Article extrait du Plein droit n° 17, avril 1992
« Immigrés sans toits ni droits »
Plus de quatre ans de conflit
C’est à la suite d’une nouvelle augmentation des redevances, en janvier 1988, que les résidents du foyer de Livry-Gargan [1], géré par l’Association des foyers de la région parisienne (AFRP) organisent un blocage du paiement estimant les tarifs pratiqués disproportionnés par rapport à l’état déplorable d’hygiène et de salubrité dans lequel se trouve alors le foyer.
Sur la foi du rapport fantaisiste d’un « médiateur », le tribunal condamne cependant les résidents en décembre de la m me année, en leur accordant six mois pour régler leur dette.
A partir de mars 1988, l’AFRP interrompt la quasi-totalité des prestations, notamment la fourniture d’eau chaude et surtout le chauffage.
Fin décembre 1988, les résidents s’adressent à la Confédération syndicale du cadre de vie (CSCV) de Livry-Gargan qui prend immédiatement contact avec le maire de la commune.
Une enqu te est effectuée par le service d’hygiène de la mairie et débouche sur un rapport constatant de multiples infractions au règlement sanitaire départemental.
Le maire met alors en demeure l’AFRP de rétablir le chauffage et de faire les travaux de mise en conformité avec les normes d’habitabilité. Pour toute réponse, l’AFRP interrompt la fourniture de gaz !
Cinq résidents à jour de leurs paiements (leur redevance étant prélevée sur leur salaire et versée directement à l’association gestionnaire) obtiennent la condamnation de l’AFRP par le tribunal de grande instance : l’AFRP n’applique pas l’ordonnance et donne congé aux cinq résidents !
Finalement, par l’intermédiaire du préfet, un accord est signé le 22 août 1989 par lequel l’AFRP s’engage, en échange de l’avis favorable du préfet pour l’acquisition du foyer (propriété de l’Etat) et de la signature d’un nouveau contrat d’hébergement, à rétablir les prestations, à effectuer les travaux, et à maintenir la redevance au taux de janvier 1988.
De multiples incidents marquent l’année 1990 : erreur du gérant quant au montant des redevances, difficultés pour obtenir le remboursement des sommes bloquées en 1988 ou pour faire interrompre les saisies sur salaires, etc.
L’accord du 22 août 1989 est cependant bien confirmé au cours d’une réunion entre le président de l’AFRP et celui de la CSCV, réunion tenue le 2 mai 1990 à la demande de l’AFRP.
Des augmentations continuelles
Mais, alors qu’aucun des travaux promis n’a encore commencé, l’AFRP augmente les redevances de 34% au 1er janvier 1991. Madame Neiertz, alors secrétaire d’Etat à la Consommation, reçoit les résidents et intervient.
Les résidents bloquent la redevance sur le compte de la CSCV.
Celle-ci prépare alors une assignation au fond (les ordonnances de référé, bien qu’exécutoires, n’ayant pas l’autorité de la chose jugée).
L’AFRP introduit des référés et obtient à nouveau condamnation des résidents. Deux d’entre eux, au nom de tous les autres, font appel. On est en plein mois d’août ; le préfet, qui n’est plus le m me qu’en 1989, ne bouge pas...
Aujourd’hui, on attend toujours la date d’audience devant la cour d’appel.
En application des ordonnances de référé, l’AFRP fait saisir en banque la totalité des comptes des résidents et obtient, sur requ te, l’autorisation de saisir également les comptes de la CSCV.
Les audiences de validité doivent se tenir en avril prochain.
L’AFRP obtient de plus des saisies sur salaires qui doivent commencer fin février. Et pour couronner le tout, elle prétend imposer une nouvelle augmentation des redevances de 17% au 1er janvier 1992 !
La CSCV, en tant qu’organisation de consommateurs habilitée à ester en justice pour ses adhérents, ainsi que deux résidents à jour de leurs paiements assignent à nouveau l’AFRP au fond : ils attendent la fixation de la date d’audience...
Jusqu’à présent, les résidents n’ont obtenu du sous-préfet chargé de mission à la ville et responsable du dossier, que l’assurance qu’il n’y aura pas d’expulsion.
Jusqu’en décembre 1991, les résidents exigeaient simplement le respect des accords de 1989 et 1990, à savoir le maintien des redevances au taux antérieur en attendant la réalisation des travaux.
Aujourd’hui, devant l’obstination de l’AFRP à entretenir délibérément le conflit, alors qu’elle a reçu une subvention de 1 804 000 F en novembre 1990 pour effectuer les travaux, les résidents et la CSCV demandent qu’elle soit purement et simplement dessaisie de la gestion du foyer.
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