Article extrait du Plein droit n° 29-30, novembre 1995
« Cinquante ans de législation sur les étrangers »

Des réfugiés bien encombrants

Gérard Noiriel

Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Est notamment l’auteur de La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe (1793-1993), Calmann- Lévy, 1991
La question des réfugiés est au centre du débat politique français dans l’immédiat après-guerre. Au cours des années trente, en dépit de l’arrêt de l’immigration économique, plusieurs centaines de milliers de victimes des persécutions nazies, fascistes et franquistes se sont réfugiées en France, suscitant les protestations « musclées » des organisations xénophobes et antisémites et la politique d’internement et de répression mise en œuvre par le gouvernement de Vichy. Au niveau international, la deuxième guerre mondiale constitue un tournant dans l’histoire du droit d’asile, à la fois parce qu’elle se traduit par l’affaiblissement général des États européens, mais aussi parce qu’elle contribue à mettre en branle le mouvement de réfugiés le plus massif que le monde ait jamais connu.

On estime qu’environ trente millions de personnes ont été contraintes de fuir leur lieu d’habitation habituel à cette époque-là. L’ampleur des destructions et des souffrances humaines, l’extraordinaire entremêlement des populations de toutes nationalités et de toutes conditions, ont incité les Alliés à créer, dès 1943, l’UNRRA (administration des Nations unies pour le Secours et le Relèvement), placé directement sous le contrôle du Commandement suprême des forces alliées. Lors de la Conférence de Potsdam du 13 octobre 1945, les Alliés décident de transférer en Allemagne neuf millions de personnes « d’origine allemande », parquées dans les camps de réfugiés et en butte à la haine des populations environnantes (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie). À cela s’ajoutent les prisonniers de guerre, les volontaires du STO, les « néo-réfugiés » qui, à partir de 1945, fuient l’URSS et ses satellites pour ne pas subir le joug communiste, et 850 000 « réfractaires » qui refusent de rentrer dans les pays sous contrôle soviétique. Sans compter les millions de réfugiés que la guerre a faits hors d’Europe et tout spécialement en Asie.

Comme le note un responsable du Quai d’Orsay, « parmi les innombrables problèmes que nous a légués la deuxième guerre mondiale, celui des réfugiés est, sans nul doute, l’un des plus angoissants et l’un des plus lourds de conséquences pour l’avenir des relations internationales ». C’est pourquoi les Nations unies prennent deux initiatives essentielles. D’une part, un nouvel organisme temporaire, l’Organisation internationale des réfugiés (OIR), est fondé en décembre 1946 pour régler le sort du million d’exilés européens que l’UNRRA n’a pu résoudre, en dépit du rapatriement massif des prisonniers de guerre, des victimes du STO, des déportés, etc. D’autre part, l’ONU décide la mise en place d’un comité spécial chargé d’élaborer un projet d’accord international relatif au statut des réfugiés, qui débouchera sur la signature de la Convention de Genève en 1951.

L’OIR marque un bond en avant considérable dans l’institutionnalisation de la gestion des réfugiés, du fait même que son financement est assuré grâce à des contributions obligatoires des États membres. Malgré cela, à la fin de 1950, date de l’expiration de son mandat, il reste encore plusieurs centaines de milliers de réfugiés qui n’ont pas été réinsérés. C’est pourquoi on décide la création du Haut Commissariat aux réfugiés, établi à Genève et disposant d’antennes dans les principaux pays d’asile, afin de veiller à la bonne application du droit international, d’aider les réfugiés ou les candidats à l’asile dans leur action et de coordonner l’aide internationale à leur égard.

La pression internationale en faveur d’une politique plus libérale en direction des réfugiés pèse sur le débat français concernant l’immigration. Parmi les Alliés, la France est le pays qui compte, proportionnellement, le plus grand nombre de réfugiés. Cette situation a des effets contradictoires. D’une part, cette tradition d’accueil donne une certaine légitimité à la France dans le débat international sur les droits de l’homme ; mais d’autre part, le ministère de l’intérieur cherche à mieux contrôler cette population étrangère dont une bonne partie – notamment parmi les Espagnols – soutient l’action des forces révolutionnaires. Dans le débat qui oppose, à l’ONU, les Anglo-Saxons (qui militent pour une définition large et ouverte du droit d’asile) et le camp soviétique (qui mène un combat acharné pour qu’on n’accorde pas le statut de réfugiés aux opposants des régimes communistes passés à l’Ouest ou enfermés dans les camps), la France occupe une position intermédiaire, subordonnant sa politique d’accueil à la défense de l’intérêt national.

