Article extrait du Plein droit n° 11, juin 1990
« Travail au noir ? Travail clandestin ? Travail illégal ? »

Les distributeurs de prospectus

Les possibilités d’avoir recours à la main-d’œuvre clandestine et bon marché ne manquent pas. Beaucoup de sociétés de distribution de journaux gratuits et de prospectus publicitaires l’ont compris et profitent sans retenue du système.

Lorsqu’on parle de travail clandestin, on pense immédiatement à certains secteurs d’activité comme le bâtiment ou la confection.

Pourtant, dans d’autres secteurs d’activités, les entreprises ont mis au point des formes d’emploi et de recrutement très simples fondées sur la clandestinité et la précarité et dont elles tirent le maximum de bénéfice. C’est le cas de la distribution dans les boîtes à lettres des particuliers de journaux gratuits et de prospectus publicitaires, notamment en région parisienne.

Prenons un exemple classique. Un hypermarché, à l’occasion d’un anniversaire commercial ou d’une période de promotion, souhaite faire diffuser très rapidement cent mille exemplaires d’un prospectus publicitaire. Il s’adresse à une entreprise spécialisée dans la distribution à domicile de ce type de prospectus.

Cette société possède des équipes de distributeurs qui passeront dans tous les immeubles ou les pavillons de la commune ou de la région désirée par l’hypermarché. Mais les équipes sont en fait constituées en partie par des salariés de la société spécialisée et en partie par des distributeurs pseudo-indépendants, inscrits au registre du commerce.

Ces derniers sont taillables et corvéables à merci et n’ont même pas les garanties et les droits du personnel salarié de la société. En effet, celle-ci est organisée sur la base d’un effectif salarié stable qu’elle déclare et rémunère normalement, auquel s’ajoute un volant de main-d’œuvre qu’elle contraint à prendre le statut de travailleur indépendant par une inscription au registre du commerce.

Ces faux artisans — car dirigés et contrôlés étroitement par la société spécialisée — doivent eux-mêmes avoir recours à du personnel s’ils veulent distribuer en temps utile les quantités de prospectus données par la société spécialisée.

L’immense majorité de ces pseudo-artisans sont des étrangers, certains n’ayant d’ailleurs que le statut de solliciteur d’asile. Il en est de même pour le personnel qu’ils emploient directement. Ce personnel est très rarement déclaré, perçoit 200 F par jour de travail et n’a bien entendu aucune garantie d’emploi ni aucune couverture sociale.

Ces clandestins sont parfaitement connus de la société de distribution puisque la plupart d’entre eux viennent chaque matin dans les entrepôts pour charger les véhicules des « artisans », sous le contrôle et le regard des responsables de la société.

Outre le fait que les tarifs de la distribution sont imposés aux artisans par la société, ce système tire tous les avantages de la précarité et de la clandestinité de la main-d’œuvre immigrée en bénéficiant d’une souplesse incomparable dans la gestion du personnel et en ramenant au plus bas les coûts de distribution.

Pour bien comprendre l’ampleur de cette pratique, il faut savoir que certaines sociétés de distribution peuvent travailler avec soixante-dix pseudo-artisans qui eux-mêmes emploient quatre à cinq clandestins chacun. Ces derniers sont recrutés dans les gares de la SNCF ou du RER de bonne heure le matin. Les lieux de rendez-vous sont connus.

Les « artisans » souhaiteraient pouvoir déclarer leur personnel mais ils n’ont aucune garantie d’emploi avec la société de distribution à qui ils doivent téléphoner chaque jour pour savoir s’ils auront du travail à faire pour le lendemain.

Par ailleurs, ces artisans, pour être disponibles à tout moment, travaillent pour la plupart exclusivement pour une seule société, ce qui les met dans une situation de dépendance extrême. Dans ces conditions, il n’est guère facile de se plaindre ou de réclamer.

De plus, en cas de contrôle des distributeurs sur la voie publique, toutes les apparences jouent contre l’artisan. II sera considéré comme le seul et véritable employeur des clandestins, sauf s’il est démontré que la société qui lui a confié le travail connaissait l’irrégularité de la situation du personnel recruté. Cette démonstration n’est pas aisée car la société ne reconnaîtra jamais sa responsabilité dans ces pratiques.

Les rares décisions de justice connues à ce jour ont toujours donné raison aux sociétés de distribution de journaux et de prospectus publicitaires. Cette attitude des tribunaux ne peut qu’encourager ces pratiques dans un secteur économique lucratif qui connaît un développement croissant.

Déjà en 1982...

Les assistantes maternelle



Depuis la loi du 17 mai 1977, les assistantes maternelles bénéficient d’un statut juridique lié à l’agrément qu’elles reçoivent de la DDASS. Elles sont ainsi reconnues au regard du droit du travail comme salariées. Pour aider les familles qui les emploient à supporter la charge financière des cotisations dues à l’URSSAF, la Caisse d’allocations familiales a créé, en 1980, une « prestation spéciale d’assistante maternelle » (PSAM). Mais, apparemment, cette prestation ne règle pas tout.

En effet, le recensement INSEE 1982 indique que sur 2 372 000 enfants de moins de trois ans, 130 000 sont gardés par des amis, nourrices, voisines « au noir ». Et la CAF signale qu’en 1985, 50 000 familles seulement bénéficiaient de la PSAM. En. attendant les chiffres INSEE 1990, on peut avancer que la situation à ce niveau ne s’est guère améliorée.

Or, quelle est la réalité ?

D’un côté, il y a des parents, pour la plupart des mères célibataires qui, pour des raisons diverses (modestes ressources, horaires de travail inadaptés aux heures d’ouverture des équipements collectifs, manque de structures d’accueil de la petite enfance), se trouvent dans l’obligation de faire appel au service d’assistantes maternelles non agréées.

De l’autre côté, on trouve ces nourrices « au noir », mal payées mais bien tolérées parce qu’elles permettent de combler les insuffisances et les carences des modes de garde légaux.

Pourtant, un potentiel important d’assistantes maternelles existe, en particulier parmi les femmes étrangères dont l’agrément pourrait contribuer à résoudre le problème. Mais encore faudrait-il que les mentalités changent chez certains acteurs sociaux qui continuent à ne pas prendre en compte les demandes de femmes étrangères, même si elles sont Installées en France depuis de nombreuses années et présentent les compétences et les aptitudes nécessaires, sous prétexte qu’il y a risque pour le développement harmonieux de l’enfant !



Article extrait du n°11

→ Commander la publication papier
S'abonner

[retour en haut de page]

Dernier ajout : jeudi 3 avril 2014, 16:26
URL de cette page : www.gisti.org/article3971