ces quartiers, devenus de véritables ghettos, que les demandes de regroupement familial sont les plus nombreuses. Or, il suffit de quelques uns de ces regroupements, dans une cité ou dans une petite ville, pour mettre à mal la cohésion sociale. Parfois même, on assiste à un basculement culturel. Mais, sur ce point, les moyens juridiques font cruellement défaut aux maires pour assurer une meilleure mixité sociale. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de votre intention de les associer aux procédures envisagées. »
Etienne Mourrut, député UMP, 3 juillet 2003.

« Quant à l’immigration je vous promets que les choses vont changer rapidement. Ma priorité sera de mettre un terme aux détournements de procédure systématiques auxquels nous assistons depuis des années. Demandes d’asile politique “bidon”, mariages blancs, regroupements familiaux trafiqués, visas de tourisme dépassés. Je veux faire comprendre que pour que la France demeure la nation généreuse et accueillante qu’elle a toujours été il lui faut maintenant faire preuve d’une grande fermeté à l’endroit de tous ceux qui bafouent cette générosité en la détournant. »
Nicolas Sarkozy, discours prononcé devant les cadres de l’UMP, 11 juin 2005.

« L’intégration à [la] société française, notamment la maîtrise de la langue française, devrait être une condition pour faire venir sa famille. En effet, l’avenir du conjoint et des enfants est engagé, mais aussi celui de la société toute entière ».
Dominique de Villepin, à l’issue du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, 29 novembre 2005.

« Le regroupement familial illégal que vous craignez a bien eu lieu, mais pendant les années Jospin. […] En 1998, on comptait 130 000 attestations d’accueil nécessaires pour obtenir un visa de tourisme et, en 2002, 720 000 ! C’était alors le principal moyen d’entrer légalement en France et de s’y maintenir de façon irrégulière […] et nous avons mis fin à cette dérive en 2003. »
Thierry Mariani, député UMP, mai 2006.

« Je ne dis pas qu’un immigré ne doit pas avoir le droit de faire venir sa famille en France. Je suis trop attaché à notre tradition humaniste, au principe constitutionnel de protection de la vie familiale ainsi qu’à nos engagements européens, pour contester à un père le droit de vivre avec sa femme et ses enfants ! Mais je voudrais que les choses soient claires : c’est au pouvoir politique, au gouvernement, au législateur, de définir dans quelles conditions s’applique en France le droit à la vie privée et familiale ! Il ne saurait y avoir, pour toutes les familles de par le monde, un droit absolu et inconditionnel à s’installer en France, sans projet d’intégration, sans travail, sans logement digne, sans perspectives. C’est dans cet esprit que j’ai conçu la réforme du regroupement familial. »
Entretien avec Nicolas Sarkozy, magazine Réforme, 4 mai 2006.




Notes

[1La procédure de regroupement familial a été rendue de plus en plus compliquée au fil des lois Pasqua (1993), Sarkozy (2003). Le projet de loi qui sera définitivement adopté durant l’été s’inscrit dans la même lignée. Seule la loi Chevènement (1998) avait contribué à assouplir le dispositif.

[2La plupart des citations reprises dans cet article est tirée des débats parlementaires : www.assembleenationale.fr


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Dernier ajout : lundi 7 avril 2014, 16:07
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