Article extrait du Plein droit n° 29-30, novembre 1995
« Cinquante ans de législation sur les étrangers »

Un demi-siècle de flux et de reflux

Michelle Guillon

Géographe, professeur à l’université de Poitiers, membre de MIGRINTER, directrice de la Revue européenne des migrations internationales.
Quand les besoins de l’économie exigeaient l’afflux de bras, la société française ne se posait pas de questions sur son évolution vers la pluri-ethnicité et la pluri-culturalité. Longtemps, l’ordonnance du 2 novembre 1945 a donc fait bon ménage avec l’arrivée de Français et d’étrangers venus d’Europe et du lointain.

Entre 1919 et 1939, déjà, l’immigration avait permis à la population de la France de combler ses pertes et de retrouver son niveau d’avant 1914 malgré la faiblesse de son accroissement naturel. Mais, depuis 1945, dans un contexte de reprise de la fécondité, vitalité démographique et migrations se combinent pour provoquer une croissance de la population qui contraste avec la relative stagnation d’avant la guerre. De 1946 à 1990, la France passe de 39,8 à 6,6 millions d’habitants ; elle gagne près de 17 millions de personnes. Cette croissance s’explique d’abord par l’importance du solde naturel, l’excédent des naissances sur les décès, qui résulte de l’évolution de la fécondité. Le nombre d’enfants par femme, remarquablement faible en France par rapport à celui des autres pays européens jusqu’à la guerre, a commencé à s’accroître en 1942 pour atteindre des niveaux record en 1945 et 1946.

Ce phénomène de « baby-boom » a concerné tous les pays européens, mais il a été plus durable en France qu’ailleurs : la fécondité a gardé un niveau élevé jusqu’en 1964. Depuis, elle a baissé, mais moins fortement que dans les pays voisins : le nombre d’enfants par femme est aujourd’hui en France supérieur à celui de l’Allemagne, de la Belgique, de la Suisse, de l’Italie, et même, depuis peu, à celui de l’Espagne. Les soldes naturels, élevés jusqu’à la fin des années 1960, se sont amenuisés, mais restent positifs. La croissance de la population de la France depuis la guerre s’explique aussi par le maintien de soldes migratoires positifs. Ils atteignent des niveaux élevés jusqu’en 1975, expliquant le tiers à la moitié de la croissance. Par contre, fortement réduits depuis, leur rôle est beaucoup plus limité.

L’effondrement du solde migratoire depuis quinze ans ne signifie pas un arrêt des échanges, mais indique seulement que les départs sont presque aussi nombreux que les arrivées ; en 1990, plus d’un million de personnes recensées déclaraient habiter, en 1982, « hors France métropolitaine » (voir tableau « La croissance de la population (1946-1982) »).

L’entrée de citoyens français représente une part importante de population due aux migrations depuis la guerre. On peut distinguer dans cette immigration deux flux, d’importance numérique très différente : d’une part, les rapatriés qui ont rejoint la France pendant les mouvements de décolonisation, d’autre part, les Français des DOM-TOM venus en France métropolitaine chercher du travail. Les premiers, les plus nombreux, se sont déplacés surtout pendant les deux premières décennies qui ont suivi la guerre. Les seconds, en nombre plus réduit, sont arrivés surtout après 1968.

Les rapatriés : de 1946 à 1962, quelque 300 000 Français ont rejoint la France, venus d’Indochine, de Tunisie, du Maroc, d’Afrique noire. Mais surtout, en 1961-1963, plus d’un million de Français d’Algérie ont rejoint la métropole, dont près de 700 000 entre mars et décembre 1962. La plupart de ces rapatriés, comme d’ailleurs une partie des « Français musulmans d’Algérie » [1] n’étant pas encore en France lors du recensement de 1962, ont été comptabilisés dans les migrations de la période 1962-1968. Après cette vague de rapatriés, la plus importante de l’histoire post-coloniale française, les flux de ce type ne jouent plus qu’un rôle marginal ; il y a pourtant quelques milliers de citoyens français parmi les réfugiés du Sud-Est asiatique arrivés après 1975.

