Article extrait du Plein droit n° 78, octobre 2008
« Saisonniers en servage »

Discriminations ? Les étrangers saisissent la Halde

Delphine d’Allivy Kelly

Juriste, membre du Gisti
La Halde semble avoir fait sa place parmi les autres autorités administratives indépendantes. Chargée de lutter contre les discriminations et de promouvoir l’égalité, elle a rendu un nombre important de délibérations. Concernant les étrangers, le milieu associatif s’est mobilisé pour soutenir des saisines dont l’issue est d’autant plus délicate qu’elles mettent en cause des discriminations qui sont souvent le fait de la loi elle-même. Mais la question qui reste posée est celle de l’autorité des délibérations de la Halde et de leur médiatisation.

Instituée par la loi du 30 décembre 2004 [1], la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) est une autorité administrative indépendante, fruit de la convergence de volontés nationale et communautaire. En 1998, en effet, un rapport commandé par le Président de la République suggérait la création d’une autorité de lutte contre les discriminations. L’année suivante, Martine Aubry, alors ministre du travail, inaugurait le Groupement d’études et de lutte contre les discriminations (GELD), groupe d’intérêt public à durée déterminée (six ans). En parallèle, la création d’une autorité de ce type était préconisée dans chacun des États-membres de l’Union européenne par la directive européenne du 19 juin 2000 « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».

Tout en saluant cette initiative, le monde associatif restait vigilant. Le 22 février 2005, le Collectif pour une autorité indépendante universelle de lutte contre les discriminations, constitué de diverses associations militantes dont le Gisti, publiait un communiqué intitulé « Non à une autorité alibi ! » dans lequel il exprimait son inquiétude quant à l’indépendance dont devait bénéficier la Halde et aux moyens matériels et humains nécessaires pour qu’elle puisse mener à bien ses missions.

Après presque trois ans d’existence, quel bilan tirer ? Sur la question des discriminations à l’égard des étrangers, la Halde s’est-elle inscrite dans le paysage juridique français ? Ses recommandations font-elles autorité ? Après avoir rappelé d’une part, les différents modes de saisine de la Halde puis ses domaines de compétence, nous présenterons quelques décisions importantes.

Dans le rapport rendu en 2003 par Bernard Stasi, alors médiateur de la République et personnalité pressentie pour présider la Halde [2], l’exigence fondamentale est que toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la Haute autorité dans les conditions précisées par décret en Conseil d’État [3]. Cette saisine étant largement laissée à l’appréciation de chacun, la Halde s’est rapidement trouvée débordée par les demandes individuelles et confrontée à la nécessité de faire le tri entre les saisines susceptibles de prospérer sur le plan juridique et celles qui relèvent plutôt de l’émotion. Selon Louis Schweitzer, son président, sur les 2000 saisines effectuées en 2006 (elles dépassent 6000 en 2007), un quart sont réorientées vers les Maisons de la justice et du droit ou le médiateur de la République car ne correspondant pas à la définition juridique de la discrimination adoptée par la Haute autorité, à savoir « une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi, dans un domaine visé par la loi ». Sur les 500 affaires qui franchissent la première étape, 200 se concluent par règlement amiable consécutif au courrier systématique envoyé par la Halde. Cette pratique que Louis Schweitzer juge très positive [4] ne dit cependant rien de la teneur des transactions opérées ni dans quelle mesure il ne s’agit pas plutôt d’une dissuasion d’agir pour le réclamant. Or, la mission première de la Haute autorité est d’assister les victimes.

La Halde peut se saisir d’office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, ce qui constitue une avancée notable sur le terrain des discriminations indirectes. Le concept de discrimination indirecte désigne le fait qu’« une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires  ». [5] Cette auto-saisine n’est toutefois possible que si la victime, lorsqu’elle est identifiée, a été avertie et ne s’y est pas opposée. La Halde a donc un rôle actif à jouer : elle doit enquêter en amont et soulever l’existence de discriminations et pas seulement apprécier celles-ci à la suite d’une requête émanant de l’extérieur.

La Halde peut également être saisie par un parlementaire, d’où la nécessité de sensibiliser les députés et sénateurs à son existence afin qu’ils organisent sa publicité dans leurs circonscriptions.

