Article extrait du Plein droit n° 61, juin 2004
« Immigrés mode d’emploi »

Alstom, roi de la sous-traitance

Nathalie Ferré

 
André Fadda est responsable de l’Union Syndicale Multi-professionnelle (CGT) des Chantiers de l’Atlantique. Il nous explique comment ALSTOM-Chantiers de l’Atlantique a opté pour un mode de fonctionnement annonçant ce qui se dessine au niveau de l’OMC, et comment plus précisément l’entreprise, par le jeu de la sous-traitance en cascade dans un cadre international, se défausse de ses responsabilités et entend éclater la collectivité des travailleurs en les soumettant à des conditions différentes de travail. Ces nouveaux rapports de domination sociale interrogent l’action syndicale.

Gisti – Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui la collectivité des travailleurs des Chantiers ? André Fadda – D’abord la précarité. En 1998, la direction des Chantiers de l’Atlantique a mis en place une nouvelle stratégie, dénommée « cap 21  », dont l’objectif avéré est de réduire les coûts de construction des navires de 30 % pour des raisons de compétitivité. En réalité, Alstom Marine poursuivait – et poursuit toujours – un autre objectif plus pernicieux, celui de diviser les travailleurs. Pour y parvenir, l’entreprise prend appui sur le développement de la sous-traitance en cascade : les Chantiers de l’Atlantique sous-traitent à un grand nombre d’entreprises, entre 600 et 650, sur le site de 130 ha. C’est de toute évidence un moyen facile pour la direction de se défausser de ses propres responsabilités et d’échapper à ses obligations, notamment légales et financières. Le recours à la sous-traitance à une telle échelle entraîne concrètement une confusion des statuts et des corps de métiers : pas moins de quinze conventions collectives sont applicables sur le site. L’essentiel de la main-d’œuvre des entreprises sous-traitantes – de 70 à 80 % des effectifs – est composé de travailleurs précaires (intérimaires, salariés sous CDD, stagiaires, CDI-chantier...). Si le personnel des Chantiers est, quant à lui, couvert par des CDI, il faut signaler une baisse régulière des effectifs puisque l’on ne remplace ni les salariés partant en retraite, ni ceux qui ont bénéficié d’une « préretraite amiante  » (effectif actuel des Chantiers : 4 000). Ainsi, l’activité principale des Chantiers est livrée à la sous-traitance. Il est clair que, pour la direction, en 1998, le recours à cette externalisation des tâches constituait une sorte de laboratoire dont il fallait examiner les bienfaits, à savoir tester les nouvelles formes de domination sociale qu’il permettait : briser le syndicalisme fortement ancré et transformer les comportements par une mise en concurrence des salariés. Atomisation et éclatement du salariat pour empêcher toute solidarité et expression collective, tels étaient les effets recherchés.

Comment s’organiser efficacement dans un tel contexte sur le plan syndical ? Pour faire face à une telle stratégie d’éclatement de la collectivité de travail, il faut dépasser le syndicalisme d’entreprise. Ainsi, en 1998, à la suite d’une réunion entre les syndicats des entreprises sous-traitantes, le syndicat des Chantiers et les syndicats des intérimaires, s’est instaurée sur le site une coordination syndicale qui a elle-même donné naissance à l’union syndicale multi-professionnelle (USM) – CGT. Le mot d’ordre de l’USM-CGT est clair : la conquête d’un statut unique pour tous ceux qui travaillent sur les Chantiers et l’obtention de droits nouveaux.

Cette structure fonctionne en réseau, eu égard à la difficulté d’organiser des salariés précaires et ne relevant pas tous du même employeur. L’USM se donne pour mission principale, d’une part d’informer les travailleurs sur tout ce qui se passe sur le site ainsi que sur leurs droits, d’autre part d’inculquer la notion de revendication et de lutte et d’intervenir collectivement en urgence sur le terrain chaque fois que cela apparaît nécessaire, en cas notamment de situations dangereuses ou d’atteintes aux droits et libertés. Il faut dépasser les rapports classiques salariés-employeurs.

