action collective
Projet de loi sur l’immigration et l’intégration
Les familles d’enfants malades condamnées à la précarité
Le 8 juin, lors des discussions sur le projet loi immigration et intégration, le Sénat, avec l’appui du gouvernement, a adopté un amendement restreignant l’accès au titre de séjour pour les parents étrangers d’enfants gravement malades. Ce faisant, il agit au mépris de la jurisprudence actuelle et au détriment de la prise en charge globale des enfants malades.
Arguant d’un prétendu vide juridique concernant la situation des parents d’enfants malades, le Sénat, avec l’appui du gouvernement, a adopté un amendement qui prévoit uniquement la possibilité de délivrer une autorisation provisoire de séjour à un seul des deux parents.
Cette disposition constitue un grave recul par rapport au droit actuel. En effet, aujourd’hui, les parents d’enfants malades peuvent obtenir chacun une carte de séjour temporaire d’un an au titre du droit de mener une vie familiale normale, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et de sa transposition en matière de séjour, l’article L313-11,7° du CESEDA. Cette disposition a beau être trop souvent bafouée par les préfectures, les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat n’en ont pas moins constamment rappelé et fait appliquer ce principe.
Les différences entre la jurisprudence existante et la disposition prévue par cet amendement vont mettre en danger la vie de ces enfants gravement malades :
- Tout d’abord, le titre de séjour octroyé ne bénéficiera qu’à un seul des deux parents, ce qui condamnera l’autre parent à résider en situation irrégulière s’il refuse de se séparer de son enfant malade. De même,s’il est expulsé, son enfant devra, en plus de sa maladie, affronter une grave rupture affective.
- De plus, les autorisations provisoires de séjour, à l’inverse des cartes de séjour temporaire aujourd’hui délivrées, condamnent leurs titulaires à une insécurité juridique età une précarité inacceptable, incompatible avec la sérénité requise pour soutenir au mieux un enfant malade. D’une durée de validité de quelques mois, elles n’autorisent que rarement à travailler, et lorsque c’est le cas, il est très difficile d’obtenir un contrat de travail avec un document aussi instable. De même elles empêchent de pouvoir bénéficier d’allocations non contributives. Leurs titulaires se retrouvent ainsi privés de toute ressource et sont soumis aux aléas de renouvellement de titres (cf. le récit de Monsieur et Madame C. ci-joint)
Comment, dans de telles conditions, éduquer un enfant gravement malade, subvenir à ses besoins et garantir sa meilleure prise en charge possible ? En soutenant un tel amendement, le gouvernement persiste non seulement dans son mépris affiché du droit de vivre en famille, mais il empêche de donner aux enfants malades l’environnement stable nécessaire pour lutter contre leur maladie.
Illustration de la situation actuelle des familles étrangères d’enfants malades :
Monsieur et Madame C., sont arrivés de Côte d’Ivoire en 1998. Deux ans plus tard, leur fils naît à Paris. Les médecins découvrent immédiatement qu’il est atteint de drépanocytose, une maladie héréditaire grave et incurable qui nécessite des soins constants. M et Mme C. demandent et obtiennent de pouvoir rester en France pour leur permettre de soigner leur fils. Mais, alors même que la maladie de leur fils ne changera pas avec le temps, la préfecture ne leur donne pas de carte de séjour mais seulement des autorisations provisoires de séjour qu’ils doivent renouveler plusieurs fois par an. Les deux premières années, celles-ci étaient dépourvues d’autorisation de travail. Après avoir essuyé de nombreux refus de la part des employeurs du fait du caractère provisoire de son titre, Mme B. a été engagée comme femme de chambre dans un hôtel parisien du 8e. Mais son employeur tire profit de sa situation et ne lui propose que des CDD. La difficulté qu’elle a eu pour trouver cet emploi la contraint à accepter de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées. Monsieur C., lui, travaille comme agent de sécurité. Mais avec leurs petits salaires et leur statut administratif précaire, ils sont confrontés à de très graves problèmes de logement. Ils vivent dans un squat en très mauvais état, dans lequel des enfants ont été exposés au saturnisme.
Enfin, le 14 avril 2005, le juge administratif, saisi par les intéressés afin de sortir de cette impasse, a ordonné au Préfet de Police de leur délivrer à chacun une carte de séjour temporaire en application de l’article L313-11,7° du CESEDA. M C. a obtenu cette carte plusieurs mois après et Mme C. ne l’a toujours pas. M et Mme C. ont donc dû élever leur fils gravement malade dans des conditions inacceptables.
Signataires : ACT UP-Paris, AFVS, AIDES, AIDES Ile-de-France, ARCAT, CATRED, CIMADE, COMEDE, FTCR, GISTI, MEDECINS DU MONDE, MRAP, PASTT, SIDA INFO SERVICE, SOLIDARITE SIDA
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