Article extrait du Plein droit n° 34, avril 1997
« Zéro or not zéro ? »

A propos du projet de loi Debré : Morceaux d’anthologie

Danièle Lochak

Professeur de droit, présidente du Gisti
A côté des nombreux amendements musclés votés par les parlementaires de la majorité lors de la discussion du projet de loi Debré, et qui ont permis de réintroduire des dispositions fort bienvenues aux yeux de certains, d’autres amendements, non votés mais parfois âprement discutés, méritent une attention particulière. Ils sont en effet révélateurs des fantasmes qui surgissent dès qu’on parle d’immigration.

Le projet de loi Debré est ressorti du Parlement plus musclé encore qu’il n’y était entré. Mais il ne faut pas s’y tromper : la plupart des amendements votés par les parlementaires de la majorité ont simplement consisté à réintroduire dans le texte des dispositions qui figuraient dans l’avant-projet du même Debré de mars 1996, et qu’il avait jugé préférable de ne pas reprendre dans le projet déposé huit mois plus tard, sans doute pour qu’il soit plus « présentable ». Il n’est donc pas étonnant que lesdits amendements aient été presque tous votés avec la bénédiction du ministre de l’Intérieur.

Mais en dehors des amendements adoptés, il y a aussi la masse des amendements proposés qui, s’ils ont été rejetés, n’en méritent pas moins d’être tirés de l’obscurité des colonnes du Journal Officiel où ils resteront consignés pour l’éternité. Au-delà du sottisier qu’ils permettent de constituer (sur le mode du « mieux vaut en rire,de peur d’avoir à en pleurer »), ils sont en effet révélateurs des fantasmes qui surgissent dès qu’on parle d’immigration.

Ni-nisme et « juste milieu »

Cela dit, il ne faut pas être dupe : car cet « extrémisme » des membres de sa propre majorité a bien servi le gouvernement, en faisant apparaître le texte proposé par lui comme mesuré et équilibré. Lors du débat à l’Assemblée, notamment en seconde lecture, l’auteur du projet ne s’est pas fait faute d’exploiter à fond l’idée qu’étant à égale distance des extrêmes, il avait forcément raison.

Le discours ministériel a ainsi offert l’illustration la plus parfaite, à la limite de la caricature, du « ni-nisme » jadis décrit par Roland Barthes dans Mythologies (1). Ce procédé rhétorique, fondé sur une « mécanique de la double exclusion », consiste à faire le compte avec une balance dont on charge les plateaux à volonté, de façon à pouvoir apparaître soi-même comme un arbitre impondérable et juste, à l’image du fléau qui juge la pesée.

Qu’on en juge plutôt : « L’économie générale du texte tient en équation simple : oui à l’immigration régulière, non à l’immigration irrégulière. Les dispositions qu’il contient ne font que tirer les conséquences pratiques de cette affirmation, avec pragmatisme et sans dogmatisme, avec mesure et sans excès, avec fermeté et sans inhumanité, en un mot, avec le souci de l’équilibre qui nous distingue, qui distingue la majorité des extrémistes de tous bords ».

Et un peu plus loin : « Le débat semble se résumer à une opposition irréductible entre les partisans d’une France repliée sur elle-même, refusant le principe même de toute immigration, et les tenants d’une France ouverte à tout, acceptant sans réserve tous les immigrants. Nous récusons les termes mêmes de cette alternative […]. Notre attitude est la seule responsable […]. Je vous demande donc de souscrire à un texte équilibré […]. D’un côté des pétitions qui fleurissent, d’autant plus nourries que les problèmes concrets sont largement méconnus. De l’autre des discours truffés de références à l’inégalité des races et le rêve d’une France ethnique si contraire à l’âme même de notre nation ». Ou encore : « Préserver notre identité, c’est à la fois rejeter un laxisme irresponsable et refuser la chimère d’un rigorisme ignorant les considérations humaines. Telle est, en définitive, la voie choisie par le gouvernement » (2).

Le ni-nisme, comme l’ont montré Pierre Bourdieu et Luc Boltanski (3), est une des figures privilégiées de la rhétorique politique qui aime à cultiver l’idée du juste milieu. Le procédé qui consiste à poser deux contraires et à les balancer l’un par l’autre de façon à les rejeter tous les deux en transformant les alternatives en dilemmes, est d’usage commode pour imposer la légitimité d’un choix ou accréditer le bien-fondé d’une politique.

Une constitution, pour quoi faire ?

Mais le milieu n’étant jamais que la double négation des extrêmes, il est facile de produire une fausse symétrie et de dégager une position centrale en manipulant les extrêmes : on engendre ainsi une position moyenne, médiane, modérée, parée de toutes les vertus.