Combien y a-t-il de salariés sur le site ? Depuis le départ du Queen Mary II en décembre 2003, beaucoup d’entreprises sous-traitantes sont parties ou ont disparu. On peut estimer que 7 500 emplois (tous statuts et secteurs confondus) ont été supprimés ; 2 000 suppressions d’emplois sont encore attendues. Tout dépend des commandes. En 2002, il y a eu jusqu’à 14 000 salariés sur le site (entre 8 000 et 9 000 travailleurs intervenant dans le cadre de la sous-traitance). Pour la construction du paquebot, les salariés sont venus de partout, de Marseille, du Havre, de Brest… sans compter les travailleurs étrangers.

Justement parlons-en. Dans quel cadre sont-ils venus ? Ce cadre s’inscrit dans la stratégie globale de la direction des chantiers : après la sous-traitance locale, régionale et nationale, ALSTOM s’est lancé dans la sous-traitance internationale dans le même but, réduire le coût de construction d’un navire et annihiler toute possibilité de lutte. Un épisode qui sera à l’origine de toute une campagne médiatique de dénonciation, doit être ici rappelé. Fin 2001, un syndiqué va intercepter un document hautement confidentiel adressé par les Chantiers de l’Atlantique à plusieurs entreprises sous-traitantes, un document au titre évocateur « montage exotique  » (voir encadré). Il s’agit clairement de les inciter à recruter une main-d’œuvre à faible coût « en provenance de pays à faible coût » (Ukraine, Maroc, Portugal, Émirats arabes…). La direction des Chantiers invite ces mêmes entreprises à une réunion pour les accompagner dans cette démarche.

Aussitôt, l’USM dénonce publiquement cette note interne et le montage qu’elle préconise en insistant sur la volonté d’ALSTOM de développer la précarité et l’esclavage moderne en se servant une fois de plus du paravent de la sous-traitance, et de mettre en opposition des salariés soumis à des conditions de travail et de rémunération très différentes. Pour se justifier, la direction invoque ses difficultés à trouver une main-d’œuvre locale et exhibe les offres d’emplois de l’ANPE qui n’ont pas été satisfaites. Et pour cause : dans ces offres, il est demandé, pour travailler sur le site, des soudeurs parlant anglais ou allemand ! Il est clair que l’ANPE a été de connivence avec la direction des Chantiers. C’est révélateur plus largement du comportement des pouvoirs publics qui ont voulu étouffer l’affaire. La CGT a alors été accusée, y compris par la CFDT, de vouloir couler les Chantiers en réclamant l’égalité de traitement.

Avant 2001, les Chantiers de l’Atlantique n’avaient jamais eu recours à cette sous-traitance internationale ? Si. En 1999, des Italiens, des Croates et des Portugais sont venus en petit nombre dans le cadre de « cap 21  » et de la libre prestation de services. Les entreprises, qui les recrutent hors de France, sont parfois françaises et n’ont dans les pays d’origine que des boîtes postales. Dans d’autres hypothèses, les entreprises passent par leurs filiales étrangères pour opérer les embauches. Déjà en 1999, l’USM-CGT s’est préoccupée du sort de ces travailleurs, tout d’abord en les informant par des tracts en italien et en portugais de leurs droits, puis en s’intéressant à leurs conditions réelles de vie et d’hébergement. C’est ainsi qu’à l’époque, on est arrivé à établir que les travailleurs portugais, qui, soit dit en passant, effectuaient 55 heures de travail par semaine, étaient logés dans un gîte en pleine campagne, dormaient à même le sol sur un matelas et ne disposaient pas d’eau chaude. Une semaine après ce constat, l’entreprise sous-traitante pliait bagage et partait avec ses salariés dans la pétrochimie.