Citoyens français, les rapatriés n’apparaissent en tant que tels que dans le seul recensement de 1968. Ces flux migratoires ont amené en France des populations d’origines très diverses. Ainsi on rencontre parmi les rapatriés d’Algérie, à côté des Français de souche partis dans le cadre de la colonisation et de leurs enfants, des populations qui n’avaient auparavant aucun lien avec la métropole :

— des immigrés, notamment des Espagnols, ayant acquis en Algérie la nationalité française ;

— des juifs, installés en Algérie depuis de longs siècles, francisés en 1882 par le décret Crémieux, et qui s’étaient très rapidement assimilés aux Français d’Algérie. Au moins 100 000 juifs d’Algérie ont rejoint la France ;

— des Algériens que leur engagement dans l’armée ou dans l’administration françaises a amenés à rejoindre la métropole. Beaucoup d’entre eux se sont mal insérés dans la société française, et leurs enfants partagent souvent avec les fils des immigrés algériens les difficultés et les luttes des « beurs ».

Les rapatriés des autres colonies, moins nombreux, présentent aussi une forte hétérogénéité. On trouve ainsi parmi eux des Indiens de Pondichéry, des Français d’origine italienne ou maltaise de Tunisie, des enfants de couples mixtes d’Afrique ou d’Indochine...

L’immigration antillaise et réunionnaise : elle représente aussi pour la métropole un apport de citoyens français ethniquement divers. Les Français nés dans les DOM-TOM, essentiellement aux Antilles ou à La Réunion, étaient 24 000 à habiter la France métropolitaine en 1954 ; ils sont 280 000 en 1982.

Trois étapes peuvent être distinguées dans cette migration [2] :

— de la guerre aux années 1960, elle concerne des effectifs réduits : fonctionnaires surtout (le statut départemental de 1946 favorise leur déplacement vers la métropole), mais aussi étudiants et travailleurs ;

— les années 1960-1975 sont celles de l’immigration organisée. Le départ vers la métropole de jeunes à la recherche d’un emploi apparaît officiellement comme la meilleure réponse à la surpopulation des îles, au chômage et au risque d’explosion sociale. De 1969 à 1978, le Bumidom (Bureau des migrations pour les DOM) incite au départ, aide et encadre de 8 000 à 11 000 migrants par an ;

— depuis 1975, l’immigration organisée perd de son importance. Avec la crise économique, l’incitation institutionnelle s’atténue. Cette politique est d’ailleurs officiellement abandonnée en 1981 (suppression du Bumidom). Mais ce tournant politique n’empêche pas les flux de se poursuivre. L’immigration spontanée prend le relais de l’immigration organisée. Plus de 110 000 personnes nées dans les DOM-TOM et y habitant encore en 1975 ont été recensées dans la métropole en 1982.

La migration des Antillais et des Réunionnais vers la métropole contribue tout au long de la période à la croissance de la population. Mais sa contribution au solde migratoire français reste limitée jusqu’en 1975, étant donné la faiblesse relative des effectifs mis en mouvement lorsqu’on les compare à ceux des rapatriés ou à ceux des étrangers. Après 1975, alors que la plupart des autres flux connaissent un fort ralentissement, celui des Français d’outre-mer continue à s’accroître, puis se maintient. Aussi, dans un solde migratoire qui s’amenuise, leur poids devient important.

L’immigration étrangère est la plus importante par les effectifs concernés. De 1946 à 1990, l’Office national d’immigration (ONI) a introduit ou régularisé plus de 2,7 millions d’actifs et 1,7 million de personnes entrées au titre du regroupement familial. Compte tenu des entrées que cet organisme n’a pas enregistrées (notamment celles des Algériens), la migration vers la France a mis en mouvement près de 5 millions de personnes. Une partie de ces migrants est repartie après un séjour plus ou moins long, mais aucune statistique ne mesure ces sorties [3].

