Le Conseil d’Etat annule ou suspend onze refus de visa fondés sur l’absence de force probante d’actes d’état civil bangladais Arrêts pris en 2009 et 2010
Annulations
Dans toutes les décisions qui suivent, il s’agit de contentieux relatifs à des refus de visas de long séjour dans le cadre de rapprochements familiaux demandés par personnes venues du Bangladesh dont le statut de réfugié avait été reconnu par la France.
(...) Considérant qu’il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et aux enfants d’un réfugié statutaire les visas qu’ils sollicitent ; qu’elle ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d’ordre public, notamment en cas de fraude ;
Considérant que pour rejeter le recours de Mme B dirigé contre la décision de l’ambassadeur de France au Bangladesh refusant de délivrer les visas d’entrée et de long séjour en France pour elle-même et ses cinq enfants, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a estimé, d’une part, que les actes de naissance des cinq enfants avaient un caractère apocryphe et, d’autre part, que l’acte de naissance de Mme B et son certificat de mariage avec M. A n’étaient pas authentiques ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A et Mme B se sont vu délivrer un livret de famille établi par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides mentionnant leur mariage, célébré en novembre 1991 ; qu’en vertu de l’article L. 721-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ce document a la valeur d’acte authentique ; que dans ces conditions, et eu égard aux conditions de tenue des documents d’état civil au Bangladesh, les vérifications auxquelles a fait procéder le consulat par un cabinet spécialisé agréé par lui ne permettent pas, en l’espèce, de tenir pour établie l’existence d’une fraude ; que, par suite, la commission de recours a inexactement apprécié les faits de l’espèce en estimant que le caractère frauduleux des documents présentés révélait un risque d’atteinte à l’ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A et Mme B sont fondés à demander l’annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France ; qu’il y a lieu d’enjoindre au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de délivrer les visas sollicités par Mme B pour elle-même et ses cinq enfants dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.
(...) Considérant qu’il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et à l’enfant d’un réfugié statutaire les visas qu’ils sollicitent ; qu’elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d’ordre public et notamment, en cas de fraude ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. B s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 18 février 2005 de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu’il a demandé à bénéficier de la procédure de familles rejoignante pour son épouse Mme et ses quatre enfants ; que les visas sollicités par Mme ont été refusés par l’ambassadeur de France au Bangladesh au motif que les documents d’état-civil produits à l’appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l’identité des demandeurs ni leurs liens de parenté avec M. B n’étaient établis ; que pour regarder comme établi le caractère apocryphe de ces documents d’état-civil, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France s’est notamment fondée sur une enquête menée par un cabinet d’avocats accrédité auprès de l’ambassade de France au Bangladesh, dont n’a été versé au dossier qu’un compte rendu rédigé en langue anglaise non traduit et que le juge ne peut ainsi prendre en considération ; qu’elle s’est également fondée sur le résultat d’une audition de Mme et de ses enfants par un agent des services consulaires français au Bangladesh, sans que le compte-rendu ait été versé au dossier ; que dans ces conditions, compte tenu des déclarations constantes de M. B depuis sa demande à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides affirmant ses liens conjugaux et sa filiation avec Mme et ses enfants, et en l’absence au dossier soumis au juge d’éléments sérieux venant au soutien du motif retenu par la commission, Mme est fondée à soutenir que la commission des recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a entaché sa décision d’erreur d’appréciation en refusant de délivrer les visas sollicités du fait du caractère frauduleux des actes d’état civil présentés ; qu’il suit de là que Mme est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ; (...)
