Article extrait du Plein droit n° 11, juin 1990
« Travail au noir ? Travail clandestin ? Travail illégal ? »

La politique des visas dans les Dom

Michel Samuel

 

Dans sa lettre aux responsables politiques pour présenter les mesures que le gouvernement envisage de prendre concernant l’immigration, Michel Rocard annonce son intention de « renforcer les contrôles effectués dans les consulats afin de veiller au respect scrupuleux des conditions de délivrance des visas touristiques, limiter plus systématiquement leur durée de validité et vérifier plus sévèrement la vraisemblance de la demande » [1].

Cependant, d’autres déclarations récentes du Premier ministre montrent qu’à tout le moins s’agissant de l’accès aux « départements français d’Amérique », ces mesures risquent d’être discriminatoires et laissent augurer du contenu de ce qui est désigné ici comme « la vraisemblance de la demande ».

En effet, en réponse à la suggestion du « Rapport sur la coopération régionale caraïbe à partir des départements français d’Amérique » [2], selon lequel : « La question de la difficulté d’obtention des visas de séjour dans les DFA est… un véritable point de fixation pour les pays voisins. En dehors des ressortissants de la CEE et des États-Unis d’Amérique — qui sont dispensés de visa — les autres catégories, notamment les citoyens des États d’Amérique latine et de la Caraïbe, sont soumis à l’obligation du visa, quelle que soit la durée du séjour ; et le préfet est obligatoirement consulté pour chaque demande de visa, sauf pour celles provenant d’Argentine, Bolivie, Colombie, Guatemala, Mexique, Salvador, Uruguay et Venezuela. En raison des risques réels d’immigration, aucune dérogation n’est prévue en faveur des États insulaires ni du Brésil ou du Surinam. Un assouplissement de ce régime doit nécessairement être trouvé pour les responsables politiques, économiques ou culturels ainsi que pour les hommes d’affaires qui se rendent dans les DFA », Michel Rocard, dans son discours de clôture à la Conférence pour la coopération régionale, qui s’est tenue à Cayenne du 4 au 6 avril 1990, dormait l’instruction : « qu’il soit procédé à un réexamen du régime des visas d’entrée dans les DFA pour les hommes d’affaires, les responsables socio-professionnels et les hommes politiques des États de la zone ».

Ainsi, ce que notait à juste titre Christian Bruschi dans un précédent numéro de Plein Droit [3], à savoir que « dans les DOM, à l’heure actuelle, il y a bien deux catégories d’étrangers : ceux du monde caribéen… et ceux qui bénéficient de la liberté de circulation, les Européens de la Communauté économique européenne », doit être nuancé de la manière suivante : en matière d’accès des Caribéens sur le territoire français des DOM, il y aura deux catégories de demandeurs caribéens de visas : pour ceux qui sont disposés à faire des affaires avec la France et avec l’Europe : libre circulation ! Pour ceux qui portent le poids de la « misère du monde » : fermeture stricte des frontières !

Au-delà de la « discrimination ethnico-raciale », ne s’agit-il pas là d’une discrimination sociale, également intolérable pour un État qui se revendique « de droit » ?




Notes

[1Cf. Le Monde du 27/28 mai 1990

[2Bernard de Gouttes, mars 1990

[3N° 8, août 1989, p. 30


Article extrait du n°11

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Dernier ajout : jeudi 3 avril 2014, 17:41
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