Cinq millions d’étrangers de 1946 à 1990

Les étrangers entrés en France depuis quarante ans ne constituent pas une population homogène. On peut y distinguer des travailleurs manuels ayant migré avec ou sans leur famille, des étrangers plus aisés qui viennent en France exercer une profession et/ou acquérir une formation, des réfugiés politiques.

Les travailleurs manuels : ils constituent une part importante de l’ensemble les migrants. À la fin de la guerre, l’appel à l’immigration paraissait indispensable aux décideurs, à la fois pour fournir de la main-d’œuvre à la reconstruction et aux grands chantiers et pour équilibrer les structures démographiques d’une France vieillie par la dénatalité. Le désir de l’État de maîtriser des flux que l’on souhaitait importants justifie la création, dès 1945, de l’ONI. Mais, en fait, l’immigration ainsi contrôlée restera modeste pendant la première décennie de l’après-guerre. En revanche, la loi de 1947 conférant aux Algériens la citoyenneté française va faciliter le développement d’une migration non contrôlée [4].

C’est pendant la guerre d’Algérie que l’immigration étrangère va prendre le caractère massif que l’on attendait en 1945. L’utilisation du contingent va retarder l’entrée sur le marché du travail de générations de jeunes Français déjà peu nombreuses. La guerre va aussi limiter l’emploi d’une main-d’œuvre algérienne qui se déplace difficilement et dont on se méfie. Après 1962, malgré le retour du contingent et l’entrée des rapatriés, le développement industriel de la France, la multiplication des grands chantiers (croissance de l’immobilier, construction d’équipements publics, de routes, de centrales, mais aussi d’usines, d’entrepôts...), les besoins en main-d’œuvre continuent à s’accroître. Les années 1960-1975 sont des années record pour l’immigration de travailleurs. Avec des fluctuations conjoncturelles (maximum en 1965, puis 1970, minimum en 1968), l’ONI introduit en moyenne 300 000 travailleurs par an.

Les personnes introduites sont surtout des Européens. Avant 1960, les Italiens sont la nationalité la plus fortement représentée parmi les nouveaux arrivants à qui l’ONI attribue une carte de travailleur. De 1960 à 1965, les Espagnols leur ravissent le premier rang, dépassés ensuite par les Portugais qui le garderont jusqu’en 1975.

Mais l’immigration maghrébine se développe aussi pendant cette période. Celle des Algériens, qui reste la plus mal mesurée, connaît des pointes en 1963-1964 et en 1968-1973. Les entrées de Tunisiens et surtout de Marocains vont s’accroître essentiellement pendant la fin de la période. En 1973, dernière année pendant laquelle le nombre d’introductions par l’ONI dépasse les 100 000 travailleurs, les 27 000 Marocains et les 21 000 Tunisiens se classent immédiatement derrière les 32 000 Portugais.

Une nouvelle période

Avec la crise économique, la montée du chômage et le tassement des recrutements dans l’industrie, on entre dans une nouvelle période, que l’on peut faire commencer symboliquement en juillet 1974. À cette date, Valéry Giscard d’Estaing, récemment élu président de la République, annonce la « suspension de l’immigration ».

L’arrêt des flux n’a jamais été total. L’ONI a délivré chaque année 15 000 à 20 000 cartes de 1975 à 1980, puis, après la régularisation des clandestins de 1981-1982, 10 000 à 20 000 selon les années. Une partie de ces travailleurs bénéficient de la libre-circulation : ressortissants des pays de la CEE, mais aussi Libanais, Polonais jusqu’en 1991... D’autres ont bénéficié de dérogations accordées pendant les dernières années soit à des entreprises, soit à des groupes divers : parents de Français, cas « humanitaires »... Enfin une partie des titres sont attribués à des actifs appartenant à d’autres composantes de l’immigration comme les réfugiés.

