Article extrait du Plein droit n° 36-37, décembre 1997
« La République bornée »

La reforme du droit de la nationalité : La grande illusion

Laurence Roques

Avocate au barreau de Créteil

Avant les élections du mois de juin 1997, le Parti socialiste écrivait dans son programme : « C’est dans la perspective du retour à la tradition républicaine qu’il convient de se placer. Ceci conduit à proposer purement et simplement l’abrogation des dispositions de la loi de 1993 à l’exclusion de la seule qui constitue un progrès et qui est la motivation des refus de naturalisation. »1. En réalité, il n’y aura pas d’abrogation et les réformes proposées, malgré certaines avancées, laissent intactes les dispositions les plus critiquables de la loi Méhaignerie de 1993.

Après sa nomination à la tête du gouvernement, Lionet Jospin réaffirmait dans sa déclaration de politique générale : « La France, vieux pays d’intégration républicaine, s’est construite par sédimentation, creuset donnant naissance à un alliage d’autant plus fort que ses composants étaient divers et nombreux. ». C’est pourquoi, concluait-il, « le droit du sol est consubstantiel à la nationalité française et nous le rétablirons ».2

Que reste-t-il de ces déclarations et propositions, sinon ambitieuses, du moins intéressantes : un projet de loi rédigé par le ministère de la justice et adopté à la hâte en conseil des ministres le 15 octobre 19973, dont la teneur, très largement inspirée du rapport de Patrick Weil, se révèle très décevante. Non seulement il ne comporte pratiquement aucune innovation par rapport au droit existant ou ayant existé, mais il conserve en outre la plupart des dispositions de la loi du 22 juillet 1993 pourtant si décriées en leur temps et, ce faisant, les légitime.

C’est d’ailleurs très certainement pour cette raison que le gouvernement a eu quelques scrupules à intituler son texte « projet de loi modifiant le droit de la nationalité », préférant la formule : « projet de loi relatif à la nationalité et modifiant le code civil »4. Sage précaution lorsque l’on compare l’ambition de l’exposé des motifs à la médiocrité du contenu du projet qui, à deux exceptions près – la manifestation de volonté de devenir français et la simplification de la preuve de la nationalité française – contient en effet beaucoup plus d’ajustements textuels que de véritables modifications du droit de la nationalité.

Débattu à l’Assemblée nationale, en première lecture à la fin du mois de novembre, le projet a toutefois été complété timidement par quelques-uns des amendements proposés par la commission des lois dans son rapport déposé le 13 novembre 1997.

Conscient des difficultés que rencontre aujourd’hui la majeure partie des Français, quels qu’ils soient, pour obtenir ou renouveler un document d’identité, confrontés à l’obligation de produire systématiquement un certificat de nationalité, conscient aussi que le délai de délivrance de ce certificat est de plus en plus contraire aux principes contenus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, le gouvernement a décidé de faciliter la preuve de la nationalité française, comme le suggérait Patrick Weil dans son rapport.

L’article 12 du projet de loi, qui modifie l’article 28 du code civil, prévoit donc désormais qu’« il sera fait mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité en marge de l’acte de naissance » et que « ces mentions seront également portées sur les extraits d’acte de naissance et le livret de famille à la demande des intéressés ». La réciproque est également prévue puisque toute mesure qui fera perdre à une personne la nationalité française sera également mentionnée dans les mêmes conditions. L’article 28 actuel du code civil ne prévoit cette mention que pour les cas d’acquisition de la nationalité française ou de réintégration, par déclaration ou par décret.

Ainsi, cette inscription devrait faire échec aux demandes répétées et systématiques des administrations de fournir un certificat de nationalité française pour obtenir un document d’identité. La production de l’acte de naissance suffira.

Cette disposition suppose cependant qu’à l’avenir tout acte de naissance établi à l’étranger devra être préalablement transcrit sur les registres centraux de l’Etat civil à Nantes. Cette obligation de transcription avant toute délivrance d’un certificat de nationalité française risque de remettre en cause le principe de validité des actes d’état civil dressés à l’étranger conformément à la règle de l’article 47 du code civil.

Demi-mesure

En outre, le renouvellement des documents d’identité de tous les ressortissants français dont l’acte de naissance était déjà transcrit à Nantes risque d’être entravé par cette disposition qui permettra à l’administration d’exiger de ces personnes qu’elles fournissent un acte de naissance portant mention du certificat de nationalité française, les obligeant ainsi à en solliciter un.

Enfin, cette disposition ne résoudra pas, loin s’en faut, tous les problèmes liées à la preuve de la nationalité française, et notamment celui du délai de délivrance du certificat de nationalité qui oscille actuellement entre plusieurs mois et plusieurs années, et qui est notamment lié à l’insuffisance de formation des greffiers en chef.