Enfin, « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, peut saisir la Halde conjointement avec toute personne qui s’estime victime de discrimination et avec son accord  ». Ici aussi, l’accord d’un requérant individuel est indispensable. Cette exigence souligne la volonté de faire de la Halde avant tout l’objet des particuliers. Cette volonté s’est d’ailleurs concrétisée dans une vaste campagne de publicité lancée par les pouvoirs publics le 20 novembre 2006 au cours de laquelle on a pu voir fleurir sur les panneaux publicitaires, du moins ceux des grandes villes, des slogans comme : « Discrimination, je saisis la Halde » ou « L’égalité, ça s’affiche et ça s’applique ».

La Halde a compétence « pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie  ». Elle peut donc cibler des discriminations qui sont le fait de l’État lui-même : c’est là que la question de son indépendance se pose avec le plus d’acuité, car elle va alors se permettre de faire ce que le juge national ne peut faire, à savoir critiquer la loi votée par le Parlement. En tant qu’autorité administrative indépendante, sa saisine « n’interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux  ». Elle ne peut qu’émettre des avis et recommandations dont l’impact sur l’ordonnancement juridique doit être interrogé.

Quelle médiatisation ?

Selon la loi de 2004, « la Halde peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement  ». Quant aux « autorités ou personnes intéressées », elles « sont tenues, dans un délai fixé par la Halde, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La Halde peut rendre ses recommandations publiques dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État  » [6]. Le fait que cette publication soit une possibilité et non une obligation, interroge. Selon quels critères se fait cette appréciation ? La nécessité de préserver l’anonymat des requérants, raison souvent invoquée, est-elle véritablement un obstacle ? Il en est de même pour la « sanction » prévue par la loi : « En l’absence de compte rendu des personnes intéressées ou si elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n’a pas été suivie d’effet, la Halde peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal Officiel de la République française  ». À notre connaissance, cette possibilité n’a été mise en œuvre qu’une seule fois. Cela signifie-t-il que toutes les autres recommandations formulées par la Halde ont été suivies d’effet ? Rien n’est moins sûr… En l’absence ou presque de médiatisation, on peut donc s’interroger sur l’intérêt qu’il y a à relever l’existence de pratiques discriminatoires [7]. Le directeur juridique de la Halde assurait pourtant, fin 2006 [8], que les recommandations de la Haute autorité seraient toutes mises en ligne sur son site internet. On constate cependant, deux ans après, que ce n’est pas le cas.

Quelle est la valeur juridique des recommandations émises par les autorités administratives indépendantes ? Sont-elles des actes faisant grief et donc susceptibles d’être attaqués devant le juge ? Le Conseil d’État a récemment eu à connaître de deux recours contre des recommandations de la Halde. Dans l’un des cas, la Haute juridiction a affirmé que si « les recommandations ne constituent pas, par elles-mêmes, des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, […] il en irait, en revanche, différemment de recommandations de portée générale, qui seraient rédigées de façon impérative ». Dans le second recours, le juge administratif est allé encore plus loin en considérant que « les réponses faites par la Haute autorité, dès lors qu’elles s’avéreraient infondées, sont de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard de ceux à qui elles auraient directement causé un préjudice  ».

Le statut de la Halde a été modifié par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances dans le sens d’un renforcement de ses pouvoirs. Elle remet désormais chaque année au Président de la République, au Parlement et au Premier ministre un rapport rendu public qui rend compte de l’exécution de ses missions et énumère les discriminations portées à sa connaissance. Il s’agit là de la technique anglo-saxonne du « name and shame » (nommer et faire honte), dont l’efficacité sur les entreprises soucieuses de leur réputation est indéniable. Quant au test de discrimination il est devenu un mode de preuve défini comme « l’opération qui vise à déceler des comportements discriminatoires en effectuant successivement des démarches analogues au nom de personnes différentes par l’origine ou l’appartenance  » [9].

Un premier bilan d’activité de la Halde en matière de lutte contre les discriminations frappant les étrangers peut être établi à partir des rapports des trois dernières années. Nous présentons ci-après quelques décisions.

