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Le ministre de l’intérieur vient-il inaugurer à Calais son échec inévitable ?

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, se rendra à Calais ce lundi 3 novembre pour annoncer ses solutions dont certaines sont déjà en œuvre.
Pourtant, rien de bien neuf sous le ciel calaisien tout comme dans les autres communes où s’abritent les migrants en transit. Les personnes exilées y sont certes plus visibles que d’ordinaire : provisoirement moins nombreuses à se noyer en Méditerranée alors que les crises dans leurs pays d’origine (Afghanistan, Erythrée, Soudan, Syrie, notamment) et dans les pays de transit (Libye) les contraignent toujours à s’enfuir.

Des personnes exilées en transit vers la Grande-Bretagne, on n’en rencontre effectivement pas seulement à Calais. Elles sont aussi présentes à Paris, Ouistreham, Dieppe, Marquise, Grande-Synthe, Téteghem, Steenvoorde, Tatinghem, Norrent-Fontes, Angres, etc.... Ainsi qu’à Cherbourg, dans la ville de Bernard Cazeneuve.
Pourquoi ce silence sur leur existence disséminée dans l’ensemble du nord-ouest de la France ?
Pourquoi cette fixation sur la seule ville de Calais ?

En ignorant volontairement les situations dans toutes ces communes, le ministre de l’Intérieur passe à côté de la réalité, ce qui l’empêche à l’avance de proposer de bonnes solutions.

M. Cazeneuve et, avec lui, le gouvernement ne proposent d’ailleurs aucune solution satisfaisante.

Est-ce une solution d’envisager l’ouverture d’un « accueil de jour » à Calais, présenté comme humanitaire ?
Comme au moment de l’ouverture de Sangatte en 1999, il s’agit surtout d’éloigner migrantes et migrants du centre de la ville et de les assigner à l’invisibilité. Un ghetto en quelque sorte.
Cet « accueil de jour » semble, pour le moment, n’être pas accueillant du tout, et a plutôt l’air d’un regroupement de quelques services jusqu’ici disséminés aux différentes extrémités de la ville. Pas d’espace prévu pour se poser, discuter, se reposer.

Ce seul ghetto prévu pour un millier de personnes ne suffira pas au vu du nombre actuel d’exilés à Calais, et sera difficile à gérer.
Par ailleurs, et par exemple, un seul repas par jour est prévu, sans possibilité pour les exilés de recevoir d’autres aliments, encore moins de faire eux-mêmes la cuisine, est-ce « humanitaire » ?
Et que vont devenir les autres ? Quelles seront les nuits de tous ? Quel hiver leur réserve-t-on ?

Est-ce une solution de poser des barrières le long des autoroutes, de sophistiquer davantage les contrôles des camions et du port, de multiplier les effectifs de la police ?
Cela aura pour principales conséquences une augmentation des risques pris pour sortir de France ainsi que du nombre de morts le long de nos autoroutes et frontières.

Fondamentalement, rien ne va changer. Les côtes de la Manche et de la Mer du Nord vont rester, à l’identique, des frontières fermées qui créent l’entassement dans la région depuis bientôt 15 ans et qui font le bonheur des passeurs. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on connaît d’avance l’échec politique et humanitaire de M. Cazeneuve qui essaie de faire passer pour innovantes de vieilles recettes qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité.

Il existe des moyens pour traiter avec davantage de respect des personnes qui ont, pour la plupart, fui une situation de guerre et de persécution : à ce titre ils sont de potentiels demandeurs d’asile.

Les voici :

  • L’étude des demandes d’asile par les autorités britanniques ;
  • La délivrance de laisser passez par les autorités britanniques pour les personnes ayant des attaches familiales en Grande-Bretagne ;
  • Une révision du règlement Dublin III pour permettre à chaque demandeur d’asile en Europe d’aller déposer son dossier dans le pays de son choix ;
  • Une orientation immédiate vers un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile pour les personnes qui souhaitent demander une protection en France ;
  • Le renforcement du dispositif de protection des mineurs, soit par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) soit par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ;
  • Une renégociation du traité du Touquet ;
  • La suppression de l’agence Frontex ;
  • Un arrêt définitif des violences policières : les plaintes des personnes concernant des violences doivent pouvoir être enregistrées à l’aide d’un interprète et les victimes doivent pouvoir être orientées vers des structures ou des associations adaptées ;
  • L’inconditionnalité de l’hébergement, qui ne peut se traduire que par la création de dispositifs d’accueil et d’orientation adaptés et en nombre suffisant.

Dans l’attente de ces dispositifs, la mise en place de camps humanitaires d’urgence dignes à Calais et partout où ce sera nécessaire, gérés par l’État ou le HCR.

Le 3 novembre 2014

Organisations signataires :

  • Calais Ouverture et Humanité
  • Communauté Emmaüs Dunkerque
  • Emmaüs-France
  • Emmaüs International
  • Gisti (Groupe d’Information et de Soutien des Immigré⋅e⋅s)
  • Itinérance Cherbourg
  • Le Réveil Voyageur
  • Terre d’Errance Flandres Littoral
  • Terre d’Errance Norrent-Fontes
  • Terre d’Errance Steenvoorde

Voir notre dossier « Jungles, campements et camps d’exilés en France »

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Dernier ajout : jeudi 1er février 2024, 16:31
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