Il est regrettable que ni le gouvernement, qui se plaint des consultations systématiques et inutiles de la Chancellerie5, ni l’Assemblée nationale n’aient retenu la proposition de la commission des lois d’une part d’enfermer la délivrance des certificats de nationalité française dans un délai de six mois à compter de la remise du récépissé, cette délivrance devenant automatique en cas de non respect du délai, et d’autre part de restituer aux juges d’instance la compétence en la matière.

La seconde modification majeure contenue dans le projet de loi n’est pas non plus exempte de critiques.

Le projet de loi dispose, dans son article 1er, modifiant l’article 21-7 du code civil, que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert de plein droit la nationalité française à sa majorité, si à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue de cinq ans à compter de l’âge de onze ans ».

Il s’agit là de la modification principale contenue dans le projet de loi. La manifestation de volonté est supprimée, et le jeune sera considéré français de plein droit dès lors qu’il remplira deux conditions : résider en France à sa majorité et avoir eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de onze ans.

Cette disposition n’est pas totalement nouvelle puisque déjà avant l’adoption de la loi du 22 juillet 1993, l’ancien article 44 du code de la nationalité, issu de la loi du 9 janvier 1973, disposait que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert de plein droit la nationalité française si à cette date il a sa résidence en France et s’il a eu en France sa résidence habituelle pendant les cinq années précédant sa majorité ».

Le projet de loi rétablit ainsi le principe de l’acquisition de plein droit de la nationalité à la majorité, principe très ancien du droit de la nationalité française, puisque admis depuis la loi du 26 juin 1889, tout d’abord de manière automatique et rétroactive au profit de tout enfant étranger né en France de parents étrangers dès lors qu’il résidait en France à sa majorité, puis ensuite au profit des seuls enfants étrangers nés en France sous réserve qu’ils résident en France depuis plusieurs années, principe qui a été aboli par le législateur en 1993.

En effet, en 1993, le législateur, considérant que l’enfant ne pouvait être français sans le savoir, et que la nationalité française devait résulter d’une manifestation de volonté, avait aboli ce principe pour instaurer un régime d’acquisition de la nationalité par déclaration.

Ainsi, dans le régime actuel, l’enfant né en France de parents étrangers ne devient français que s’il a manifesté sa volonté de le devenir en souscrivant une déclaration entre seize et vingt et un ans, sous réserve qu’il ait sa résidence en France lors de sa déclaration et qu’il justifie avoir résidé habituellement en France pendant les cinq années précédant sa déclaration.

Deux catégories de Français

Sans s’étendre sur les aspects néfastes de ce régime, longuement exposés dans le projet de loi6, il convient de rappeler brièvement qu’il est critiquable à plus d’un titre. D’une part, il rompt avec le principe républicain d’intégration de tous les enfants de la République dès lors qu’ils sont nés en France, qu’ils soient nés de parents français ou étrangers.

Il établit une différence notable entre ces enfants : les uns étant français sans l’avoir voulu et sans le savoir, alors que les autres ne le sont a priori jamais, sauf s’ils en font la demande, et sous certaines conditions, dont notamment l’absence de condamnations pénales pour les jeunes majeurs. Ainsi, de manière sous-jacente, pointe l’idée dangereuse qu’il existerait deux catégories de Français : ceux d’origine ou de « souche » et ceux qui le sont devenus.

En outre, cette manifestation de volonté suppose bien sûr une information préalable du jeune étranger, très aléatoire, très variable selon les régions, et d’autre part une émancipation du jeune qui peut s’avérer incertaine, s’agissant notamment des jeunes femmes.

Dans son projet de loi, le gouvernement ne se contente pas de rétablir purement et simplement le principe de l’acquisition de plein droit de la nationalité française à leur majorité pour les enfants nés en France, tel qu’il avait été rédigé par le législateur en 1973. Il va au-delà, assouplissant la condition de résidence habituelle.

En effet, tirant les conséquences des difficultés, pour ces enfants, de prouver leur présence en France lorsqu’ils n’ont pas toujours été scolarisés, ou lorsqu’ils se sont absentés du territoire quelque temps, et de la pratique de tribunaux d’instance qui assimilaient résidence habituelle avec résidence ininterrompue, le gouvernement admet que la durée de résidence de cinq ans se calcule à partir de l’âge de onze ans, et non plus de treize ans, afin qu’elle recouvre la période de scolarité obligatoire, et qu’elle puisse être « continue ou discontinue ».