 7 mars 2005 : le MRAP saisit la Halde sur la discrimination issue du décret du 27 août 2004 qui retire le droit de vote aux élections des Chambres des métiers aux artisans non européens. Un recours contentieux avait déjà été introduit par le Gisti devant le Conseil d’État. Celui-ci, dans un arrêt d’assemblée du 31 mai 2006, admet la méconnaissance du principe d’égalité et annule les dispositions litigieuses. La Halde s’était prononcée dans le même sens le 4 juillet 2005.

 18 juillet 2005 : sur la question des médecins étrangers, la Haute autorité est saisie par l’Intersyndicale nationale des praticiens à diplôme hors Union européenne (INPADHUE), faisant état des discriminations dans l’emploi dont ils sont victimes. Il s’agit d’un cas de discrimination organisée par la loi, ce qui rend impossible la contestation contentieuse, en dehors de celle des textes d’application. La Halde considère qu’il y a discrimination fondée sur l’origine dans l’accès à l’emploi et dans l’emploi, notamment dans les rémunérations. Elle demande au ministre de la santé de lui signifier quelles mesures il entend prendre pour mettre fin à cette inégalité de traitement, en lui suggérant explicitement l’instauration de mécanismes de validation des compétences. En dépit de cela, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 maintient ces discriminations, ce qui suscite une nouvelle saisine de l’INPADHUE. La Haute autorité réaffirme l’existence d’une inégalité de traitement. Le 15 novembre 2007, l’intersyndicale procède à une troisième saisine, rejointe cette fois par la Ligue des droits de l’homme et le Gisti. Affaire à suivre…

 14 novembre 2005 : le Gisti et l’association marseillaise « Un centre ville pour tous » saisissent la Halde d’une réclamation concernant les pratiques discriminatoires des services fiscaux marseillais à l’encontre des Chibanis, vieux travailleurs ou retraités maghrébins habitant pour la plupart dans des hôtels meublés, et auxquels le fisc refuse la délivrance d’avis d’imposition ou de non imposition, ce qui entrave leur accès aux prestations sociales. La Halde a reconnu l’existence d’une discrimination indirecte ayant pour effet de compromettre l’accès de personnes majoritairement d’origine étrangère à des prestations ou avantages sociaux [10] mais pas celle exercée par les services fiscaux. Néanmoins, elle recommande à la direction des services de Marseille d’opérer une enquête administrative afin de rétablir les situations individuelles pour lesquelles ont été méconnus les principes généraux de la procédure fiscale, et estime que les éléments sont réunis pour une saisine au pénal du Parquet de Marseille, afin qu’il examine l’existence ou non d’une discrimination directe. Le Gisti s’est constitué partie civile en septembre 2006. Le 27 avril 2007, suite à l’enquête menée sur la saisine de la Halde, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille décide de classer sans suite en considérant que « devant ce phénomène établi de fraude massive à la fausse domiciliation, la DSF [direction des services fiscaux] devait répondre par une action spécifique, qu’elle a critérisée, non pas sur la nationalité, mais sur le domicile : Retrait de ses fichiers des contribuables n’acquittant pas la taxe d’habitation. […] En l’occurrence, si la légitimité de l’action des services fiscaux ne fait pas de doute, le processus utilisé ne comporte en lui-même aucune preuve d’une volonté discriminatoire des agents de l’administration fiscale…  ». Dont acte…

