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Violences policières : à Calais, Darmanin ment !

Interviewé par France 3 Hauts-de-France le 9 octobre 2021, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré [1] :

« […] Ce que je peux dire, c’est que malgré tous les procès d’intention qu’on fait aux forces de l’ordre, je constate que pas un policier et pas un gendarme sur la côte littoral n’a été poursuivi par la justice […] et j’aimerais qu’on les respecte et qu’on les soutienne plutôt qu’on les insulte surtout lorsque manifestement ce sont des mensonges […] »

Il répondait à une question concernant le dernier rapport de Human Rights Watch, « Infliger la détresse. Le traitement dégradant des enfants et des adultes migrants dans le nord de la France » [2] qui met en évidence le harcèlement policier dont sont victimes les personnes migrantes dans le nord de la France.

De quel côté est le mensonge ?

  • septembre 2021 : un brigadier-chef CRS est condamné à dix-huit mois de sursis et deux ans d’interdiction d’exercer pour violences volontaires et faux en écriture publique, ainsi qu’à une amende de 6 000 euros de dommages et intérêts pour avoir bousculé violemment et sans raison un bénévole britannique venant en aide aux migrant·e·s, et l’avoir ensuite interpellé pour outrage et violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique, en s’appuyant sur les faux témoignages de deux de ses collègues.

    → « Violence policière à Calais : un CRS condamné, deux relaxés », Politis le 3 septembre 2021

  • novembre 2017 : un agent de la police aux frontières est condamné à six mois de prison ferme, interdit de détention d’arme pendant cinq ans, et interdit de fonction publique pendant deux ans avec sursis. pour avoir giflé un migrant dont il assurait l’escorte jusqu’à la salle de jugement du centre de rétention administrative de Coquelles

    → « Calais : un policier qui avait giflé un migrant condamné à six mois ferme », France Info avec AFP le 24 novembre 2017

Ces quelques cas suffisent à démontrer qu’à l’instar des gendarmes et des policiers mis en cause par la justice, le ministre de l’intérieur n’hésite pas à user du mensonge et de l’intimidation pour défendre l’indéfendable. Car dans la plupart de ces affaires, la culpabilité des condamnés n’a été mise en évidence que parce que des preuves incontestables (témoignages de leurs collègues, d’une fonctionnaire du tribunal ou encore enregistrement d’une vidéo) ont fini par balayer leurs dénégations initiales.

Les mensonges du ministre de l’intérieur s’inscrivent dans une inquiétante continuité : en 2009, Éric Besson, alors ministre de l’immigration du gouvernement dirigé par François Fillon, avait soutenu : « j’observe qu’en 65 années (…), personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière ». Il n’avait pas été difficile, par un recensement aussitôt mis en ligne des multiples condamnations prononcées depuis des années contre des « aidant⋅es », de montrer que ces déclarations péremptoires étaient des mensonges (voir Délit de solidarité : Besson ment [3]).

Les affirmations de Gérald Darmanin sont d’autant plus scandaleuses qu’en niant contre l’évidence les exactions policières sanctionnées par la justice, le « premier flic de France » fait fi de toutes celles qui sont, depuis des années, documentées avec minutie non seulement par les associations du nord de la France, les ONG et la presse, mais aussi par les autorités administratives comme le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme [4].

Il occulte le nombre difficilement quantifiable de celles qui ont fait l’objet de plaintes à l’IGPN et à l’IGGN, ainsi que devant la justice, et qui n’ont donné lieu à aucune poursuite.

En traitant de « mensonges » les faits rapportés dans le rapport de Human Rights Watch, en cautionnant des pratiques inacceptables au lieu de les reconnaître, le ministre de l’intérieur ne fait pas que diffamer cette ONG. Il insulte toutes les personnes qui subissent quotidiennement un harcèlement policier dont la permanence, loin de tenir aux seuls fonctionnaires mis en cause, incarne la logique de dissuasion violente et de mépris raciste qui caractérise la politique migratoire du gouvernement auquel il appartient, comme de ceux qui l’ont précédé.

Le 26 octobre 2021


Premiers signataires :

  • Auberge des migrants
  • Amis de la Terre du Cambresis
  • Attac Flandre
  • La Cabane juridique
  • Calais Food Collective
  • Collectif Cambresis Aide aux migrants
  • Comité local du SPF de Vendin-Oblinghem
  • Gisti
  • HRO (Human Rights Observer)
  • Itinérance Dieppe
  • LdH (section de Dunkerque)
  • MNLE (Mouvement national de lutte pour l’environnement) Réseau Homme et nature du Nord Pas-de-Calais
  • Mrap - comité local Littoral dunkerquois
  • Planning familial du Pas-de-Calais
  • Refugee Women Center
  • Salam Nord Pas-de-Calais
  • Shanti
  • Solidaires Dunkerque
  • Solidarity Borders
  • Terre d’Errance Norrent-Fontes
  • Utopia 56

Voir notre dossier « Jungles, campements et camps d’exilés en France »

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Dernier ajout : lundi 20 novembre 2023, 17:04
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