Assouplissement de la condition de résidence

En conséquence, cette disposition permettra ainsi à l’enfant né en France de parents étrangers, qui se sera absenté plusieurs années du territoire français entre onze ans et dix-huit ans (au maximum deux ans), d’acquérir néanmoins la nationalité française de plein droit à l’âge de dix-huit ans, s’il réside en France à ce moment-là. Cet assouplissement s’adresse tout particulièrement aux jeunes que les parents renvoient dans leur pays pendant leur adolescence suivre une partie de leur études.

Enfin, les mineurs qui ne disposeront pas des cinq années de résidence requise pourront les acquérir en accomplissant leur service national. Cette disposition qui, jusqu’à présent, s’appliquait à tout jeune incorporé avant l’âge de vingt-et-un ans, risque cependant d’avoir peu d’effet dans la mesure où les jeunes qui devancent l’appel sous les drapeaux et accomplissent leur service militaire avant dix-huit ans sont assez rares.

Par ailleurs, le projet de loi offre la possibilité aux enfants qui n’auront pas encore dix-huit ans, d’anticiper cette acquisition en la réclamant à partir de l’âge de seize ans par déclaration, dès lors qu’ils remplissent la condition de résidence habituelle en France depuis cinq ans de manière continue ou discontinue à compter de l’âge de onze ans. En pratique, la possibilité d’interruption de la résidence se limitera à un an maximum.

De même, il est prévu que les enfants des jeunes majeurs qui auront acquis la nationalité française à dix-huit ans, deviendront de plein droit français en même temps que leurs parents. C’est l’application du principe de l’effet collectif de l’acquisition de la nationalité française (ancien article 84 du code de la nationalité), qui avait été maintenu par le législateur en 1993, mais sous deux conditions restrictives : que le nom de l’enfant soit mentionné dans la déclaration d’acquisition, et qu’il ait la même résidence que le parent qui l’acquiert.

La première condition ne pouvait que disparaître dans la mesure où le projet de loi supprime le système de la déclaration. Quant à la condition de résidence, on peut saluer l’initiative de l’Assemblée nationale de l’avoir clairement adaptée7 aux enfants dont les parents sont séparés ou divorcés alors qu’un seul acquiert la nationalité française. Ils pourront désormais bénéficier de cet effet collectif dès lors que leur parent français bénéficiera du droit de garde ou d’un droit de visite ou d’hébergement.

Le projet de loi contient des dispositions transitoires qui permettront aux enfants âgés de dix-huit à vingt et un ans lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, de devenir français de plein droit s’ils résident sur le territoire au moment de la demande et s’ils justifient d’une résidence habituelle en France interrompue ou ininterrompue, de cinq années à compter de l’âge de onze ans.

Cet article apparaît plutôt bienveillant dans la mesure où, en principe, ces jeunes auraient dû continuer à être soumis à l’ancien régime de manifestation de volonté de 1993 (conformément aux principes de conflit de lois dans le temps régies par les dispositions de l’article 17-2 du code civil). La commission des lois proposait de maintenir à titre définitif cette disposition pour tout jeune âgé de dix-huit à vingt et un ans qui ne remplirait pas la condition de résidence de cinq ans lors de sa majorité.

On peut déplorer que l’Assemblée nationale ne l’ait pas suivie sur ce point8, tout comme il est regrettable que les débats parlementaires n’aient pas permis de rétablir le droit du sol – c’est-à-dire la possibilité pour tout enfant d’être français dès la naissance –, ni même de restaurer les dispositions des anciens articles 52 et 54 de code de la nationalité issues de la loi du 9 janvier 1973, et supprimées par la loi du 22 juillet 1993. Ces dispositions – qui permettaient aux enfants nés en France de parents étrangers d’acquérir la nationalité française pendant leur minorité, par déclaration souscrite par leurs parents – avaient été abolies par le législateur pour deux motifs : d’une part, elles étaient en contradiction avec le principe de manifestation de volonté, d’autre part, elles risquaient de régulariser la situation administrative des parents étrangers « sans papiers ». En réalité, à cette époque, la législation subordonnait déjà la délivrance d’une carte de séjour à la condition d’entrée régulière en France ; en outre, la « résidence habituelle en France » des parents était interprétée par la jurisprudence comme une « résidence régulière9. »

Pas de déclaration anticipée par les parents

Lors du débat à l’Assemblée nationale, malgré la proposition de certains députés de rétablir ces dispositions voire d’admettre le simple droit du sol10, le gouvernement – qui, contrairement à ce qu’il avait laissé entendre, ne les avait pas prévues dans son projet de loi initial – s’est opposé à ces amendements reprenant à mots à peine couverts les motifs qui avaient présidé à leur suppression en 199311.