 23 novembre 2005 : la Halde est saisie par le Gisti et le collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits (Catred) d’une demande de soutien à une requête pendante devant le Conseil d’État relative aux anciens combattants contre le décret du 3 novembre 2003 qui maintient une différence de traitement fondée sur le lieu de résidence, se fondant sur le critère dit de la « parité des pouvoirs d’achat ». Le Conseil d’État rend un arrêt de rejet le 18 juillet 2006. Après un long silence, l’effervescence médiatique qui accompagne la sortie du film « Indigènes », le 27 septembre 2006, amène les pouvoirs publics à annoncer une revalorisation des pensions qui ne concerne en fait que la retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité. Dans sa délibération, qui n’intervient que le 9 octobre 2006, soit près d’un an après sa saisine, la Halde reconnaît l’existence d’une discrimination à raison de la nationalité et recommande au Premier ministre de la consulter sur les projets de réforme qui seront engagés, en exprimant la nécessité de prévoir un dispositif de revalorisation de l’ensemble des pensions, et non des seules prestations dites « du sang ». Après l’amendement du gouvernement intégré au projet de loi de finances pour 2007, elle rend une seconde délibération, le 5 mars 2007, dans laquelle elle constate d’une part que le gouvernement ne l’a pas consultée, d’autre part que, malgré des avancées importantes, la loi maintient la discrimination à raison de la nationalité dans le régime des pensions civiles et militaires d’invalidité, des pensions de réversion subséquentes et dans celui de la majoration de la pension de réversion des pensions militaires d’invalidité. La Halde renouvelle donc ses recommandations ainsi que son souhait d’être consultée sur les projets de réforme engagés, comme le prévoient ses statuts.

 26 novembre 2005 : le Gisti et l’association « Harkis et droits de l’Homme » (AHDH) saisissent la Halde des discriminations touchant les harkis en matière de droits sociaux. Des textes prévoyant diverses allocations spécifiques pour les harkis en excluent ceux qui n’ont pas la nationalité française ou qui l’ont acquise après 1967. La question est d’autant plus sensible que ces discriminations sont fondées sur une loi [11]. Mais ici, peut-être parce qu’il n’y a pas eu de médiatisation ni de film sur le sujet, la Haute autorité ne s’est toujours pas prononcée, près de trois ans après sa saisine. Cet exemple laisse craindre que la célérité de la Halde à traiter les dossiers ne relève du « deux poids, deux mesures ».

 24 juillet 2006 : le Gisti, la LDH et le MRAP soulèvent devant la Haute autorité la question de la carte « familles nombreuses » de la SNCF qui maintient, en dépit de sa récente « modernisation », une condition de nationalité reposant sur une préférence européenne. Alors que la voie contentieuse est bloquée, la Halde se prononce ici en un temps record (le 18 septembre 2006) et recommande au Premier ministre et au ministre délégué à la sécurité sociale et à la famille, en l’absence de justification « valide » présentée dans les trois mois, de modifier le texte litigieux, manifestement contraire au principe constitutionnel d’égalité tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel. Elle se fonde sur la directive du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée qui pose un principe d’égalité de traitement en matière d’avantages sociaux. Le texte a été modifié et la condition de nationalité a disparu.

 25 novembre 2006 : le collectif des travailleurs sociaux de Mayotte et le Gisti saisissent la Halde d’une réclamation sur l’exclusion de certains mineurs étrangers du bénéfice des prestations familiales à Mayotte. Avant même qu’elle se prononce, elle est à nouveau saisie le 20 février 2007 d’une réclamation conjointe déposée par Aides, la Cimade, le Gisti, Médecins du monde et le collectif « Migrants Mayotte », sur l’exclusion de l’accès aux soins des mineurs étrangers et des irréguliers à Mayotte. La Halde ne s’est toujours pas prononcée.

L’origine, critère de discrimination le plus fréquent, concerne 35 % des cas de saisine, et les discriminations prennent leur plus grande ampleur dans le domaine de l’emploi (43 % des réclamations). Un débat passionné oppose la doctrine sur le point de savoir s’il faut mettre en œuvre ou non des statistiques ethniques [12]. Ce débat a été ravivé début 2007 à la faveur du premier sondage « ethnique » français commandé à l’institut TNS-Sofrès par le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Aussitôt ont fusé des arguments contradictoires, refusant pour les uns les statistiques « ethniques » au nom d’un risque de dérives, d’instrumentalisations et de la résurgence de l’idée de races [13], souhaitant pour les autres la mise en œuvre de telles statistiques pour faire avancer la recherche sur les discriminations [14], mais la question se révélait à l’évidence délicate [15].