En l’occurrence, il y a bien eu manipulation des extrêmes. Car le ministre a pris soin de ne pas prendre pour cible les extrémistes de sa propre majorité, en faisant semblant que les seuls vrais extrémistes étaient d’un côté les pétitionnaires irresponsables soutenus par une partie des députés de gauche présents dans l’hémicycle, de l’autre les tenants du Front national et non les parlementaires du RPR qui défendent des thèses étrangement ressemblantes.

On trouve par exemple, chez ces parlementaires investis du pouvoir de faire la loi, une conception bien particulière de l’État de droit. Ainsi ne peuvent-ils s’empêcher de déplorer les contraintes imposées par le respect des principes constitutionnels, dont ils voudraient bien s’affranchir. Et ils le disent sans vergogne de façon presque candide :

« Votre texte reste contraint de respecter le sacro-saint domicile. Il faudra absolument, dans une étape ultérieure, s’il n’est pas possible de l’envisager dans le projet de loi que vous nous présentez, que le contrôle de locaux d’habitation soit facilité », dit l’un (4).

« Certains parlementaires, et j’en suis, ont été les auteurs de propositions de loi. Malheureusement, la plupart d’entre elles ont été, selon nos groupes politiques respectifs, et à juste titre, considérés comme contraires à des principes à valeur constitutionnelle » avoue son collègue, qui poursuit néanmoins : « Aujourd’hui, et il est inutile de se le cacher, nous savons que si nous voulons ralentir ou maîtriser l’arrivée d’étrangers en France, il faut supprimer les avantages sociaux qui leur sont accordés sur le territoire national » (5).

Un autre encore suggère de supprimer toute possibilité de délivrer un titre de séjour en dehors des hypothèses prévues par les textes, autrement dit de supprimer le pouvoir discrétionnaire des préfets, qui constitue « un appel à l’immigration irrégulière ». « Dans la mesure même où la loi que nous allons voter est parfaitement rigoureuse, cohérente, il convient de remettre chaque chose à sa place. Il y a la légalité, il y a l’arbitraire, entre les deux – on le sait depuis Aristote – il y a l’équité. Je ne pense pas que l’équité soit la vertu de l’autorité administrative » (6).

On ne saurait mieux dire ! Et pourtant, le même jour, dans la même enceinte, à quelques heures d’intervalle, les députés et le ministre vont se livrer à un exercice étonnant d’hypocrisie et d’étalage de bonne-mauvaise conscience sur le thème : l’administration est humaine, forcément humaine. L’échange auquel donne lieu la discussion d’un amendement proposé par Julien Dray qui consiste à ajouter à la liste des bénéficiaires de plein droit d’une carte de séjour temporaire « l’étranger gravement malade et ayant entrepris en France un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d’origine » mériterait d’être encadré.

Jean-Louis Debré : « L’amendement de M. Dray est totalement inutile, car il correspond à la pratique administrative. D’ailleurs, le renvoi des malades graves dans des pays sans structures médicales est impossible, comme le Conseil d’État l’a souligné à maintes reprises ».

Joli sophisme, qui repose sur une confusion entre impossibilité juridique et impossibilité matérielle, et qui laisse entendre que ce qui est interdit par le Conseil d’État c’est-à-dire illégal et donc juridiquement impossible, ne se produirait jamais dans les faits (on se demande au demeurant comment le Conseil d’État aurait pu dire que c’est interdit s’il ne s’était pas trouvé face à une situation de ce type).

Mensonges et bonne conscience

Et pourtant, les députés se laissent prendre à ce grossier sophisme. Ou font semblant. Écoutons Jean-Pïerre Philibert exposer ses problèmes de conscience : « Nous estimons tous qu’il serait insupportable de permettre des reconduites à la frontière qui équivaudraient à des arrêts de mort. Cependant, Monsieur le ministre nous a donné la garantie qu’il n’en était jamais ainsi… [et bien sûr, la parole du ministre est parole d’Évangile]. Sincèrement, je suis gêné de ne pouvoir voter des amendements de cette nature et je suis persuadé que tous nos collègues ont le même sentiment humanitaire. En fonction des éléments que vous a donnés Monsieur le ministre, Monsieur Dray, ne pourriez-vous retirer cet amendement ? Nous en partageons tous la philosophie et l’esprit, mais je crains qu’un vote le concernant ne fasse apparaître ceux qui se prononceraient contre pour des raisons techniques que j’ai évoquées, comme refusant aux intéressés le droit à la vie ou à la survie, seuls ceux l’approuvant semblant le défendre. Cela serait particulièrement choquant et j’en appelle à votre sens des responsabilités pour vous demander, au vu de la réponse du ministre, de bien vouloir le retirer ».