L’Assemblée nationale n’a donc retenu que l’amendement proposé par la commission des lois permettant aux parents étrangers d’un enfant né en France âgé de treize ans de réclamer en son nom et avec son consentement la nationalité française sous réserve que cet enfant justifie de cinq ans de résidence habituelle en France continue ou discontinue entre l’âge de huit et treize ans.

Cette disposition hybride ne résout pas la question du statut du jeune avant sa majorité mais la complique. En effet, la nationalité est un attribut fondamental de la personnalité. Comment admettre que cet attribut demeure inconnu à l’enfant jusqu’à sa majorité ou au mieux jusqu’à l’âge de treize ans (on peut d’ailleurs s’interroger sur le choix de la limite d’âge qui selon le gouvernement correspondrait à l’âge de discernement !) ?

Quel sera le statut de cet enfant jusqu’à cet âge : « étranger potentiellement français », « sans nationalité fixe » ? Comment demander alors à ce jeune de s’intéresser aux cours d’instruction civique, s’il ne sait pas s’il pourra demain voter, participer à la vie de la nation ? Pourquoi maintenir une différence entre les enfants nés de parents français, français dès leur naissance sans le vouloir, alors qu’ils seront peut-être nés et auront été élevés à l’étranger par des parents eux-mêmes nés et élevés à l’étranger, et les enfants nés en France, élevés en France par des parents vivant en France depuis plusieurs années, mais qui ne seront pourtant pas français avant un certain âge ?

Un « titre d’identité républicaine »

De deux choses l’une, soit le gouvernement maintenait le système de l’acquisition de la nationalité française par déclaration, c’est-à-dire le système de la manifestation de volonté, considérant que la nationalité s’acquiert volontairement, se réclame, soit il l’abolissait, préférant le système de l’acquisition de plein droit dans un souci de favoriser et de pérenniser l’intégration et, dans ce cas, il se devait de poursuivre la logique du projet jusqu’au bout et rétablir le simple droit au sol pour tout enfant né en France ou à tout le moins le système de déclaration anticipée dés la naissance de l’enfant.

Au lieu de cela, le gouvernement a préféré ajouter à la confusion en admettant la délivrance d’un « titre d’identité républicaine » à tout mineur né en France de parents étrangers titulaire d’un titre de séjour, tant qu’il n’aura pas obtenu la nationalité française. La création de ce titre sui generis dont il sera difficile d’expliquer à son titulaire qu’il ressemble à une carte d’identité mais qu’il n’en est pas une, qu’il ne lui confère aucun droit si ce n’est celui d’être virtuellement français, démontre l’absence de cohérence et de philosophie d’ensemble du texte présenté par le gouvernement.

Les débats à l’Assemblée nationale auraient pu faire place à cette réflexion qui avait manqué, s’ils n’avaient pas été aussi laborieux. Ils n’ont donné lieu qu’à quelques amendements.

Le projet de loi initial n’avait pas abordé la question du rétablissement du double droit du sol pour les enfants nés en France de parents eux-mêmes nés dans les anciennes colonies françaises. Ce droit avait été aboli par le législateur en 1993 sauf pour les enfants nés en France de parents nés en Algérie avant l’indépendance, pour lesquels ce droit avait été maintenu mais sous réserve que ce parent réside régulièrement depuis cinq ans en France.

Alors que la commission des lois proposait de restaurer ce double droit du sol pour tous les anciens territoires sous souveraineté française, l’Assemblée nationale ne l’a rétabli que pour les enfants de ressortissants algériens compte tenu du statut particulier de l’Algérie qui était un département français et de la difficulté pour les enfants de prouver la résidence, avant leur naissance, de leur parent en France.

En conséquence, tous les enfants nés en France après le 1er janvier 1963 d’un parent né en Algérie avant le 3 juillet 1962 seront français dés leur naissance.

De même, l’Assemblée nationale a admis, contre l’avis du gouvernement, la possibilité pour tous les enfants ayant fait l’objet d’une adoption simple par un parent français de réclamer, durant leur minorité, la nationalité française, qu’ils résident en France ou à l’étranger.

S’agissant de l’acquisition de la nationalité française par mariage, sur proposition de la commission des lois, l’Assemblée nationale a réduit la durée de mariage à un an au lieu de deux et maintenu la dispense en cas de naissance d’enfant avant ou après le mariage.

Concernant les demandes de naturalisation, alors que le Parti socialiste s’était ému de la longueur des délais d’instruction des dossiers et proposé de les limiter à un an maximum, le gouvernement n’avait pas fait mention, dans son projet de loi, d’une telle mesure, jugée trop contraignante.

