À quelques jours de la célébration de la « patrie des droits de l’Homme »...
L’affaire Snowden, le déni ordinaire du droit d’asile
Le cas d’Edward Snowden est représentatif d’une hostilité très ordinaire manifestée par le gouvernement français à l’égard de celles et ceux qui lui demandent protection. Le refus des autorités françaises de l’accueillir en France et d’y présenter sa demande d’asile n’a rien d’extraordinaire. Il est à l’image de leur comportement quotidien et récurrent depuis des années à l’encontre de personnes persécutées qui espèrent obtenir l’asile en France.
Dans les « zones d’attente » des aéroports français, les autorités administratives rejettent à la chaîne l’admission sur le territoire à l’immense majorité de celles et à ceux qui voudraient y pénétrer pour solliciter l’asile avant de les refouler (selon l’Anafe, 75 % des 2 184 demandes de 2010 et 90 % des 1 857 de 2011).
Chaque jour, les autorités françaises refusent des visas aux candidats à l’asile, les condamnant ainsi à s’adresser à des passeurs pour migrer. Ces derniers mois, les Syriens se sont vu imposer un « visa de transit aéroportuaire » permettant de les refouler s’ils demandent l’asile à l’occasion d’une escale en France, tandis que l’État refusait d’accueillir la plupart des anciens auxiliaires afghans de l’armée française, au mépris des représailles tragiques auxquelles ils sont ainsi exposés en Afghanistan.
Ayant rendu publique la mise en œuvre par l’organisme gouvernemental américain qui l’employait d’un système de collecte mondiale d’informations sur les utilisatrices et utilisateurs d’Internet, Edward Snowden est devenu un « lanceur d’alerte ». Or s’il existe des principes internationaux garantissant aux lanceurs d’alerte, sous certaines conditions, une protection contre des sanctions pénales, la loi américaine, comme le rappelle Human Rights Watch, « ne fournit tout simplement pas de protection suffisante ». En conséquence, une demande d’asile d’Edward Snowden étudiée sereinement en France selon les normes internationales aurait sans doute abouti favorablement.
Mais le ministère de l’intérieur neutralise la liberté de circulation nécessaire aux demandeurs d’asile, seuls étrangers qui ont en principe le droit d’accéder au pays dont ils attendent la protection. Ce privilège qui leur est pourtant reconnu par la convention de Genève (article 33), parce qu’il est vital pour eux d’échapper à l’arbitraire des autorisations délivrées par les États, finit par se retourner contre eux dans la mesure où ces États obsédés par la « gestion des flux migratoires » craignent par dessus tout celles et ceux qui ont vocation, par définition, d’échapper à leur politique de sélection.
À Edward Snowden, M. Valls oppose la bonne vieille raison d’État [1] : il est américain et « les États-Unis sont un pays ami », malgré leurs pratiques. Une amitié, largement économique, qui a autorisé la France à mépriser une fois de plus le droit d’asile, et à humilier au passage le continent sud-américain.
À quelques jours de la fête nationale où le président entonnera une fois de plus le refrain de « la France, patrie des droits de l’Homme », le gouvernement refuse toute protection à la personne qui a mis au jour une violation sans précédent de l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
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