QPC Délit de solidarité
Reconnaissance du principe de fraternité
Cedric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, condamnés pour avoir aidé des exilés dans la vallée de la Roya, se sont pourvus devant la Cour de cassation, en invoquant l’inconstitutionnalité des dispositions qui avaient servi de fondement à leur condamnation, à savoir les articles L. 622-1 et L. 622-4 du Ceseda. Étaient invoqués non seulement le principe de nécessité et de légalité des délits et des peines mais aussi l’atteinte portée au principe de fraternité. La Cour de cassation, par deux décisions du 9 mai 2018, a accepté de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, estimant que la question, « en ce qu’elle tend à ériger en principe constitutionnel la fraternité », présentait un caractère nouveau.
Douze organisations membres du collectif des délinquants solidaires, dont le Gisti [1], représentées par Paul Mathonnet (dont la plaidoirie est reproduite ici), ont décidé d’intervenir volontairement devant le Conseil constitutionnel, de même que SOS Soutien Ô sans-papiers et la Ligue des droits de l’Homme. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme a elle aussi présenté des observations.
→ « Le Conseil constitutionnel mettra-t-il fin au délit de solidarité ? », collectif Délinquants solidaires, le 27 juin 2018
→ Vidéo en ligne de l’audience du 26 juin 2018
Le 6 juillet le Conseil constitutionnel a rendu sa décision : Décision n° 2018-717/718 QPC
Il reconnaît que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle et en déduit « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans condition de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
Il considère que l’aide à la circulation doit être inclue au même titre que l’aide au séjour dans l’exemption prévue par les textes, d’une part, que l’exemption prévue par la loi, limitée à certains types de prestations et aux actes visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger, est trop étroite, d’autre part.
Il refuse en revanche de considérer que l’aide à l’entrée, même inspirée par des préoccupations humanitaires et dépourvue de toute visée lucrative, puisse bénéficier des exemptions prévues par la loi.
→ « La fraternité ne doit pas avoir de frontières », collectif Délinquants solidaires, le 6 juillet 2018
Notes
[1] Les douze organisations requérantes étaient : La Cimade, le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, Emmaüs France, la Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s (FASTI), la Fondation Abbé Pierre, le Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e.s (Gisti), la Cabane Juridique / Legal Shelter, Médecins du Monde, Médecins sans frontières, le Syndicat des avocats de France (SAF), Terre d’Errance (62), le Syndicat de la Magistrature (SM).
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