De la main-d’œuvre avant toute chose

Cette primauté donnée à l’intérêt national se manifeste en particulier sur deux terrains. Le premier est celui de la sélection des réfugiés admis à venir en France. L’économie française a besoin de main-d’œuvre pour la reconstruction du pays. Plutôt que d’embaucher des travailleurs coloniaux, les pouvoirs publics cherchent à recruter des « Européens ». D’où une prospection active dans les camps de réfugiés en Europe de l’Est. L’objectif est de trouver une main-d’œuvre qui remplira les tâches que les Français ne veulent pas faire. Des délégations venues de France comme des autres pays visitent les centaines de camps de réfugiés situés en Europe orientale pour choisir les individus jugés les plus « intéressants » au détriment de ceux qui, peu à peu, vont constituer le « hardcore », le « noyau résiduel » des réfugiés, qui passeront dix, voire quinze ans dans les camps de l’après-guerre.

La logique de l’intérêt national autorise d’étonnantes manipulations d’identités individuelles et collectives, comme le montre l’exemple des Banatais (voir infra « Le recrutement des Banatais »). Elle pousse aussi la France, comme les autres pays alliés, à refuser d’accueillir les réfugiés qui exercent des professions libérales ou intellectuelles. En septembre 1948, l’OIR livre un constat désabusé : « La sélection s’est opérée suivant des méthodes inspirées par le souci de combler des déficits nationaux de main-d’œuvre plutôt que selon des méthodes tendant à la solution du problème des réfugiés, considéré en lui-même. Un terme doit être mis à ces procédés d’écrémage [qui] à la longue auront pour effet de rendre impossible la solution complète du problème des réfugiés ». Pour tenter de résoudre le problème, un groupe de travail international est mis en place. Dans son rapport, il définit les catégories d’« inemployables ». La liste est à la mesure de la « générosité » des vainqueurs. On y trouve, pêle-mêle, ceux qui ont des problèmes de santé (mutilés, dépressifs, tuberculeux) ; ceux qui sont considérés comme « trop vieux » ou « peu rentables » c’est-à-dire les hommes de plus de quarante-cinq ans et les femmes célibataires de milieu pauvre ; ceux qui souffrent, selon la commission, de « handicaps ethniques » – « asiatiques, musulmans, arméniens » – ou de « handicaps professionnels » : membres des professions libérales et intellectuelles.

À la fin 1949, ce « noyau résiduel » compte encore près de 200 000 personnes, qui, en vertu des principes humanitaires affichés, auraient dû bénéficier en premier lieu de l’aide internationale. L’OIR édite spécialement une brochure sur l’« élite oubliée » qui illustre, selon ses termes, « l’embargo sur la culture » dont est responsable la communauté internationale. Par un paradoxe qui pourrait faire sourire si la situation n’était aussi tragique, les premières victimes des corporatismes nationaux sont les « fonctionnaires de l’universel ». L’OIR dénombre en effet 40 000 intellectuels dont personne ne veut ! En effet, « un manœuvre ou un ouvrier qualifié peuvent s’employer indifféremment dans tel ou tel pays. Il n’en va pas de même des intellectuels [...] dont l’activité est étroitement dépendante d’une culture nationale ».

