François Bonjour nous a quittés il y a quelques semaines. Si cet éditorial lui est consacré, c’est que le Gisti lui doit beaucoup et que, sans lui, Plein droit n’existerait probablement pas. Nous avons donc eu envie de revenir sur la naissance de la revue du Gisti et, ce faisant, de saluer la mémoire de François. Plein droit est né d’une réflexion collective et d’un désir partagé, celui de sortir d’une approche strictement juridique des questions liées à l’immigration et à l’asile, et d’offrir une analyse pluridisciplinaire des phénomènes que nous avions à connaître dans le cadre de nos activités quotidiennes d’information et de conseil. Avoir l’envie était une chose, la réalisation d’une belle revue en était une autre. Nous la devons à François.
Après la parution, en mars 1987, du numéro 0 intitulé « Libertés : le nouvel ordre “libéral” » et édité en collaboration avec Justice, du Syndicat de la magistrature, Hommes et Libertés, de la Ligue des droits de l’homme, et Actes, il a fallu songer à une maquette. Plein droit, ce n’était pas seulement une ouverture vers d’autres disciplines, d’autres regards, c’était surtout, sur le plan de la forme, oublier l’artisanat de nos brochures austères et proposer une revue aérée, si possible attrayante, avec tout ce qui accompagne généralement ce type de publication. Autant dire une révolution pour ceux qui ont connu le Gisti dans ces années-là. Et pourtant cette « révolution » a eu lieu en douceur grâce à François. Il a su composer avec nos moyens tant matériels qu’humains de l’époque, sans extravagance et avec modération, pour donner à Plein droit un « look » moderne, pour créer une revue différente de nos publications d’alors, mais dans laquelle nous pouvions toujours nous reconnaître. Après ce coup d’essai, François sera, pendant plus de dix ans, le principal maître d’œuvre de chaque numéro, mettant ainsi ses compétences professionnelles au service du Gisti.
Plein droit a commencé alors sa vie, et le cérémonial de l’éternel chantier trimestriel s’est perpétré, avec ses doses de peur, de fatigue, de découragement et d’énervement. Seul François gardait son calme face à l’ordinateur, de façon étonnante et pendant de longues heures volées à la soirée et souvent à la nuit. Toujours disponible lorsque les mots venaient éclater les cadres de la mise en page, lorsque des titres rebelles devaient trouver leur place et que nous voulions comprendre le fonctionnement de « pagemaker », François se transformait alors d’un coup en formateur extraordinairement patient. Car il ne se bornait pas à donner du temps pour confectionner Plein droit, il voulait transmettre ses compétences et son savoir-faire.
Nous pensons aujourd’hui à lui.
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