Avec la construction du Queen Mary, le phénomène s’est-il amplifié ? Les conditions de travail sont-elles encore plus mauvaises, compte tenu des impératifs de ce chantier ? En 2001, sont arrivés en nombre important des Indiens, des Croates, des Slovènes, des Hongrois, des Roumains, des Polonais, des Grecs. A l’USM, on tente alors de mieux s’organiser et de suivre au plus près les conditions de vie et de travail réservées à ces travailleurs, dès l’embauche et du début à la fin de la journée de travail. Très vite, on relève des situations inacceptables au regard des exigences du code du travail : absence de vestiaires, absence de visite médicale, aucun aménagement pour prendre son déjeuner, dépassement des durées maximales de travail… Les salariés sont « serrés  » de près : on les amène au travail puis on les reconduit dans les lieux d’hébergement parfois éloignés de la ville. On ne leur permet pas d’avoir des contacts à l’extérieur, voire on le leur interdit. C’est le cas pour les travailleurs croates. Ceux qui ont osé désobéir ont été virés. Ces mêmes salariés croates, transportés par fourgon, étaient logés dans une colonie et dormaient à 6 ou 8 par chambre dans des lits superposés. Les Indiens étaient mieux lotis sur ce plan là, comme sur celui de l’horaire de travail puisque c’était les seuls sur le site à faire 35 heures.

Et pourtant ce sont les premiers à s’être battus et à avoir fait grève, non ? Les 35 heures c’était pour cacher le reste. Les salariés indiens, recrutés à Bombay et au Kerala par une entreprise indienne appartenant à un groupe en lien avec ALSTOM, avaient très peur au départ de nous parler. Finalement nous avons pu les rencontrer, mais à l’extérieur. Nous avons alors découvert que leurs passeports avaient été confisqués par la société faisant office d’employeur, que, dans les deux contrats de travail établis pour chaque salarié (un Indien et un Français), figurait une clause prévoyant le retour en Inde en cas d’indiscipline, et que, sur leurs fiches de paie apparaissaient des cotisations au titre de l’assurance maladie… sans qu’ils aient droit à un quelconque remboursement de soins ou de médicaments. Mais il y a « la cerise sur le gâteau  » : en bas du bulletin de salaire, était mentionnée une retenue (450 à 500 €) censée correspondre à un acompte déjà versé. Il n’en était rien : cette somme abandonnée par les salariés visait à rembourser tous les frais « engagés pour eux  » (nourriture, transports, hébergement…). Au bout du compte, il ne leur restait que 300 € de salaire pour le mois ! Il faut par ailleurs savoir que ces travailleurs, alors même qu’ils étaient qualifiés pour avoir participé à de multiples chantiers, notamment dans le golfe persique, avaient été recrutés au coefficient le plus bas de la convention collective, celui qui est donné au jeune tout juste sorti de l’école.

Un embryon de coordination entre les différents groupes d’hébergement s’est alors mis en place et, après quatre mois de préparation, les salariés indiens se sont mis en grève (février 2003), manifestant et élaborant une plateforme revendicative. Finalement, l’action a été un succès : les passeports ont vite été restitués et les fameux « acomptes  » remboursés. Toutefois, il y a eu blocage sur les classifications conventionnelles. Avec l’aval de la CFDT, l’employeur a accepté de revoir les coefficients mais seulement pour le personnel d’encadrement. On a assisté, dans le même temps, à un phénomène important de syndicalisation : sur 230 Indiens présents sur le site en juin 2003, 180 se sont syndiqués à la CGT, avec la volonté de s’investir. L’un d’entre eux est devenu délégué quelques semaines plus tard.

On sait que les Roumains se sont aussi battus pour dénoncer leurs conditions de travail… Ce ne sont pas les seuls. Au moment de la lutte des travailleurs indiens, les Roumains ont, en effet, débrayé deux heures sur leur lieu de travail parce qu’ils n’avaient plus rien à manger. Leur employeur avait supprimé leur indemnité de repas. Deux salariés, parmi les grévistes, ont été immédiatement reconduits en Roumanie. Mais on sentait bien que les gens commençaient à braver la peur et qu’ils étaient prêts à se battre. Les Grecs, privés de salaire depuis six mois et ne percevant que des acomptes, sont aussi entrés dans la lutte. A l’USM-CGT, on a alors tenté une action devant la formation de référés du Conseil de prud’hommes en réclamant le versement des salaires. Cela a été un échec, le juge se déclarant incompétent au motif que l’entreprise est internationale et qu’il y a matière à contestation sur le paiement des rémunérations…

En fait, en y regardant de près, on sait bien que toutes les entreprises – dites employeurs – sont liées, et que, derrière, il y a toujours les Chantiers. Pour nous, il y a un vide juridique face à la sous-traitance nationale et internationale tenant à la responsabilité financière du donneur d’ordre. En tout cas, cette action a été médiatisée et la pression s’est révélée très forte, au point que les Chantiers se sont substitués à l’employeur et ont payé aux salariés 41 % des sommes dues. Ils ont cependant refusé de payer davantage… L’entreprise grecque a fermé ses portes à la suite d’une liquidation judiciaire et les vingt cinq salariés grecs ont décidé de rentrer dans leur pays d’origine.

