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Le Conseil d’État refuse de condamner les pratiques illégales de la police aux frontières à Menton

Le 5 juillet 2017, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu une décision validant les pratiques inacceptables de la police aux frontières (PAF) : privation de liberté hors de tout fondement légal, entraves au droit de solliciter l’asile, violation des droits des personnes mineures.

Le juge des référés du Conseil d’État, saisi en appel d’une ordonnance rendue le 8 juin dernier par le tribunal administratif de Nice, confirme la décision rendue par celui-ci et refuse à son tour de condamner les pratiques constatées par nos associations.

Depuis juin 2015, à la suite de contrôles discriminatoires, des personnes sont privées de liberté dans les locaux de la PAF à Menton Pont Saint-Louis en dehors de tout cadre légal et sans aucun contrôle judiciaire, loin du regard des citoyens, des citoyennes et des associations de défense des droits humains. Exilées, demandeuses d’asile, mineures isolées, ces personnes sont ensuite refoulées illégalement vers l’Italie, en violation du droit national et des textes internationaux.

Le 6 juin 2017, l’Anafé, l’ADDE, La Cimade, le Gisti et le SAF avaient donc saisi d’une requête en référé-liberté le tribunal administratif de Nice afin de « faire cesser toutes les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales résultant de la privation de liberté de personnes exilées, consécutives de la décision informelle du préfet des Alpes-Maritimes de créer une ‘zone de rétention provisoire pour les personnes non-admises’ ».

Le tribunal administratif n’avait pas voulu censurer la privation de liberté sans aucun droit des personnes exilées arrivant à la frontière franco-italienne (par voie terrestre ou par train) dès lors qu’elle ne dépassait pas une durée de 4 heures, ajoutant seulement qu’au-delà de ce délai elles devaient être transférées dans la zone d’attente à l’aéroport de Nice. Le tribunal affirmait aussi que l’administration n’était pas en faute en n’informant pas ces personnes de leur droit de demander l’asile. Enfin, le tribunal n’avait pas fait droit à la demande des associations tendant à ce que les personnes mineures, bénéficient, conformément aux textes, d’une mise à l’abri en attendant qu’elles soient confiées aux services de protection de l’enfance.

Le Conseil d’État dit à son tour que, pendant une durée de 4 heures, les personnes peuvent être privées de liberté en dehors de tout fondement légal et donc sans bénéficier d’aucun des droits normalement garantis en cas de privation de liberté. S’il constate qu’il y a eu des dépassements de cette durée de 4 heures, inventée de toutes pièces par les juges, sans aucun fondement textuel, et considérée comme acceptable et proportionnée, et que des mineurs ont été maintenus puis refoulés (notamment dans la nuit du 26 au 27 juin où 165 personnes ont été privées de liberté à Menton Pont Saint-Louis), le Conseil d’Etat botte en touche en précisant qu’il leur appartient de saisir la justice un par un pour que les violations constatées soient sanctionnées.

Enfin, la violation du principe de dignité humaine est écartée d’un revers de main : aux yeux du Conseil d’Etat les conditions de maintien ne seraient pas attentatoires à la dignité humaine dès lors que les personnes « disposent de sanitaires et se voient proposer des bouteilles d’eau ».

Nos organisations déplorent que le juge des référés du Conseil d’Etat, fermant les yeux sur les réalités du terrain et ignorant les pièces produites qui l’attestent, valide les pratiques de la police aux frontières et, sous couvert de pragmatisme, contribue au délitement de l’Etat de droit en France alors que le juge administratif français se targue par ailleurs, d’être le garant des libertés fondamentales. Cette démission est d’autant plus grave qu’elle donne un blanc seing au gouvernement qui préfère enfermer et refouler les migrants aux frontières que dégager des moyens pour accueillir les exilés, dans le respect de ses engagements : en témoigne, une fois de plus, l’évacuation forcée, ce matin, des 2 000 personnes qui campaient, faute d’hébergement, à la Chapelle.

7 juillet 2017

Signataires :

  • Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)
  • Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
  • Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s (Gisti)
  • La Cimade
  • Syndicat des avocats de France (SAF)
Conseil d’Etat (réf.), 5 juillet 2017

Voir également : www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/info-franceinfo-la-france-soupconnee-de-renvoi-illegal-de-migrants-mineurs-vers-l-italie_2271319.html

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Dernier ajout : vendredi 7 juillet 2017, 14:43
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