Article extrait du Plein droit n° 13, mars 1991
« Des visas aux frontières »

Visas sortie-retour : preuves de l’illégalité

En même temps qu’il rétablissait, en septembre 1986, la formalité du visa consulaire pour les étrangers qui souhaitent entrer sur le territoire français, le gouvernement a imposé à la plupart des étrangers résidant en France (74 nationalités au total) l’obligation de solliciter un visa préfectoral de sortie et de retour pour leurs déplacements à l’étranger.

Le GISTI, en mai 1987, a déposé un recours devant le Conseil d’État contre la circulaire du ministre de l’Intérieur en date du 28 novembre 1986 relative aux visas ; nous ne désespérons pas de voir ce recours aboutir avant mai 1991 : cela ne fera jamais que quatre ans qu’il est pendant devant la haute juridiction !

Dans ce recours était plus particulièrement soulevée l’illégalité de l’instauration du visa préfectoral. Pour l’information de nos lecteurs, nous reproduisons ici l’argumentation contenue dans la requête du GISTI sur cette question précise.

Il est significatif, faisait remarquer le GISTI, que la circulaire attaquée ne se fonde, pour exiger des étrangers concernés le « visa préfectoral », sur aucune disposition ni législative, ni réglementaire. Et l’on ne voit pas, au demeurant, sur quelle disposition de cette nature elle pourrait effectivement se fonder, puisqu’aucune loi, ni aucun règlement n’a institué un tel visa. Vainement invoquerait-on, pour justifier la légalité de la circulaire attaquée, les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945. Celle-ci, en effet, ne mentionne les « documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur » que pour l’entrée sur le territoire français. En revanche elle est muette sur la sortie de France.

Dès lors, la circulaire du 28 novembre 1986, qui crée une obligation à la charge des étrangers résidant en France, ajoute des conditions de sortie de France par rapport à celles qui figurent dans les lois et règlements en vigueur. Le ministre de l’Intérieur n’ayant reçu aucune délégation législative sur ce point et n’étant pas titulaire du pouvoir réglementaire, même en matière de police des étrangers, la circulaire attaquée est donc entachée d’un vice d’incompétence.

La circulaire est également contraire aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ainsi qu’à celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 2-2° du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne et l’article 12-2° du Pacte international de New-York stipulent, dans les mêmes termes, que « toute personne a le droit de quitter n’importe quel pays y compris le sien » ; ce droit ne peut être restreint que par la loi et uniquement dans la mesure où ces restrictions sont nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale et au maintien de l’ordre public.

Or l’institution critiquée revient à donner à l’autorité préfectorale le pouvoir, discrétionnaire de surcroît, d’empêcher un étranger résidant en France de quitter le territoire français s’il n’est pas muni du visa institué par la circulaire attaquée. Et non seulement la circulaire attaquée ne peut prétendre s’appuyer sur aucune loi, mais de plus elle ne précise pas les motifs pour lesquels le visa qu’elle institue peut être refusé. Elle est donc à cet égard aussi illégale.



Article extrait du n°13

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Dernier ajout : lundi 24 mars 2014, 22:58
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