À côté des entrées régulières, les travailleurs « sans papiers » ont continué à entrer en France après la « suspension » de 1974. Contrairement à ce qui se passait dans la période précédente, ils se sont heurtés à de très grandes difficultés pour se mettre en règle C’est dire l’importance de la régularisation exceptionnelle de 1981-1982. Les 130 000 titres distribués dans le cadre de cette opération représentent à eux seuls la moitié des cartes de travail de nouveaux arrivants attribuées par l’ONI, tous statuts confondus, pendant les dix ans qui ont suivi la « suspension » de 1974. On pouvait espérer après 1982 avoir fortement réduit, sinon supprimé la présence d’immigrés en situation irrégulière. Mais il est probable que cette population s’est reconstituée, les raisons de venir n’ayant pas plus disparu que les raisons de partir.

Les familles des travailleurs, ou du moins d’une partie croissante d’entre eux, constituent une autre composante importante des flux migratoires. L’immigration familiale existait avant la guerre ; elle a repris très vite après 1945, parallèlement à l’immigration des actifs.

L’immigration familiale a concerné d’abord les migrants européens. Le regroupement a été très rapide pour les Espagnols. Dans certains cas, notamment en région parisienne, les femmes ont même précédé leur fiancé ou leur époux, s’employant dans les services domestiques. Si les Portugais, arrivés dans les années 1960, ont le plus souvent migré seuls dans la première moitié des années 1970, il est fréquent que mari et femme, tous deux actifs, arrivent ensemble, précédant quelquefois des enfants, provisoirement confiés à leurs grands-parents. Pourtant, au recensement de 1975, alors que l’immigration de travailleurs portugais s’achevait, près du cinquième des hommes mariés n’avait pas leur femme avec eux. Le regroupement familial s’est prolongé jusqu’au milieu des années 1980.

La séparation des conjoints a été plus longue encore pour les familles venues de l’ancien empire colonial. Avant la guerre d’Algérie, les travailleurs nord-africains vivant en France avec leur famille étaient l’exception. La majorité des migrants était d’origine rurale, et leur famille continuait à faire fonctionner l’exploitation agricole dans laquelle le travailleur revenait en cas de chômage ou après avoir amassé des économies. L’émigration participait d’une stratégie collective de maintien des structures agraires et sociales [5]. Pendant les dernières années du conflit, la destruction des exploitations, quelquefois des maisons (politique des villages de regroupement), va provoquer une première vague d’immigration familiale (1960-1964). Mais la plupart des Algériens restaient des isolés : en 1968, la population algérienne de plus de vingt ans en France comptait une femme pour cinq hommes. Depuis, tout au long des années, un flux limité d’entrées de familles algériennes s’est poursuivi, concernant surtout les couples les plus jeunes.

En 1990, les Algériens de plus de quarante ans restent majoritairement des hommes, alors que les vingt - trente-neuf ans, regroupant les immigrés les plus jeunes et les enfants de ceux qui sont arrivés dans les années 1960, ont une structure par sexe équilibrée. Les familles marocaines ont moins tardé que les familles algériennes à venir rejoindre les travailleurs. Chez les travailleurs venus d’Afrique noire, c’est l’arrêt du recrutement qui, bloquant le système de remplacement des migrants par leurs jeunes parents, a fixé de façon durable des adultes qui ont fait venir épouses et enfants.

Il existe encore aujourd’hui un certain nombre de familles, maghrébines et turques notamment, qui souhaitent se regrouper et qui se heurtent à des difficultés réglementaires accrues. De plus les nouveaux migrants, notamment les régularisés de 1981-1982, cherchent à leur tour à faire venir leur famille. De jeunes adultes, élevés en France, font venir des conjoints choisis dans la région d’origine de leurs parents.

Mais, sans reprise d’une immigration de travailleurs, l’immigration familiale devient un phénomène résiduel.

Les réfugiés politiques : ils n’ont représenté, des années 1950 à 1975, qu’un petit flux de migrants. Depuis, leur poids s’est accru. D’une part, la France a été l’un des principaux pays à organiser l’accueil des réfugiés de l’ancienne Indochine. D’autre part, notre pays, comme tous ses voisins européens, a vu s’accroître le nombre de demandeurs d’asile venant spontanément des pays du tiers-monde. Le développement des moyens d’information et de transports réduit en effet les distances, et un Kurde, un Haïtien, un Tamoul ou un Zaïrois appartenant à un milieu aisé ou cultivé sait, en période de troubles ou de violences, que les pays européens riches sont à quelques heures d’avion.