(...) Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 24 janvier 2002 ; qu’il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour les membres de sa famille cités ci-dessus ; que les visas sollicités par Shilpi B pour elle-même et ses enfants ont été refusés par l’autorité consulaire au motif que les documents d’état civil produits à l’appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l’identité des demandeurs ni leurs liens de parenté avec M. A n’étaient établis ; que toutefois, il n’est pas contesté que ces documents confirment les déclarations faites par le requérant auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) quant à l’identité des membres de sa famille lorsqu’il avait introduit sa demande d’asile, dès le mois de janvier 2001 ; qu’il ressort du courrier de l’OFPRA du 31 juillet 2006 figurant au dossier que l’office confirme également les éléments qui lui ont permis la reconstitution du certificat tenant lieu d’acte de mariage ; que dans ces conditions, et eu égard aux conditions de tenue des documents d’état civil au Bangladesh, les vérifications auxquelles a fait procéder le consulat par un cabinet spécialisé agréé par lui ne permettent pas, en l’espèce, de tenir pour établie l’existence d’une fraude, alors même que les actes présentés n’auraient pas été totalement corroborés par les registres d’état-civil locaux ; que par suite la commission de recours a inexactement apprécié les faits de l’espèce en estimant que le caractère frauduleux des documents présentés révélait un risque d’atteinte à l’ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ; (...)
Considérant que le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire soutient que le motif de la décision contestée est tiré de ce que les documents produits par les requérants à l’appui de la demande de visa présentée pour leurs enfants allégués, Alam et Razus D, sont des faux et qu’ainsi leur filiation n’est pas établie ; que ce motif repose sur un rapport d’enquête établi par un avocat bangladais mandaté par les autorités consulaires françaises afin de vérifier l’authenticité de ces documents d’état civil, lequel conclut que ceux-ci étaient des faux ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier en premier lieu que ce rapport concluait également au caractère faux de l’acte de mariage produit alors même que le ministre reconnaît l’authenticité du mariage des requérants ; qu’en deuxième lieu, selon la mission d’enquête commune à l’Office français des réfugiés et apatrides et à la commission des recours des réfugiés, menée au Bangladesh du 15 septembre au 6 octobre 2005, la déclaration de naissance n’a été rendue obligatoire au Bangladesh que par une loi du 7 décembre 2004 et que les naissances antérieures, comme celles d’Alam et Razus D, pouvaient être attestées par des agents de mairie ; que les actes produits par les requérants à l’appui de leur demande afin d’établir la filiation d’Alam et Razus D présentent une telle forme ; qu’en troisième lieu, le rapport remis aux autorités consulaires françaises conteste l’authenticité des certificats d’état civil établis pour Alam et Razus D sur la base uniquement des affirmations d’un agent municipal sans que l’auteur du rapport ait cru utile de mener une enquête ; qu’enfin, M. A et Mme C ont, depuis leur arrivée en France, constamment fait état de leurs deux enfants, Alam et Razus, laissés auprès de leur famille au Bangladesh ; que la demande adressée à l’Office français des réfugiés et apatrides puis à la commission des recours des réfugiés indiquait ainsi qu’ils étaient parents de ces enfants ; que les requérants établissent également, par des envois d’argent au Bangladesh, avoir veillé sur eux ; que par suite, dans les circonstances de l’espèce, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a commis une erreur d’appréciation en estimant que la filiation des enfants Alam et Razus D avec les requérants n’était pas établie ; que dès lors , M. A et Mme C sont fondés à demander l’annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu’il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et à l’enfant d’un réfugié statutaire les visas qu’ils sollicitent ; qu’elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d’ordre public et notamment, en cas de fraude ;
