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La justice par visioconférence : des audiences illégales au sein même des centres de rétention

La politique du tout enfermement des personnes étrangères en rétention menée par le gouvernement, en particulier depuis la circulaire Collomb du 20 novembre 2017, conduit à multiplier les violations de leurs droits fondamentaux. Des personnes sont jugées par visioconférence en toute illégalité au cœur même des centres de rétention. Une pratique qui préfigure le projet de loi présenté le 11 janvier.

Entre le 4 décembre et le 16 janvier, quatre personnes ont été présentées devant les cours d’appel de Toulouse et de Bastia, depuis le centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse, par le moyen de la visioconférence. Ces personnes se trouvent donc dans un local géré par la police aux frontières, qui n’a aucunement le statut de lieu de justice, tandis que les magistrats siègent à distance, dans leur tribunal.

La publicité est une condition essentielle du droit au procès équitable. Assurée dans le cadre de la comparution dans les palais de justice, elle se perd quand l’institution accepte des comparutions dégradées, dans des salles d’audience délocalisées ou par visioconférence.

S’il donne un fondement légal à ces pratiques contestables, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) impose toutefois des conditions minimales. Pour les audiences par visioconférence, l’article L552-12 du Ceseda impose que chacune des deux salles d’audience (celle où se trouve le juge et celle où se trouve la personne retenue) soit ouverte au public.

A minima, la salle dans laquelle se trouve la personne étrangère doit être ouverte au public, ce qui n’est pas assuré dans l’enceinte d’un centre de rétention. Plus encore, le local utilisé ne peut pas constituer une salle d’audience. En effet, lorsque ces juridictions se sont prononcées sur les audiences délocalisées dès 2008, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont clairement exclu « l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte d’un centre de rétention ». Il s’en déduit qu’aucune salle située sur son emprise ne peut recevoir la qualification de salle d’audience et qu’aucune visioconférence ne peut valablement s’y tenir.

Le rythme effréné des enfermements en rétention conduit à une organisation de la justice hors-la-loi notamment pour éviter des escortes policières vers les tribunaux.

Les personnes étrangères visées font les frais de cette parodie de justice en étant privées d’un procès équitable et de plusieurs garanties procédurales. L’accès de ces lieux est très difficile pour les avocats – qui ne sont parfois pas même informés. Le public ne peut pas assister aux audiences pourtant censées être publiques puisqu’elles se tiennent dans l’enceinte du CRA. Dans ces conditions, l’impartialité de la justice n’est plus garantie.

Les associations signataires condamnent fermement ces pratiques outrancières et parfaitement illégales. Elles demandent à ce qu’il soit mis un terme sans délai aux audiences par visioconférence dans les centres de rétention.

Le 18 janvier 2018

Association signataires

  • ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)
  • ADE (Association pour la défense des étrangers) – Toulouse
  • Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers)
  • GISTI (groupe d’information et de soutien des immigré.e.s)
  • La Cimade
  • RESF (Réseau éducation sans frontières)
  • SAF (Syndicat des avocats de France)
  • Syndicat de la magistrature

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Dernier ajout : jeudi 5 septembre 2019, 23:19
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