La structure de la population des réfugiés a donc changé. En 1973, ils n’étaient que 90 000 en France [6], dont beaucoup arrivés avant la guerre. Les trois quarts d’entre eux étaient des Européens, dont 40 000 venaient des pays de l’Est et 30 000 d’Espagne. Parmi les non-Européens, les principaux groupes étaient les Arméniens (8 000), les Vietnamiens et Cambodgiens (3 000). Vingt ans plus tard, le nombre des réfugiés a presque doublé : ils sont près de 200 000. Toutes les nationalités européennes ont vu leurs effectifs diminuer tandis que s’accroît le nombre des originaires d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie. Surtout, près de 100 000 d’entre eux viennent de l’ancienne Indochine. Avec leur arrivée, la population du Sud-Est asiatique en France atteint des effectifs comparables à celle des travailleurs et de leurs familles venus de Turquie ou d’Afrique noire.

Les autres étrangers : une partie des étrangers qui viennent s’installer en France ne sont ni des « immigrés » dans le sens communément admis du terme (travailleurs manuels et leurs familles) ni des réfugiés. Ils appartiennent à des catégories diverses : cadres, intellectuels, artistes, stagiaires, étudiants... Certains viennent de pays développés qui n’ont jamais fourni ou ne fournissent plus depuis longtemps de travailleurs immigrés à la France : Belgique, Allemagne, Grande-Bretagne, États-Unis, Japon... D’autres viennent de pays du tiers-monde, et tout particulièrement de ceux qui ont avec la France d’anciens liens coloniaux et qui lui fournissent aussi de la main-d’œuvre immigrée. Ainsi, parmi les 150 000 étudiants étrangers inscrits dans les universités françaises en 1992-1993, plus de la moitié vient des pays du Maghreb et de l’Afrique francophone.

Constance

La durée de séjour en France des migrants de ces catégories est généralement courte. Leur va-et-vient est comptabilisé dans les statistiques des flux migratoires. Il a peu pesé pendant les années de forte immigration, mais il n’en est plus de même aujourd’hui, alors que les mouvements se ralentissent.

Résultat de ces flux, la population immigrée, étrangère ou devenue française, s’est fortement accrue de l’après-guerre à 1975. Depuis, elle s’accroît au même rythme que la population. En 1975, les immigrés (personnes nées à l’étranger et possédant ou ayant possédé une autre nationalité que la nationalité française) étaient 3,9 millions et représentaient 7,4 % de l’ensemble des habitants de la France. En 1990, ils sont 4,1 millions et leur proportion dans la population est de 7,3 %.

L’accroissement de la population immigrée est largement inférieure à l’importance des flux décrits. C’est que les retours au pays d’origine sont nombreux. C’est particulièrement vrai pour certaines catégories de migrants, les « autres étrangers » par exemple ou encore les « sans papiers » qui ne réussissent pas à régulariser leur situation.

L’affirmation de la stabilisation du nombre des immigrés paraît contredire l’expérience des habitants de la France, et notamment de ses grandes villes. C’est que dans la langue courante ce terme désigne de plus en plus fréquemment l’ensemble des immigrants originaires du tiers-monde et leurs descendants. C’est la visibilité, le visage noir ou basané, quelquefois les traits asiatiques qui le définissent. Le discours sur l’immigration fait, en réalité, référence non aux flux actuels mais aux profondes transformations de la population de notre pays après un siècle d’immigration.