Entre-temps, la centaine de travailleurs roumains, alors même que les plus combatifs recevaient des menaces de mort de la part de leurs employeurs, préparaient la lutte. Payés entre 3 à 4 € de l’heure, donc bien en deçà des minima conventionnels, ils étaient même privés de ce salaire depuis juin 2003. Ils vont donc réclamer, outre la restitution de ces sommes, le remboursement des 600 € qu’ils ont versés pour venir travailler en France. Ce fut une lutte très forte avec blocage des accès au site grâce à l’appui des militants CGT. Finalement, pression médiatique oblige, les travailleurs ont été convoqués dans un hôtel où on leur a remis une enveloppe contre signature d’un solde de tout compte, un camion de la Brink’s ayant livré de l’argent frais. L’USM-CGT a fait arrêter cette mascarade et les travailleurs roumains ont fini par récupérer une partie de leur salaire. La direction des chantiers, ayant à faire face à plusieurs mouvements, a choisi, pour briser la grève – elle fera usage du même procédé à plusieurs reprises – de dénoncer les contrats commerciaux la liant aux entreprises sous-traitantes concernées. Du coup, les salariés n’avaient plus aucune légitimité à être sur les chantiers.

A leur tour, les travailleurs polonais, aux contrats de travail des plus farfelus, se sont mis en grève une journée ; certains ont été renvoyés en Pologne. On assiste comme ça à un drôle de jeu : changement d’employeurs pour conserver certains travailleurs à la suite de la dénonciation des contrats de sous-traitance, puis menace ou renvoi effectif dans les pays d’origine soit des salariés les plus remuants, soit de l’ensemble des personnes partageant la même nationalité.

Que faut-il retenir de ces luttes ?

La lutte de ces travailleurs étrangers a montré que l’on pouvait être dans la précarité et se battre quand même. La direction ne s’y attendait pas : elle croyait à une grande docilité de leur part. Dans l’ensemble, les salariés français ont eu beaucoup de respect pour leur combat. On peut dire la même chose de la population en général, attentive et ne faisant preuve d’aucune agressivité.

Pour les Chantiers, le recours à la sous-traitance et à l’intérim est devenu un mode de fonctionnement, mais de là à s’imaginer que ce sont ces travailleurs, ne maîtrisant ni la langue française ni le droit français, qui allaient révéler toutes ces pratiques illégales et ainsi égratigner l’image de marque de l’entreprise… Outre cette leçon, la lutte a permis de révéler la réalité des chantiers : Saint-Nazaire est précurseur de ce qui se prépare à l’OMC, et plus précisément dans le fameux « mode 4  » de l’Accord général sur le commerce des services (voir dans ce numéro, art. p. 33), à savoir déplacer une main-d’œuvre au statut précaire tant au regard du droit au séjour que des droits sociaux sous couvert de la libre prestation de service pour effectuer des travaux à moindre coût. Ce qui est illégal aujourd’hui deviendra parfaitement légal demain. A cet égard, l’élargissement de l’Union européenne va développer ces pratiques patronales dans d’autres secteurs d’activité. Les objectifs du patronat sont toujours les mêmes : bénéficier d’une main-d’œuvre à bon marché et d’une grande flexibilité que l’on met en concurrence avec les travailleurs locaux. C’est le phénomène de la « délocalisation sur place  » qui est à l’œuvre. De façon générale sur le site, les salariés étrangers ont effectué entre 240 et 250 heures par mois et ont été payés environ 1 000 €. Ce sont des conditions salariales sans rapport avec les conventions collectives. Enfin, ces luttes ont mis en échec la stratégie des Chantiers et mis en évidence un manque dans la législation française empêchant de responsabiliser, en cas de sous-traitance à l’échelle internationale, les donneurs d’ordre. Il faut insérer dans les contrats commerciaux une « clause de sauvegarde » obligeant les donneurs d’ordre à prendre en charge les obligations des employeurs sous-traitants en cas de défaillance. Lutter contre le dumping social, c’est défendre l’idée de l’égalité de traitement et accorder aux travailleurs la protection offerte par le code du travail français dans toutes ses dimensions (salaire, conditions de travail, santé et sécurité en milieu de travail…). C’est aussi accorder des droits nouveaux qui protègent tous les salariés, quelle que soit la nationalité.