La Halde s’est (auto-) saisie de la question à l’occasion de l’examen d’un amendement au projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, qui tendait à modifier la loi « informatique et libertés » afin de faciliter les recherches en matière de mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l’intégration. Dans une délibération qui sera accompagnée d’un communiqué de presse, la Halde recommande que la loi mentionne expressément qu’aucune étude faisant apparaître les origines d’une personne ne peut être entreprise sans l’approbation explicite de la CNIL. Par ailleurs, la loi doit avoir pour objet la lutte contre les discriminations, la promotion de la diversité et l’intégration. Enfin, elle doit définir les garanties d’anonymat, de volontariat et d’auto-déclaration qui président à ces enquêtes. La Halde souligne que la mise en œuvre de ces dernières ne doit pas aboutir à la création de catégories ethno-raciales, et demande à être entendue sur toute étude relevant des nouvelles dispositions.

La loi est finalement promulguée le 20 novembre 2007. La Halde rend alors publique, le 15 janvier 2008, une délibération en date du 17 décembre 2007 par laquelle elle juge discriminatoires plusieurs dispositions de la loi Hortefeux. Cette délibération tardive, assortie de recommandations fortes, même appuyée par une communiqué de presse laisse un goût amer [16].

Si un « réflexe Halde » semble se développer, des ajustements de la Haute Autorité sont encore nécessaires, tant en ce qui concerne la médiatisation de son action et l’accessibilité de ses délibérations, que le suivi des dossiers, aussi bien au stade de la procédure de traitement (où serait bienvenue une information régulière des réclamants) qu’au stade de l’application des recommandations. On constate malheureusement que les pouvoirs publics ne jouent pas le jeu, ce qui conforte la défiance à l’égard d’une autorité alibi. Dans son rapport 2007, la Halde déplore d’ailleurs leur inertie relevée depuis son précédent rapport.

De même, la Halde aurait tout intérêt, en termes d’autorité et d’impact médiatique, à rendre ses délibérations en temps utile. En effet, même si elle est limitée en moyens humains, elle ne fait pas montre de la même célérité à l’endroit des saisines, selon qu’elles sont ou non dans l’air du temps. C’est d’autant plus regrettable que cette lenteur au démarrage fait que lorsqu’elle se prononce, les délais pour agir en justice sont parfois forclos, laissant démunies des populations précaires et peu visibles qui sont les premières victimes des discriminations.




Notes

[1Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004.

[2Bernard Stasi se désistera au profit de Louis Schweitzer, ancien président-directeur général de Renault.

[3Décret n°2005-215 du 4 mars 2005.

[4« Lutter contre l’indifférence : les premiers pas de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité », En temps réel, cahier 30, décembre 2007.

[5Directive 2000/43/CE « relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».

[6Décret du 4 mars 2005.

[7Serge Slama, « Premier rapport spécial de la Halde : une mise au pilori bien inoffensive », www.blogdroitadministratif.net, 15 nov. 2006.

[8« HALDE : Actions, limites et enjeux » organisé par le CREDOF et le CERSA, Daniel Borrillo (dir.), éd. La Documentation française, coll. Etudes et recherches, 2007

[9Circulaire du 26 juin 2006.

[10Cf. communiqué sur www.gisti.org

[11Loi du 16 juillet 1987, art. 9.

[12Patrick Simon « Vers des statistiques ethniques ? » ; Alexis Spire « Ambiguïtés d’une mesure des origines » ; Sandrine Bertaux « Contre la circulation des stéréotypes », in dossier spécial « Les immigrés dans les statistiques », Plein droit, n°41-42, avril 1999.

[13Jean-François Amadieu 13amp ; alii, « Engagement républicain contre les discriminations », Libération, 23 février 2007 (N.B. : plusieurs signataires de cette pétition font partie du comité consultatif de la Halde).

[14Patrick Simon 14amp ; alii, « Des statistiques pour lutter contre les discriminations ! », Le Monde, 12 mars 2007.

[15Véronique de Rudder 15amp ; François Vourc’h, « Quelles statistiques pour quelle lutte contre les discriminations ? », Citoyenneté, engagements publics et espaces, n°160-161 – 2006/2-3, p. 239-253.

[16Communiqué Gisti-LDH « Après la bataille, la Halde réécrit la loi Hortefeux », 16 janvier 2008, www.gisti.org/spip.php?article1056


Article extrait du n°78

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Dernier ajout : jeudi 17 avril 2014, 14:59
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