Article extrait du Plein droit n° 21, juillet 1993
« Les étrangers sous surveillance policière »

Surveiller et alerter : L’Observatoire des prisons poursuit sa mission

« Il y a toujours une prison près de chez nous. Quelle image de nous-même se trouve derrière la porte ? Très sûrement notre caricature. Quand se noue la crise, s’exaspèrent les tensions, se multiplient les exclus, alors s’épanouit le racisme, surgissent les réflexes discriminatoires. La discrimination et le racisme, insupportables pour ceux qui en sont victimes dans la rue, les transports en commun, l’accès au logement, l’école, le travail, l’hôpital et ailleurs, prennent un aspect infernal quand il s’exercent dans l’épouvante de la solitude. S’il appartient aux pouvoirs publics de prévenir l’un et l’autre par la vigilance, la formation des personnels et la sanction des actes répréhensibles (y compris des détenus eux-mêmes), les citoyens que nous sommes peuvent et doivent exercer ce regard tiers sans quoi, derrière les murs, se règlent en notre nom, les comptes les plus odieux dans le plus odieux des silences ».

Organisation non gouvernementale créée en octobre 1990, l’Observatoire international des prisons, s’est donné pour mission, en France et dans le monde, la surveillance des conditions de détention des personnes incarcérées et l’alerte, le cas échéant, sur les manquements aux droits de la personne détenue. Des groupes locaux d’observation ont ainsi été constitués, composés chacun d’une dizaine de personnes non salariées de l’administration pénitentiaire. Ces groupes établissent les contacts nécessaires à la recherche de l’information et à sa vérification en s’appuyant sur un protocole d’étude commun : l’Observeur. Ce questionnaire, élaboré à partir des conventions internationales de protection des droits de l’homme et autres règles minimales de détention, est un recueil de quelque cinq cents questions qui passent au crible la vie quotidienne des prisonniers et qui ciblent les difficultés spécifiques à chaque catégorie de population.

Concernant les étrangers, par exemple, parmi les questions posées, on trouve :

  • Un exemplaire du règlement intérieur de la prison est-il remis aux entrants étrangers ? en français ? traduit, et dans quelle langue ?
  • Les étrangers sont-ils informés de voies de recours qui leur sont ouvertes en matière d’expulsion et d’interdiction du territoire ?
  • Les détenus font-ils état de délits de caractère raciste qui ne sont pas l’objet de sanctions ?
  • Les détenus étrangers ou appartenant à une minorité ethnique, ont-ils accès, au même titre que les nationaux : à la formation générale et professionnelle ? au travail en prison ? aux soins médicaux ?
  • La direction du lieu de détention veille-t-elle à ce que les détenus étrangers puissent bénéficier, au même titre que les nationaux, des aménagements de peine légaux, permissions de sortie, libérations conditionnelles, semi-liberté... ? De manière plus immédiate, chaque groupe de vigilance s’oblige à une « veille informative » : celle-ci se traduit par l’envoi de communiqués à la presse chaque fois qu’il estime qu’un événement, ponctuant la vie de l’établissement observé, implique qu’il soit dit. Chaque année, le travail d’un groupe aboutit à l’élaboration d’un document détaillé. La somme des documents réunis permet la rédaction d’un rapport sur l’état des prisons pour les pays considérés. Ce rapport est remis aux pouvoirs publics et à la presse.

Le rapport 1993 [1], le premier de l’Observatoire international des prisons [2], présente les conditions de détention des prisonniers ordinaires pour l’année 1992 dans vingt-deux pays du monde.

Ici, la prostitution est instaurée et contrôlée par les gardiens.

Là, il n’existe qu’une seule latrine pour 920 détenus.

Ailleurs encore, l’administration pénitentiaire sert 36 graines de haricots par jour et par détenu.

Constat.

Les prisons du monde souffrent de mille maux.

Les hommes, les femmes, les enfants qui les peuplent, leurs proches, sont, chaque jour et à plus d’un titre, condamnés.

Droits de l’homme ?

Bien souvent, les droits de la personne détenue ne sont que des mots.

Uniquement des mots.

Dévoiler ce que cachent les prisons du monde, c’est sans doute donner un sens à ces mots.

Les transformer en actes.




Notes

[1Ce rapport est en vente au prix de 60 F.

[2Observatoire international des prisons, 11, rue du Puits Gaillot - BP 1196 - 69203 Lyon cedex 01


Article extrait du n°21

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Dernier ajout : lundi 15 septembre 2014, 11:55
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