Dans une note interne au Quai d’Orsay, les délégués français affirment que « seuls se sont montrés généreux les pays qui se trouvent obligés de l’être » et que les États d’immigration se sont contentés d’« accepter chez eux, voire de demander, une main-d’œuvre qu’ils ont triée avec soin ». La France lance un appel solennel en dénonçant, à la tribune des Nations unies, « le fameux problème pour lequel on n’a jamais pu trouver de mot satisfaisant (parce que la chose elle-même ne l’était guère) et que l’on désigne tour à tour comme le "hardcore", le "groupe résiduel", le groupe des "inemployables", celui des cas difficiles ou des cas spéciaux ». Elle demande à la communauté internationale de se mobiliser en faveur de ces « savants, de ces professeurs, de tous ces spécialistes qui, condamnés aujourd’hui encore et peut-être pour une durée indéterminée, à la vie de camps, en ressentent plus peut-être que toutes les autres catégories sociales de personnes déplacées, la profonde horreur ». Ces préoccupations généreuses inciteront Robert Schuman à fonder le Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés (CAIER), toujours actif aujourd’hui, mais elles n’iront pas jusqu’à remettre en question la législation protégeant le marché du travail national, née à la fin du XIXe siècle, consolidée dans les années trente et sous Vichy, reconduite à la Libération. Les textes de la Libération laissent subsister la plupart des incapacités frappant les naturalisés, et la fonction publique ne leur est accessible qu’au bout de cinq ans. Quant aux professions libérales, elles exercent d’efficaces tirs de barrage pour interdire l’accès de leurs métiers aux étrangers (voir infra « Le protectionnisme des intellectuels »).

Ces étrangers qui font de la politique

Cette obsession de l’intérêt national qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale comme dans les années 1930, prime sur la politique d’accueil se manifeste aussi dans la préparation de la Convention de Genève et la création de l’OFPRA. Le gouvernement français souhaite récupérer le contrôle total de l’attribution du statut de réfugié que la création des offices « mixtes » – comprenant, outre les fonctionnaires français, des représentants des communautés réfugiées et du HCR – lui avait fait perdre partiellement. Le ministère de l’intérieur tient par dessus tout à ce que ses prérogatives sur le droit de séjour ne soient pas remises en cause.

Cette question est d’autant plus importante en 1945 que la France est, on l’a dit, le pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés en Europe, et que ceux-ci s’illustrent alors par une intense activité politique. Beaucoup d’entre eux ont joué un rôle actif dans la Résistance et militent officiellement ou officieusement dans les rangs du Parti communiste.

Or, dans cette période de guerre froide, le mouvement ouvrier multiplie les actions extrêmement violentes, dont les grèves insurrectionnelles de 1947 ont donné toute la mesure. Le ministère de l’intérieur a ordonné maintes mesures répressives contre les réfugiés, utilisant massivement, comme l’avait fait le gouvernement de Vichy, les textes sur la déchéance de la nationalité française à l’encontre des naturalisés, accusés de se conduire comme des « nationaux d’un pays étranger ». De même, des résistants, parfois anciens déportés des camps de concentration hitlériens, sont menacés d’expulsion et assignés à résidence en Corse ou dans les îles bretonnes. Dans ces conditions, le ministère de l’intérieur voit d’un très mauvais œil les dispositions de la convention de Genève qui affaiblissent ses prérogatives. Le ministre du travail s’inquiète du trop grand nombre de clandestins espagnols qui, selon lui, se disent réfugiés et qui « encombrent » le marché du travail.

Ces préoccupations expliquent les amendements présentés par la délégation française lors de la préparation de la Convention de Genève. La France demande, par exemple, qu’en contrepartie des droits accordés aux réfugiés, on leur fixe des devoirs, et que la Convention prévoie des sanctions (notamment le retrait du statut de réfugié) en cas de besoin. Elle s’oppose aussi catégoriquement aux dispositions concernant les droits d’entrée et de sortie sans visa, car la police refuse de renoncer à contrôler les allers et venues des réfugiés. Le ministère de l’intérieur demande aussi qu’on ajoute une clause visant à restreindre leur activité politique. Le ministère du travail souhaite tout particulièrement que la délégation française fasse admettre les dispositions restrictives concernant l’emploi adoptées par la loi de 1932 sur la protection du marché national du travail, afin que les réfugiés n’en soient pas exemptés.

