Article extrait du Plein droit n° 36-37, décembre 1997
« La République bornée »

« Tiberius Claudius », un réseau pour défendre en justice le droit des étrangers à Lyon

Deux cent vingt personnes en réseau, engagées autour du constat qu’il est indispensable de dégager des moyens financiers pour agir en justice pour la défense du droit des étrangers.

Tel est le sens de « Tiberius Claudius », du nom de l’empereur romain né à Lyon, qui voulait « voir en toge les Grecs, les Gaulois, les Espagnols et les Bretons ». Il manifestait ainsi sa volonté d’une égalité de droit pour tous les habitants des provinces de l’empire, sans distinction d’origine.

Le réseau [1] existe depuis janvier 1995. Chacun des membres participe, par une cotisation mensuelle, à son fonctionnement. Par ailleurs, les audiences des affaires où il est partie prenante sont une occasion de mobilisation pour assurer une présence physique du réseau. Les récentes audiences ont montré que la présence des membres du réseau est importante. Il ne s’agit pas de faire pression sur le cours de la justice, mais de montrer l’importance des affaires.

L’engagement du réseau est décidé par un groupe de quelques personnes désignées par l’assemblée annuelle. L’exemplarité de la situation juridique et la perspective de voir évoluer la jurisprudence sont les critères premiers du choix des dossiers soutenus.

Depuis sa création, le réseau est intervenu dans une quinzaine d’actions devant diverses juridictions (tribunal administratif, tribunal de grande instance, Conseil d’Etat, tribunal des affaires de sécurité sociale et Cour d’appel).

Chacun des engagements du réseau correspond à un enjeu.

Ainsi, par assemblée plénière, le tribunal administratif de Lyon a retenu qu’en cas d’annulation d’un arrêté de reconduite à la frontière sur la base de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (droit au respect de la vie privée et familiale), le préfet est tenu de délivrer un titre de séjour avec mention salarié sans visa préalable de la direction départementale du travail (Ass. plénière TA de Lyon, aff. Trofin 14 mars 1997).

Par ailleurs, le TA de Lyon a annulé une décision de renvoi en Guinée, malgré l’interdiction judiciaire du territoire prononcée à l’encontre d’une jeune guinéenne, en retenant pour la première fois, la violation de l’article 3 de la Convention européenne (risque d’être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au pays) sur la base du risque d’excision encouru par ses deux fillettes en cas de retour en Guinée (TA de Lyon, Condé c/préfet du Rhône, juin 1996).

La bataille juridique se poursuit quant au bénéfice de l’allocation adulte handicapé (AAH) et du fonds national de solidarité (FNS) pour les étrangers âgés devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, juridiction peu habituée aux débats contradictoires et à l’intervention des associations.

Une jurisprudence est bien engagée sur l’asile territorial et, plus particulièrement, sur le fait que les autorités de la République française sont toujours compétentes pour attribuer cet asile avec droit au travail. Bon nombre d’Algériens désireux de ne pas rompre tout lien avec leur pays sont concernés aujourd’hui par cette démarche (TA de Lyon, jugement H. 30 avril 1997).

Actuellement, un travail juridique est en cours sur la compétence exclusive du ministre (et non du préfet) quant à l’exécution d’une interdiction judiciaire du territoire. Très souvent, la réflexion ainsi engagée conduit à constater la distorsion entre décision judiciaire et décisions administratives (voies de fait, décision relative au pays de destination, …) d’où la nécessité d’approfondir encore ces questions.

L’action de « Tiberius Claudius » a donc permis d’engager du contentieux d’urgence dans de meilleures conditions et a favorisé une réflexion juridique en facilitant le travail des avocats. Au-delà de sa fonction de réseau solidaire, « Tiberius Claudius » est donc surtout une initiative de citoyens engagés pour une meilleure défense des droits, un plus grand respect des personnes devant la justice par l’implication de ses membres.




Notes

[1Tiberius Claudius, 12 place Croix-Paquet 69001 Lyon / Fax. 04 72 00 99 44.


Article extrait du n°36-37

→ Commander la publication papier
S'abonner

[retour en haut de page]

Dernier ajout : lundi 5 mai 2014, 12:20
URL de cette page : www.gisti.org/article4117