Considérant qu’il ressort du dossier que M. A s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 25 novembre 2004 ; qu’il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour les membres de sa famille cités ci-dessus ; que les visas sollicités par Mme A pour elle-même et ses enfants ont été refusés par l’autorité consulaire au motif que les documents d’état-civil produits à l’appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l’identité des demandeurs ni leurs liens de parenté avec M. A n’étaient établis ; que toutefois, il n’est pas contesté que ces documents confirment les déclarations faites par le requérant auprès de l’OFPRA quant à l’identité des membres de sa famille lorsqu’il avait introduit sa demande d’asile, dès le mois de décembre 2002 ; qu’il ressort du courrier de l’OFPRA du 26 décembre 2008 figurant au dossier que l’office confirme également les éléments qui lui ont permis la reconstitution du certificat tenant lieu d’acte de mariage ; que dans ces conditions, et eu égard aux conditions de tenue des documents d’état-civil au Bangladesh, les vérifications auxquelles a fait procéder le consulat par un cabinet spécialisé agréé par lui ne permettent pas, en l’espèce, de tenir pour établie l’existence d’une fraude, alors même que les actes présentés n’auraient pas été totalement corroborés par les registres d’état-civil locaux ; que par suite la commission de recours a inexactement apprécié les faits de l’espèce en estimant que le caractère frauduleux des documents présentés révélait un risque d’atteinte à l’ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ;
- Conseil d’État, 6e sous-section jugeant seule, 31 juillet 2009, n° 315634
statuant au contentieux, sous-section 6
(...) Considérant qu’il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et à l’enfant d’un réfugié statutaire les visas qu’ils sollicitent ; qu’elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d’ordre public et notamment, en cas de fraude ;
Considérant qu’il ressort du dossier que M. A s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 15 mars 2005 ; qu’il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour les membres de sa famille cités ci-dessus ; que les visas sollicités par Mme B pour elle-même et ses enfants ont été refusés par l’autorité consulaire au motif que les documents d’état-civil produits à l’appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l’identité des demandeurs ni leurs liens de parenté avec M. A n’étaient établis ; que toutefois, il n’est pas contesté que ces documents sont conformes aux déclarations faites par le requérant auprès de l’OFPRA lorsqu’il a introduit sa demande d’asile en septembre 2003 ; qu’eu égard aux conditions de tenue des documents d’état-civil au Bangladesh, les vérifications auxquelles a fait procéder le consulat par un cabinet spécialisé agréé par lui, ne permettent pas de tenir pour établie en l’espèce l’existence d’une fraude, alors même que les actes présentés ne correspondraient pas exactement aux critères d’établissement et d’enregistrement des actes d’état-civil dans le pays, ou même qu’ils n’auraient pas été corroborés par les registres d’état-civil locaux ; que par suite la commission de recours a inexactement apprécié les faits de l’espèce en estimant que le caractère frauduleux de documents présentés révélait un risque d’atteinte à l’ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A et Mme B sont fondés à demander l’annulation de la décision attaquée ; (...)
(...) Considérant que pour rejeter la demande de visa de long séjour de Mme A, le ministre des affaires étrangères et européennes s’est fondé sur la circonstance que ni l’identité de la requérante, ni la réalité de son mariage avec M. Dipankar A ne pouvaient être considérés comme établis en raison du caractère non probant des documents produits à titre d’actes de naissance ou de certificats de mariage ; qu’il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu’en admettant même que les actes de naissance produits par Mme A présentent certaines anomalies, les indications qu’ils comportent sont concordantes et corroborées par le passeport de la requérante ; qu’en relevant, pour leur dénier également tout caractère probant, que les divers attestations et certificats produits par Mme A, relatifs à son mariage le 21 février 1998 à Chittagong avec M. Dipandar A, n’avaient pas été établis suivant les formes légales en vigueur au Bangladesh, alors que la commission de recours contre les refus de visas a elle-même reconnu dans son avis que les dysfonctionnements du service de l’état-civil dans ce pays expliquaient la forme incorrecte des actes produits, le ministre n’a pas fourni d’éléments suffisamment précis et concordants pour attester l’existence d’une fraude ; qu’il a ainsi entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme A est fondée à demander l’annulation de la décision du ministre des affaires étrangères et européennes du 9 février 2007
Suspensions en référé