Parallèlement, le gouvernement français élabore un projet d’Office national de protection des réfugiés qui suscite un véritable tollé dans l’opinion, car il rappelle irrésistiblement le Bureau des apatrides créé par le gouvernement de Vichy en 1942. L’Observateur du 20 décembre 1951 note que « le souvenir de ce Bureau reste attaché aux extraditions de réfugiés allemands et autrichiens antinazis à Hitler ». En janvier 1951, la SFIO s’inquiète de ce que le projet de loi menace de faire disparaître le Fonds humanitaire espagnol qui bénéficiait de la confiance des réfugiés et jouait un rôle essentiel dans l’aide sociale. C’est « dans l’intérêt des réfugiés qui chaque jour se sentent plus seuls, qu’il convient de maintenir le seul organisme de bienfaisance de caractère espagnol et bénévole qui les représente directement ». La loi créant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission des recours sera finalement adoptée par le Parlement et promulguée le 25 juillet 1952.

Pour une définition universelle du droit d’asile

Pendant la discussion du projet de loi visant à autoriser la ratification de la Convention de Genève, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, emmenée par Daniel Mayer, demande que soit adoptée une définition du terme « réfugié » différente de celle de la Convention. D’une part, elle estime qu’une simple déclaration de persécution devrait suffire pour reconnaître la qualité de réfugié à un individu, sans que le gouvernement d’accueil ait à juger de sa validité. D’autre part, elle demande la suppression de l’exclusivisme européen (la Convention laisse en effet aux États la possibilité de réduire son champ d’application aux seuls réfugiés qui ont été victimes d’événements survenus en Europe), car elle considère qu’il y a là une discrimination à l’encontre des réfugiés d’Orient et d’Extrême-Orient. La France a donc, par l’action des élus du peuple, rejoint le camp des partisans d’une définition universelle du droit d’asile.

Mais les fonctionnaires n’ont pas dit leur dernier mot. Il reste en effet à déposer « les instruments de ratification » de la Convention signée en 1951. Lorsque la Convention de Genève entre finalement en vigueur dans le droit français, le 22 septembre 1954, les principales innovations proposées par les parlementaires ont disparu pour faire place aux préoccupations de la bureaucratie. L’application de la Convention sera, en ce qui concerne la France, limitée à l’Europe et aux événements antérieurs au premier janvier 1951 ; et en matière d’emploi, les réfugiés seront soumis au droit commun des étrangers.

Le protectionnisme des intellectuels



Beaucoup de réfugiés intellectuels « se sont révélés implaçables dans leur profession d’origine en raison des restrictions apportées à l’exercice en France de ces professions par des étrangers », note l’OIR en l’année 1949. Pour les dentistes, les médecins, les infirmières, « le placement est pratiquement impossible dans la métropole » ; de même pour les magistrats, les avocats, huissiers et notaires. L’entrée dans les écoles spéciales est toujours réservée aux Français et les réfugiés ne peuvent bénéficier de l’octroi de bourses pour y suivre des cours. Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, où il explique longuement pourquoi les réfugiés qui ont le choix refusent de rester dans l’Hexagone, le Père Braun affirme : « Il m’a été rapporté comment l’Ordre des médecins s’était opposé il y a quelques années à l’entrée en France de certains savants hongrois. Ils ont été acceptés par les États-Unis. Leurs découvertes reviendront en France sous forme de produits américains ». En 1951, le ministère de l’Éducation nationale rappelle que depuis la suppression de l’admission à domicile, il est impossible aux étrangers d’exercer en France dans l’enseignement privé.

En décembre 1960 le député Palewski, pour concrétiser la bonne volonté de la France en cette « année mondiale du réfugié » décrétée par l’ONU, demande au Parlement de voter un projet de loi favorable à l’exercice des professions libérales aux réfugiés politiques. Il rappelle qu’en France ceux qui sont titulaires d’un diplôme étranger ne peuvent exercer leur métier, alors qu’en Grande-Bretagne, il n’existe aucun obstacle à l’exercice de la médecine pour les réfugiés, et qu’en Allemagne les apatrides sont autorisés à postuler sur des emplois requérant des diplômes d’État avec leurs diplômes étrangers. Mais l’Ordre des médecins s’oppose au projet, souhaitant s’en tenir aux textes en vigueur. De même, l’Association nationale des avocats est contre le texte proposé arguant que « le statut de la profession implique la nationalité française ». Finalement, le projet est repoussé suite à l’intervention décisive de la Commission permanente des lois constitutionnelles qui émet un avis défavorable, car ce texte fait un sort meilleur aux réfugiés et apatrides qu’aux naturalisés qui demeurent frappés d’incapacité, par suite de l’article 61 du code de la nationalité.