La croissance de la population (1946-1982)

Années Variation
totale
Variation due
au solde naturel
Variation due
au solde migratoire
Contribution du solde migratoire
à la variation totale (en%)
  1* 2* 1* 2* 1* 2*
1946-1954 +2 760 +0,84 +2 421 +0,74 +339 +0,10 12,3
1954-1962 +3 675 +1,09 +2 350 +0,69 +1 345 +0,40 36,6
1962-1968 +3 237 +1,14 +1 912 +0,67 +1 325 +0,47 40,9
1968-1975 +2 904 +0,82 +2 056 +0,58 +848 +0,24 29,2
1975-1982 +1 707 +0,46 +1 486 +0,40 +221 +0,06 13
1982-1990 +2 297 +0,50 +1 883 +0,41 + 414 +0,09 18

1* Variation absolue, en milliers d’habitants.
2* Taux de variation annuel moyen (en%).

Source : INSEE, Recensements. Rapatriés et domiens


Personnes nées dans les DOM-TOM et résidant en France métropolitaine

Années Total dont « nouveaux arrivants »
1954 24200 -
1962 53180 -
1968 91468 44376
1975 172165 83800
1982 282300 112016
1990 339600 84608

Source : INSEE, Les populations des DOM-TOM en France métropolitaine, 1993.


Répartition des étrangers par nationalité depuis 1921




Notes

[1Lors de l’exploitation du recensement de 1968, I’INSEE a classé comme « rapatrié d’Algérie » « toute personne qui résidait en Algérie le 1er janvier 1962 à l’exception des Algériens et des personnes qui, quelle que soit leur nationalité, étaient nées en Algérie et portaient un nom ou un prénom à consonance arabe ou berbère ». Les « harkis » et leurs familles n’ont donc pas été comptabilisés parmi les rapatriés, mais avec les « Français musulmans nés en Algérie », le plus souvent agrégés aux Algériens dans les tableaux publiés.

[2Voir à ce sujet les travaux de Claude-Valentin Marie, notamment « Les populations des DOM-TOM en France métropolitaine », in Espace, Populations Sociétés, 1986/2, p. 197-206. Lire également La dimension migratoire des Antilles d’H. Domenach et M. Picouet, coll. « Caraïbe-Amérique latine », Economica, Paris, 1992.

[3Les retours sont particulièrement nombreux pendant les premières années de la migration. Aussi y avait-il plus de retours avant la suspension de l’immigration qu’après 1974, malgré les politiques d’incitation au retour mises en place depuis. F. Zamora. et A. Lebon, qui ont tenté une évaluation des retours (« Combien d’étrangers ont quitté la France entre 1975 et 1982 ? », Revue européenne des migrations internationales, septembre 1985), les estiment à environ 100 000 par an de 1968 à 1974, 30 000 ou 40 000 par an de 1975 à 1981. Depuis le début de la crise, plusieurs politiques d’incitation au retour ont été mises en place. L’aide au retour (1977-1981) a concerné 94 000 personnes, travailleurs et membres de familles, en majorité des ibériques. L’allocation-retour (1980-1983), prévue dans l’échange de lettres franco-algérien, a été obtenue par 27 000 travailleurs. Enfin l’aide à l’insertion, mise en place depuis la mi-mai 1984 dans le cadre de conventions entre l’ONI et les employeurs des étrangers qui en bénéficient, a concerné 50 000 personnes, travailleurs et membres de familles, jusqu’en décembre 1986. Les conventions conclues avec les constructeurs automobiles en 1984-1985 ont organisé plus du tiers de ces retours. Les Maghrébins représentent la moitié des bénéficiaires de l’aide à l’insertion. Ainsi, en dix ans, quelque 200 000 retours ont eu lieu dans le cadre de procédures assistées.

[4Entre 1950 et 1955, les soldes positifs entre les entrées et les sorties d’Algériens, enregistrés dans les ports, sont de 155 000 personnes. Pendant la même période, I’ONI n’a enregistré que 110 000 entrées d’étrangers.

[5Sur les transformations de l’immigration algérienne, voir A. Sayad, « Les trois âges de l’immigration algérienne en France », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 15, 1977, p. 59-77.

[6Ministère de l’intérieur, Les Étrangers en France. État des étrangers réfugiés et apatrides. Années 1973 et 1983.


Article extrait du n°29-30

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Dernier ajout : jeudi 21 août 2014, 15:34
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