action collective

Appel pour le respect de l’engagement n° 30 de François Hollande, Président de la République
Nos propositions de réforme des contrôles d’identité

Le gouvernement doit respecter la proposition n° 30 de François Hollande de «  lutter contre le délit de faciès » dans les contrôles d’identité, grâce à « une procédure respectueuse des citoyens », ont dit huit organisations nationales et internationales (Gisti, Graines de France, Human Rights Watch, la Ligue des Droits de l’Homme, la Maison pour un Développement Solidaire, Open Society Justice Initiative, le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature) dans un document rendu public aujourd’hui et transmis au Président de la République, au gouvernement, aux parlementaires et au Défenseur des Droits. Le document en question présente les mesures clefs indispensables pour prévenir et répondre aux dérives liées aux contrôles d’identité.

Les déclarations regrettables du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur ces derniers jours ne doivent pas éclipser la réalité vécue par tous ceux qui subissent des contrôles d’identité arbitraires et abusifs. Une réforme en matière de contrôles d’identité est urgente, nécessaire et réaliste, voire même de nature à améliorer l’efficacité des contrôles de police, affirment les huit organisations.

Fondée sur la situation française, ainsi que sur les expériences réalisées dans d’autres pays, la note préconise un ensemble de mesures afin de lutter contre les dérives de contrôles tout en améliorant la sécurité :

  • Réformer l’article 78-2 du Code de procédure pénale : la lutte contre ces dérives passe nécessairement par la limitation du champ des contrôles d’identité aux stricts impératifs de sécurité publique, à savoir la prévention et la lutte contre la délinquance. Un contrôle d’identité, quelle que soit l’autorité requérante, ne pourra être effectué qu’en présence d’un soupçon raisonnable, en respectant les motifs des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme Gillan et Quinton c/ Royaume-Uni et Berktay c/Turquie.
  • Encadrer juridiquement la pratique des palpations de sécurité : il est nécessaire de limiter de manière explicite par voie législative les pouvoirs conférés aux forces de l’ordre pour procéder à des contrôles physiques tels que des palpations, sources d’atteintes à la vie privée et d’humiliations.
  • Remettre un récépissé : une garantie pour la personne contrôlée et pour le policier. La loi doit prévoir que, lors de chaque contrôle d’identité, les agents remplissent un formulaire, dont un volet est remis à la personne contrôlée, et un volet est conservé par le service de police. Ce document, conçu pour éviter tout fichage, rendra plus transparente la façon dont les contrôles sont effectués et permettra un suivi et une évaluation de la mise en oeuvre de ce pouvoir. Il s’agit, pour les huit organisations, d’une étape nécessaire pour créer des réponses adaptées.

Cette mesure devra faire l’objet d’une mise en place progressive dans le cadre d’une expérimentation dans quelques sites pilotes conformément à l’art. 37-1 de la Constitution et être accompagnée d’une évaluation incluant des experts indépendants, avant sa généralisation progressive à tout le territoire. Cette approche permettrait de perfectionner le dispositif et d’obtenir une meilleure compréhension de son intérêt par les policiers.

  • Organiser un dialogue entre police et population sur la pratique des contrôles d’identité : pour assurer la réussite d’une réforme des contrôles d’identité, il est indispensable d’organiser des rencontres régulières entre citoyens/habitants, policiers/gendarmes et élus pour discuter des questions locales de sécurité et notamment des pratiques qui mettent en contact les forces de l’ordre et la population. Ces discussions devront être alimentées par des données quantitatives et qualitatives permettant de mieux cerner les pratiques policières, telles que les données issues des formulaires de contrôle.
  • Renforcer la formation des policiers : pour réussir, un fort engagement politique ainsi qu’un ensemble de mesures sont nécessaires. La formation initiale et continue des fonctionnaires de police doit être largement renforcée et permettre la mise en pratique des règles déontologiques dans l’accomplissement des tâches quotidiennes.
  • Modifier les critères d’évaluation et de promotion des policiers : ces critères devront prendre en compte le respect de la déontologie et la capacité à créer du lien social, et ne plus être principalement fondés sur des objectifs chiffrés. Il faut également limiter l’actuelle rotation trop rapide des personnels en encourageant des policiers expérimentés à rester dans des quartiers populaires, grâce à des conditions humaines et matérielles incitatives.

Pour les huit organisations, la mise en place effective de ces réformes nécessite la compréhension, l’engagement et l’action volontariste de la police et de la gendarmerie. Il est essentiel que l’encadrement et la hiérarchie de ces institutions jouent pleinement leur rôle en veillant à ce que les prérogatives policières soient utilisées de manière juste et efficace et que les contrôles ciblent bien le comportement plutôt que l’apparence physique.

L’impulsion doit venir du plus haut niveau politique. Il est impératif que les divers acteurs concernés - associations, experts, élus locaux, magistrats et avocats, ainsi que le ministère de la Justice - soient consultés et impliqués.

Les huit organisations appellent le gouvernement à mettre en place ces réformes... maintenant.

Paris, le 4 octobre 2012

Signataires :

  • Gisti
  • Graines de France
  • Human Rights Watch
  • Ligue des Droits de l’Homme
  • Maison pour un Développement Solidaire
  • Open Society Justice Initiative
  • Syndicat des Avocats de France
  • Syndicat de la Magistrature
Propositions pour la mise en oeuvre de l’engagement n° 30

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Dernier ajout : vendredi 5 octobre 2012, 13:42
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