Comme ce chantage au sens des responsabilités ne fait pas céder l’intéressé qui maintient son amendement, le ministre reprend la parole : « je peux vous assurer que les cas de personnes souffrant d’une pathologie grave ont toujours fait l’objet d’un examen attentif par les services du ministère de l’Intérieur. Nous prenons en compte deux critères essentiels dont le premier est le plus important : il faut que le pronostic vital fait par les médecins soit en cause [ce qui veut dire que le sentiment d’humanité ne reprend le dessus qu’à partir du moment où l’étranger est mourant…]. En ce cas, il est hors de question d’expulser l’individu concerné. Ensuite, nous vérifions qu’il n’y a pas, dans le pays où serait renvoyé l’individu, des structures sanitaires et sociales permettant la poursuite du traitement. S’il n’en existe pas, nous n’y réexpédions pas l’individu en question. Par conséquent, je souhaite que l’Assemblée rejette cet amendement parce qu’il n’est pas un seul cas dans lequel nous ayons enfreint ces deux critères ».

Après l’hypocrisie, le mensonge : le fait que des arrêtés d’expulsion ou de reconduite à la frontière continuent non seulement à être prononcés mais aussi exécutés à l’encontre de personnes séropositives ou malades du sida n’est pas, que l’on sache, une invention d’Act-up…

Le mot de la fin, avant le vote, reviendra à Gérard Léonard, qui va pousser le sophisme jusqu’à ses ultimes conséquences en expliquant à ses collègues les raisons pour lesquelles il faut rejeter l’amendement proposé : « son adoption laisserait entendre que de telles situations pourraient se produire dans notre pays puisque nous voulons les interdire. Or tel n’est pas le cas, car cela serait indigne et contraire à notre philosophie. Ce texte non seulement n’apporterait rien, mais il laisserait penser que de telles pratiques seraient possibles. Par conséquent, j’invite tous mes collègues à voter contre ».

A ce compte-là, on se demande pourquoi le législateur a décidé d’inscrire dans l’ordonnance de 1945, en 1993, qu’un étranger ne pouvait être reconduit vers un pays où il risquerait d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, officialisant ainsi la jurisprudence du Conseil d’État, ou pourquoi on a tenu à y dire qu’un mineur ne pourrait jamais faire l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire.

Plus d’humanité, ou plus de répression ?

Mais justement, cette dernière interdiction ne doit-elle pas elle-même être remise en cause, au nom, toujours, de l’humanité ? Si la famille est expulsée, et si aucune autre personne résidant régulièrement en France n’est susceptible de subvenir à ses besoins, n’est-il pas plus humain de faire repartir le mineur avec sa famille ? Plus humain, mais aussi plus efficace pour lutter contre l’immigration irrégulière et éviter qu’on n’utilise la présence d’enfants pour se soustraire à un éloignement.

En effet, « les parents étrangers en situation irrégulière profitent de fait du statut protecteur accordé à leur enfant pour se maintenir sur le territoire. Cet amendement tend à [éviter] l’éclatement de la famille tout en luttant contre l’immigration clandestine qui prenait l’enfant comme instrument », explique Jean-Marie André (8). Michel Caldaguès au Sénat tient le même discours : « Il n’est pas très heureux que des parents se servent du statut de leurs enfants pour empêcher l’exécution d’une décision sanctionnant une infraction au statut des étrangers ; mais il est en outre plus que regrettable de séparer les enfants de leurs parents » (9).

Pourquoi d’ailleurs s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas permettre de prononcer une interdiction du territoire à l’encontre d’un mineur délinquant si sa famille ou une institution éducative et sociale peut l’accueillir dans son pays d’origine ? « Cela permettrait de résoudre le problème des jeunes délinquants étrangers en France » (10).

Fantasmes et obsessions

Est-il nécessaire de rappeler que la présence d’enfants, même nés en France, ne permet ni en droit ni en fait d’obtenir un titre de séjour et ne protège – hélas – que très exceptionnellement contre l’éloignement du territoire ? Pourtant, l’idée que la procréation serait utilisée comme un moyen de se maintenir en France revient de façon obsessionnelle dans le discours de nos parlementaires. « L’article 4 est un article d’amnistie permanente pour les étrangers en situation irrégulière, s’exclame Jean-Marie André. C’est le cas de ceux qui ont donné naissance à leur enfant sur le sol français dans la plus totale irrégularité, et qui seraient régularisés d’office [c’est évidemment faux, le projet prévoit seulement de régulariser les parents d’enfants français, et la naissance en France ne confère pas, on le sait bien, la nationalité française, et moins encore après la loi Méhaignerie de 1993 qu’avant]. Cet article est, certes, confortable pour la procédure, mais dangereux pour l’avenir de la nation. Il convient donc de le supprimer. Sinon les étrangers en situation irrégulière seront enclins à utiliser la procréation pour régulariser leur situation. L’enfant serait alors utilisé comme alibi » (11).