Cette disposition a finalement été reprise par certains députés et adoptée par l’Assemblée nationale, obligeant ainsi l’administration à répondre à une demande d’acquisition de la nationalité française par naturalisation dans un délai de dix-huit mois au plus tard après la remise du récépissé, délai prorogeable une fois trois mois par décision motivée.

Cependant comme le souligne le garde des sceaux, cette obligation n’étant assortie d’aucune sanction, elle n’aura qu’une valeur indicative12.

De nouveaux droits pour les demandeurs

Inspiré par le rapport de la commission des lois, le projet de loi tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoit également que l’administration sera désormais tenue de motiver ses décisions de rejet d’irrecevabilité ou d’ajournement d’une demande de naturalisation ou de réintégration, conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, c’est-à-dire en raison du cas d’espèce et non plus par une simple formule stéréotypée.

De même, le projet stipule que tous les dossiers administratifs de nationalité sans exception seront communicables selon les modalités de la loi du 17 juillet 1978, levant ainsi l’interdit opposé systématiquement par l’administration à la consultation des dossiers de naturalisation et de réintégration.

Enfin, afin de faciliter la naturalisation des réfugiés statutaires, comme l’impose la Convention de Genève, les réfugiés seront désormais dispensés de la condition de résidence en France de cinq ans. En revanche, ils demeurent soumis aux aléas du régime de la naturalisation, l’Assemblée ayant refusé de suivre la proposition de certains députés de soumettre leur demande au régime de la déclaration qui leur aurait permis de devenir français dès lors qu’ils en remplissaient les conditions.

Cette mesure aurait pourtant été logique s’agissant de personnes qui ne peuvent plus revendiquer leur nationalité d’origine et dont le statut est soumis à la loi française.

Ainsi, la lecture du projet de loi même amendé par l’Assemblée nationale laisse un goût amer. En effet, malgré certaines avancées, force est de constater qu’il n’abroge pas les dispositions les plus critiquables de la loi du 22 juillet 1993. Le gouvernement ne rétablit pas le double droit du sol, pour les enfants nés après le 1er janvier 1994, d’un parent né dans les anciennes colonies, territoires ou départements français avant leur indépendance. Il ne restaure pas la possibilité de solliciter la réintégration dans la nationalité française par déclaration. Il ne restitue pas la nationalité française aux anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises, les laissant ainsi spoliées de leur droit à pension. Ce faisant, il légitime la réforme de 1993.

La nationalité française est une question cruciale dans le débat démocratique, qui aurait mérité mieux qu’un projet de loi frileux, rédigé en quelques mois et très en retrait par rapport aux déclarations d’intention du gouvernement.


(1) Parti socialiste : « Pour une nouvelle politique de l’immigration et de l’intégration » – Commission immigration-intégration, Pdt Adeline Hazan, Rapporteur Anne de Hautoclocque, avril 1997.

(2) Discours cité dans le rapport de Louis Mermaz fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale le 13 novembre 1997, édité le 20/11/1997.

(3) Projet de loi du 15 octobre 1997 relatif à la nationalité et modifiant le code civil (Doc AN n° 328).

(4) L’Assemblée nationale a adopté le projet en supprimant les mots « et modifiant le code civil » – Texte n°41 adopté le 1er décembre 1997.

(5) Circulaire du ministre de la justice du 7 février 1996, BO 1er janvier–31 mars 1996, p. 76.

(6) Exposé des motifs du projet de loi du 15 octobre 1997 relatif à la nationalité et modifiant le code civil.

(7) V.G.Olekhnovitch, G.P 1993, 2, Doct 1224.

(8) Le gouvernement a émis un avis défavorable lors du vote au motif qu’il risquait de diminuer l’ampleur de l’acquisition de plein droit et de rendre plus complexe le droit de la nationalité en faisant coexister deux systèmes.

(9) Voir CA de Versailles 1ère chambre A ,27 février 1997, D 1997.

(10) Voir l’article « Face à la xénophobie ,reprendre l’offensive » de Mme Aubert et messieurs Braouezec, Hermier, Mamère, Marchand, Outin, députés in Les Inrockuptibles du 19 novembre 1997.

(11) Compte-rendu intégral des séances du vendredi 28 novembre 1997, AN, JO du 29 décembre 1997, p. 6584.

(12) Compte-rendu intégral des scénaces du vendredi 28 novembre 1997, JO du 29 novembre 1997.



Article extrait du n°36-37

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Dernier ajout : dimanche 6 avril 2014, 18:59
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