Le recrutement des Banatais



Les paysans du « Banat » – région du Danube aux confins de la Hongrie, de la Roumanie et de la Yougoslavie – sont considérés comme une main-d’œuvre idéale pour remettre en valeur les terres en friche dans le sud de la France. Pour les faire venir en France, le Quai d’Orsay s’efforce de démontrer qu’il ne s’agit pas de Volksdeutsche (individus d’origine allemande), mais de « Français » venus de Lorraine, au XVIIIe siècle ; ce que contestent de nombreux « experts » anglo-saxons. Néanmoins l’OIR donne son accord pour le recrutement de ces réfugiés en France, à condition qu’ait lieu « un triage individuel pour vérifier l’origine non allemande des Banatais ».

Enjeu international, la question constitue également une donnée essentielle de politique intérieure. La gauche, et tout particulièrement le PCF, refuse tout recrutement d’individus pouvant être soupçonnés de complicité avec Hitler. Les archives du Quai d’Orsay montrent que la crainte d’une campagne communiste sur ce point constitue la hantise majeure de Robert Schuman, alors ministre des affaires étrangères, et de ses proches. L’opposition farouche des communistes explique que le recrutement des Banatais, envisagé dès 1945, ne commencera réellement à s’opérer qu’après leur éviction du gouvernement. Dans les années suivantes, ce problème constitue une importante pomme de discorde entre le ministère de l’intérieur et les affaires étrangères, comme le montre la conférence interministérielle du 20 août 1948 où Jules Moch manifeste son refus catégorique de voir introduits en France des individus « ayant servi dans les Waffen-SS ».

La question se focalise alors une fois de plus sur le problème de la preuve ; en l’occurrence sur le tatouage que tous les anciens membres des unités hitlériennes sont censés porter. « Le problème des SS parmi les Banatais a une importance capitale. De sa solution dépend l’incorporation à la communauté française de 300 000 personnes », constate le Quai d’Orsay. D’où l’envoi dans les camps autrichiens d’un groupe d’experts chargé de recruter un premier contingent de mille Banatais excluant les anciens Waffen-SS. L’opération provoque un véritable drame. Un grand nombre de familles que les recruteurs français veulent séparer à jamais en refusant le visa de départ aux « collaborateurs » refusent finalement de partir, préférant croupir dans la misère des camps. Le critère du stigmate physique s’avère d’ailleurs très rapidement trompeur. Après le pacte Hitler-Antonescu signé en août 1943, beaucoup de Roumains ont été enrôlés et tatoués de force, d’autres ont été tatoués alors même qu’ils n’ont pas servi l’armée allemande. Enfin, certains réfugiés se sont mutilés physiquement pour faire disparaître la trace infamante.

Une autre conférence interministérielle, en janvier 1949, décide alors d’adopter de nouveaux critères de sélection. Les Banatais roumains enrôlés avant août 1943 seront « exclus du recrutement en tant que collaborateurs volontaires du Reich », de même que ceux qui ne pourront prouver leur enrôlement de force. L’on décide par ailleurs de procéder à des vérifications - qui s’avéreront vaines - dans les fichiers de l’armée allemande à Berlin.

Tous les efforts de Maurice Schuman sont finalement récompensés puisque plusieurs milliers de Banatais, sur les 300 000 prévus au départ, originaires du Banat de Temesvar (Timisoara), arrivent finalement en France, beaucoup s’installant dans le Vaucluse.



Article extrait du n°29-30

→ Commander la publication papier
S'abonner

[retour en haut de page]

Dernier ajout : mercredi 16 juillet 2014, 16:00
URL de cette page : www.gisti.org/article3838