Demande de QPC sur le traitement discriminatoire des victimes civiles de la guerre d’Algérie
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC 2017-690 rendue le 8 février 2018, avait censuré la condition de nationalité française imposée pour pouvoir prétendre à une pension en tant que victime civile de la guerre d’Algérie.
Le gouvernement, prenant acte de cette décision, a supprimé la condition de nationalité mais, profitant de la discussion sur la loi de programmation militaire, s’est empressé d’introduire à l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, une disposition limitant la recevabilité des demandes… à la date de promulgation de cette loi, soit le 14 juillet 2018. Ce qui revenait à annihiler les effets de la décision du Conseil constitutionnel.
Saisi par une personne de nationalité algérienne qui avait vu sa demande de pension rejetée au motif qu’elle avait été déposée le 28 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse a accepté de transmettre une QPC portant sur l’article L. 113-6 du code des pensions militaires au Conseil d’État.
Devant le Conseil d’État, le Gisti, l’ADDE et l’ADE (Association pour la défense des étrangers) sont intervenus volontairement à l’appui de la demande de transmission de la QPC.
Dans sa décision du 25 septembre 2020, le Conseil d’État a déclaré les interventions volontaires irrecevables, par application d’une jurisprudence contestable mais constante qu’il ne s’est pas résolu à remettre en cause, qui fait de la qualité de partie à l’instance principale une condition de la recevabilité de l’intervention volontaire à l’appui d’un renvoi d’une QPC.
Sur le fond, il a rejeté la demande de transmission de la QPC, écartant notamment l’argument tiré du caractère discriminatoire du dispositif :
- « Les victimes civiles de la guerre d’Algérie n’étant pas dans la même situation que les victimes d’autres conflits, la circonstance que, par les dispositions critiquées qui sont en rapport direct avec l’objet de la loi, le législateur ait mis un terme pour l’avenir au régime d’indemnisation dont elles pouvaient bénéficier ne traduit pas une violation du principe d’égalité. Les dispositions critiquées, par ailleurs, n’instituent aucune différence de traitement selon la nationalité du demandeur. Si elles conduisent à traiter différemment des demandes selon la date à laquelle elles ont été présentées, cette différence est inhérente à la succession de régimes juridiques dans le temps et n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité devant la loi. Il s’ensuit que l’invocation par M. N. du principe d’égalité devant la loi […] ne soulève pas une question présentant un caractère sérieux. »
Post scriptum. - Par un arrêt du 7 août 2024 la cour administrative d’appel de Paris a ouvert une brèche dans le dispositif : elle a considéré qu’en privant sans préavis les victimes civiles de la guerre d’Algérie de nationalité étrangère de toute possibilité de percevoir une pension alors qu’elles avaient l’espérance légitime de s’en voir reconnaître le bénéfice, les nouvelles dispositions du code des pensions ont été adoptées en violation du droit au respect des biens résultant de l’article 1er du premier protocole à la Convention européenne des droits de l’homme. Il a donc annulé le refus d’accorder une pension au requérant et enjoint à l’administration de reconsidérer sa position.
Partager cette page ?