Objet : Montage exotique



Saint-Nazaire

le 25 octobre 2001

Monsieur,

Comme vous le savez, notre politique de réduction des coûts nous pousse en permanence à trouver des axes de progrès.

Un de ces axes se nomme « Montage exotique », c’est-à-dire apport de main-d’œuvre en provenance de pays à faible coût.

Nous avons identifié quelques pays « Maroc, Ukraine, Portugal, Émirats Arabes, etc. » qui ont la possibilité de fournir une main-d’oeuvre qualifiée utilisable par les co-réalisateurs : verriers, serruriers, soudeurs inox ou alu, ...

Pour poursuivre sérieusement notre étude et définir l’aide que nous souhaitons vous apporter, nous vous demandons de répondre aux questions suivantes :

1. Pour quels métiers souhaitez-vous faire appel à la main-d’œuvre étrangère ?

2. Quel effectif vous serait nécessaire, sur quelle période, sur quel navire (sur G32, par exemple) ?

3. Quel type de contrat peut-on envisager ?

4. A partir de quel taux horaire ou journalier cette action est-elle intéressante ?

Ce questionnaire n’a pas d’autre but que de définir le besoin.

Merci de nous répondre avant le 7 novembre au plus tard.

Votre présence est requise pour une discussion commune CAT-co-réalisateurs programmée le 14 novembre 2001 en nos locaux.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

Quel a été le rôle de l’OMI, de l’inspection du travail et plus largement des pouvoirs publics ? Les salariés venant de pays hors Union européenne sont entrés dans le cadre de contrats OMI. Sur les contrats, en particulier des Indiens et des Roumains, le taux horaire indiqué était le SMIC. En réalité, et comme on l’a vu, ces travailleurs ont été payés en dessous de ce seuil légal, ce que l’administration savait parfaitement.

Au moment du « montage exotique  », les Chantiers, pour se justifier, ont dit publiquement que les salariés français coûtaient trop cher. L’inspection du travail, de son côté, n’a pas pu faire grand chose. Manque de moyens, de personnel, mais aussi sans doute blocage de la hiérarchie car les inspecteurs avaient les dossiers en mains. A Saint-Nazaire, tout le monde est à la botte d’ALSTOM, y compris certaines organisations syndicales. Il faudra attendre le durcissement de la grève et le départ de l’ancien sous-préfet pour que les autorités locales interviennent. Ainsi, à la suite de la rupture du contrat commercial, lorsque les Indiens se sont retrouvés complètement démunis, le nouveau sous-préfet a contribué à ce qu’ils ne soient pas expulsés de leur logement, et le Secours populaire a assuré la nourriture. La mairie a fini par prendre en charge le transport de ces travailleurs de leur lieu d’hébergement jusqu’aux chantiers pour qu’ils puissent continuer leur mouvement. C’est l’importance des luttes et leur forte médiatisation, sans oublier la volonté de soigner l’image de marque des Chantiers, qui ont conduit les pouvoirs publics à réagir enfin.

Que sont devenus ces travailleurs étrangers ?

Ils sont généralement repartis à l’issue du contrat, parfois avant comme on l’a vu en cas de riposte patronale à leurs revendications et protestations. Chez certaines nationalités, le turn over était important – séjour inférieur à trois mois sans considération de la durée du chantier – de façon à ne pas permettre à ces salariés de nouer des contacts. ;



Article extrait du n°61

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Dernier ajout : vendredi 25 avril 2014, 13:42
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