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A a indiqué, dès le 4 septembre 2001, dans la notice renseignée dans le cadre de l’instruction de sa demande d’admission au statut de réfugié, s’être marié à Mme B le 10 octobre 1992 ; qu’ont été versés au dossier plusieurs certificats attestant de la célébration à cette date de ce mariage ; que si le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire soutient que l’acte de naissance de Mme B ne serait pas authentique, cette seule circonstance n’est pas de nature à faire sérieusement douter de l’identité de Mme B et de la réalité des liens matrimoniaux qui l’unissent à M. A ; qu’au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier et indiqués lors de l’audience de référé, le moyen tiré de ce que c’est à tort que l’autorité administrative a estimé que les liens unissant M. A à Mme B n’étaient pas établis apparaît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que M. et Mme B se sont mariés le 16 décembre 1988 et que le jeune Mustakim, né le 28 novembre 1999, est leur fils biologique ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés ainsi que des éléments indiqués à l’audience que les jeunes Jaglul et Sajid sont les enfants biologiques du frère de M. qui ont été recueillis et pris en charge par M. et Mme B lorsque ces enfants sont devenus orphelins après le décès, en 2000, du frère de M. ; qu’est produit au dossier une déclaration sous serment d’adoption les concernant ; (...) que, par ailleurs, eu égard à la circonstance que la législation du Bangladesh n’a rendu obligatoire les déclarations de naissance pour l’enregistrement de l’état civil que postérieurement à la naissance des trois enfants, n’apparaît pas davantage déterminant, dans les circonstances de l’espèce et en l’état de l’instruction, le fait qu’aient été produits, devant les autorités françaises, des extraits différents de registres des naissances, établis respectivement en 2007 et 2008 qui font mention, pour désigner les parents de Jaglul et Sajid, de M. et de Mme B dans un cas et de leurs véritables parents biologiques dans l’autre cas ;
Considérant, compte tenu de ces éléments et alors même que le ministre (...) produit un document établi par un cabinet d’avocats mandaté par l’ambassade affirmant l’inauthenticité de certains des documents d’état-civil datés de 2007, le moyen tiré de ce que c’est à tort que la commission de recours s’est fondée sur l’existence d’une fraude documentaire pour estimer que les liens unissant M. aux demandeurs de visas n’étaient pas établis apparaît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
Considérant que M. B s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 6 décembre 2004 ; qu’il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour son épouse, ses deux enfants étant décédés accidentellement ; que le visa sollicité par Mme A a été refusé par l’autorité consulaire au motif que les documents d’état-civil produits à l’appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l’identité de Mme A ni ses liens avec M. B n’étaient établis ; que toutefois, le moyen tiré par les requérants de ce que la contestation par les autorités consulaires françaises au Bangladesh de l’authenticité des documents d’état civil qu’ils ont produits reposerait sur la simple affirmation dépourvue de tout élément de preuve d’un cabinet d’avocats mandaté par l’ambassade paraît, en l’état de l’instruction, compte tenu des autres documents figurant au dossier et en particulier du passeport de Mme A et du certificat de mariage tenant lieu d’acte d’état civil établi par l’OFPRA en faveur de M. B, propre à faire douter de la légalité du refus de visa contesté ; qu’eu égard au délai écoulé depuis l’entrée en France de M. B, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie ; que par suite, Mme A et M. B sont fondés à demander la suspension de l’exécution de la décision contestée ;
Considérant que le moyen tiré par les requérants de ce que la contestation par les autorités consulaires françaises au Bangladesh de l’authenticité des documents d’état civil qu’ils ont produits reposerait sur la simple affirmation dépourvue de tout élément de preuve d’un cabinet d’avocats mandaté par l’ambassade paraît, en l’état de l’instruction, compte tenu des autres documents figurant au dossier et en particulier du passeport de Mme A et du certificat de mariage tenant lieu d’acte d’état civil établi par l’OFPRA en faveur de M. B, propre à faire douter de la légalité des refus de visas contestés ; qu’eu égard au délai écoulé depuis l’entrée en France de M. B, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie ; que par suite, Mme A et M. B sont fondés à demander la suspension de la décision contestée ;
Le Conseil d’État a dans le même temps rejeté quelques requêtes analogues pour manque de preuves ou actes falsifiés
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