Mais il y a bien d’autres manœuvres qu’il convient de déjouer. Il conviendrait ainsi de prévoir le retrait de son titre de séjour à l’étranger dont le mariage a été dissous par divorce dans un délai de quatre ans à compter de sa célébration, explique Mme Sauvaigo, qui expose à ses collègues « comment fonctionne la fraude en matière de mariage » : « bien souvent, on épouse pour un an ou deux, puis on divorce… Nous savons bien que certains étrangers ont fait entrer leurs quatre épouses en France en divorçant immédiatement après chaque mariage » (12).

Il faudrait également, selon Jean-Marie André, supprimer l’affiliation à l’assurance maladie des détenus en situation irrégulière car, dans la situation actuelle, l’étranger en situation irrégulière n’a pas droit aux prestations de la sécurité sociale tant qu’il est en liberté mais s’il est incarcéré « il bénéficie d’emblée d’une carte d’assuré social, pour lui et sa famille [c’est faux, sa famille n’est pas couverte]. Il convient de mettre un terme à ce régime dérogatoire paradoxal… En cas de maladie, le clandestin a intérêt à provoquer son incarcération pour jouir de tous les avantages sociaux pour lui et sa famille » (13).

Il y a l’obsession de la fraude. Il y a aussi le fantasme de la France envahie, défigurée, menacée de perdre son identité. « Osons avancer une hypothèse : si 10 % des 500 millions de jeunes Africains que l’Afrique comptera en 2025 venaient tenter leur chance en Europe chaque année, ce sont entre 30 et 50 millions de jeunes Africains qui arriveraient, soit la population d’un pays comme l’Espagne, c’est dire l’ampleur du problème que nous avons à gérer » (14).

La France éternelle en danger

L’angoisse avive l’éloquence de nos parlementaires et nous vaut un déluge de propos plus ou moins inspirés. « Il n’y a aucun motif valable pour contester à nos concitoyens le droit d’avoir des idées sur le mode de peuplement de leur pays… Le respect de la personne humaine est sacré, mais il ne faut pas oublier que la France aussi est une personne, avec son identité, avec sa culture et qu’elle a donc également droit au respect [sic] » (15).

« Que souhaitent la majorité des Français, qu’attendent-ils de nous ? Je parle de la majorité des Français et non de quelques groupuscules qui, par une habile déformation des mots « racisme » et « intolérance » tentent de s’imposer à cette majorité et y sont jusqu’à présent parvenus parce qu’ils bénéficient de la faveur et de la complicité de 80 % des médias. […] L’identité française […] repose essentiellement sur les valeurs judéo-chrétiennes. Elle remonte à Clovis et non pas à Valmy. […] Vous devez considérer ce qui, je l’espère, est ici évident pour tous : l’intérêt prioritaire de la France et des Français, qui, accessoirement, sont nos électeurs » (16).

Dans la foulée, Jean-Marie André et Pierre Bernard proposent tout simplement de revenir, en matière de nationalité, au droit du sang exclusif : « Est français l’enfant né de deux parents français. Est également français l’enfant né en France dont l’un des parents est français ». Les autres ne pourront devenir français que par naturalisation : encore celle-ci ne prendra-t-elle effet qu’après que l’intéressé aura prêté serment de fidélité et d’allégeance à la France et renoncé, s’il y a lieu, à son autre nationalité.

C’est exactement le programme du Front national.


Notes

(1) Rééd. Points, p. 144.

(2) Ass. Nat., 2è séance du mardi 25 février 1997.

(3) « La production de l’idéologie dominante », Actes de la recherche en sciences sociales, juin 1976, p. 46 et s.

(4) Georges Mothron, 17 décembre 96, JO p. 8498

(5) Charles Cova, ibid., p. 8572.

(6) Christian Vanneste, 19 décembre 1996, JO p. 8623.

(7) Séance du 19 décembre 1996, JO pp. 8648-8650.

(8) ibid. p. 8659

(9) Sénat, séance du 6 février 1997, JO p. 756.

(10) Jean-Marie André, Ass. Nat., séance du 19 décembre 1996, JO p. 8658.

(11) ibid., p. 8625.

(12) ibid. p. 8642-43.

(13) ibid. p. 8682.

(14) Daniel Colin, Ass. Nat., séance du 17 décembre 1996, JO p. 8449.

(15) Michel Caldaguès, Sénat, séance du 4 février 1997.

(16) Pierre Bernard, Ass. Nat., séance du 17 décembre 1996, JO p. 8450-52.



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Dernier ajout : vendredi 21 mars 2014, 23:29
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