Les ratés de la circulaire Taubira
Cinq mois après son arrivée en France un mineur du Bangladesh toujours à la rue
Depuis mai 2013, une circulaire de la Garde des sceaux permet aux autorités judiciaires en charge de la protection de l’enfance de confier, au gré des places disponibles, les mineurs isolés étrangers à un autre département que celui où ils ont été repérés.
Les ratés sont nombreux et, chaque jour, des mineurs en font cruellement les frais.
Dernier exemple en date, Mahfuzur, un jeune bangladais de seize ans, vient de saisir aujourd’hui le tribunal administratif de Rouen d’un référé-liberté contre le président du conseil général de Seine-Maritime.
Arrivé en France le 17 mai 2014, il s’est signalé dès le 23 mai auprès de la « permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers » (PAOMIE), créée par le département de Paris et confiée à France terre d’asile (FTDA).
Le 11 juin, à l’issue d’une « évaluation » (sur ce point voir PAOMIE, une moulinette parisienne pour enfants étrangers), la PAOMIE lui a signifié un refus oral en estimant que son attitude était incompatible avec l’âge qu’il déclarait et qui figurait sur ses documents d’état civil.
Saisie le 16 juin, une juge des enfants de Paris, après avoir ordonné une expertise osseuse et documentaire, a infirmé ce refus et, par une décision du 1er septembre, confié le jeune à l’aide sociale à l’enfance (ASE) de Seine-Maritime.
Ni le département de Seine-Maritime, ni celui de Paris, ni la Cellule nationale d’orientation du ministère de la justice ne se sont souciés de permettre à Mahfuzur de bénéficier de la prise en charge ordonnée par le tribunal. A ce jour, le jeune attend toujours son transfert vers la Seine-Maritime et sa prise en charge par l’ASE.
Une mission d’évaluation du « dispositif Taubira » devait rendre analyse et propositions d’amélioration au gouvernement avant le 14 avril 2014. Si ces propositions existent, elles n’ont pas été rendues publiques et encore moins mises en œuvre.
Mahfuzur, seize ans, vit et dort dans la rue depuis près de cinq mois.
Mise à jour au 17 oct. 2014 : Par une décision en date du 13 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a constaté que l’ASE de Seine Maritime avait adressé une convocation au jeune Mahfuzur pour qu’il se présente dans ses services le 15 octobre 2014 afin d’y être pris en charge. Cette convocation produite fort opportunément le jour de l’audience à éviter au président du conseil général, sous l’autorité duquel est placée l’ASE, d’avoir à répondre d’une « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » en refusant de protéger un mineur qui lui avait été confié par le juge des enfants. Le tribunal n’a malheureusement pas relevé que cette convocation impliquait concrètement que ce jeune qui vit à la rue depuis cinq mois, sans ressource et qui ne dispose que de quelques mots d’anglais pour se faire comprendre, devait se rendre par ses propres moyens de Paris à Dieppe, ce qu’il n’aurait jamais pu faire sans l’aide de l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés). Jusqu’au bout cette affaire aura démontré l’immense décalage qu’il existe entre le système de répartition prévue par la circulaire du Garde des sceaux du 31 mai 2013, et la réalité vécue par les mineurs isolés étrangers. |
Documents joints :
-
Référé liberté, TA Rouen (PDF - 570.9 ko)
-
Ordonnance TA Rouen (PDF - 1.5 Mo)
Voir notre dossier « Les mineur·es isolé·es étrangers et étrangères (MIE) »
Partager cette page ?