Protection sociale /
Condition de régularité du séjour (résidence régulière)
À ne pas confondre avec la condition de résidence (habituelle) sur le territoire, ni avec les conditions d’ancienneté de présence et/ou d’antériorité de titres de séjours (3 mois, 5 ans, 10 ans...)
Les textes réglementaires et législatifs relatifs à la condition de régularité de séjour, ainsi que les circulaires, se trouvent classées dans les rubriques consacrées aux différentes catégories de prestations.
Sont présentés ici les jurisprudences et divers documents utiles sur la question.
Maintien des droits sociaux 3 mois après l’expiration d’une carte de résident ou carte de séjour pluriannuelle d’une durée de 4 ans ou CRA de plus d’un an. Egalement pour les CST et autres CPA mais seulement dans certains départements (liste fixée par arrêté) et jusque fin 2020 (= article L.311-4 Ceseda modifié par article 63 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 - recod. L.433-3) - il faut justifier de l’attestation de dépôt de sa demande de renouvellement (R.311-9, recodifié R433-3) (voir Défenseur des droits, Règlement amiable RA-2019-130 du 24 septembre 2019 relatif à la rupture de droits aux prestations familiales lors du renouvellement de la carte de résident)
I. Jurisprudences
- Cour de cassation, 27 juillet 1948, Lefait (Dalloz 1948, p. 535) (« Il est de principe que les étrangers jouissent en France des droits qui ne leurs sont pas spécialement refusés » - jurisprudences ultérieures : ils bénéficient aussi de tous les droits privés sauf ceux qui leur sont inaccessibles en vertu d’une disposition expresse)
- CCAS, 14 octobre 1986 (aide médicale - condition de résidence mais pas de condition de régularité)
- Cour de Cassation, 7 juin 1989, 86-18.908 (interprétation stricte des listes de titres de séjour : ici, refus prestations familiales pour récépissé de première demande de titre de séjours idem pour PF : Cass, 11 mars 2010, no 09-12.754, Bull, II, no 58 - voir aussi dans le même sens, 24 février 1994, 90-17.150 ; 14 mars 2007, no 05-19.740 ; 15 mars 2012, no 11-14.437 et no 11-12.210 ; 21 juin 2012, no 11-21.607 ; 23 mai 2013, no 12-16.802 et no 12-17.238 ; 17 décembre 2015, no 14-29.910 ; 24 novembre 2016, 15-26.271). Sur interprétation stricte, voir également Cour de cassation, 7 mai 2014, 13-16.370 (AAH - APS), Cour de cassation, 30 mai 2013, 12-17.000 (AAH) ou Cour d’appel de Paris, 27 octobre 2014, 14/01863 (pension de réversion)
- TA Strasbourg, 2 août 1990, Matadidi c/ Département de la Moselle (aide sociale à l’enfance sans condition de nationalité ou de régularité) - commentaire dans Plein Droit n°12 - novembre 1990
- Conseil Constitutionnel – décision n° 93-325 du 13 août 1993 - points 2 à 4 et 115 à 130 (constitutionnalité de l’exigence de régularité de séjour pour la plupart des prestations sociales, avec toutefois certaines réserves ou garde-fous - voir le commentaire critique de Jean-Jacques Dupeyroux "Protection sociale : la régression des principes constitutionnels", Plein droit n° 22-23, octobre 1993)
- TASS de la Vienne, 13 mars 2000, n°99-334 - Epoux Rahoui (prestations familiales)
- CE, 6 novembre 2000, n°204784, Gisti (listes de titres de séjours différentes pour justifier de la régularité de séjour justifiées par les "buts de la loi" (sic))
- TA Marseille, référé, 21 janvier 2002, n°017590 (aide sociale facultative / service public facultatif à caractère social - suspend décision de la Commune de subordonner les réductions de cantine scolaire à la production d’un titre de séjour)
- Cour de Cassation, 19 décembre 2002, n°00-22085 (la régularité du séjour est "justifiée par la nécessité pour un Etat (...) d’exercer un contrôle à l’entrée sur son territoire") (assurance maladie). Dans le même sens, voir également Cour de cassation, 10 avril 2008, 07-12202 (prestations logement) et Cour de Cassation, 14 mars 2007, 05-19740 (prestations familiales)
- Conseil d’Etat, 12 décembre 2003, n°235234 et n°237932 (l’établissement de listes de titres de séjours différentes pour justifier de la régularité de séjour pour l’affiliation à la sécurité sociale et pour le bénéfice de l’AAH ne méconnait pas le principe d’égalité, justifié par les "buts de la loi" (sic)). Voir aussi ci-dessus CE, 6 novembre 2000, gisti, n°204784
- TA Marseille, référé, 16 avril 2004, n°0402367 (suspend refus aide financière ASE au motif de l’irrégularité du séjour)
- TA de Paris, 23 septembre 2005, n°0303466/6-3 (pdf) (prestations d’aide sociale facultative des collectivités locales - La liste des titres de séjour pour les prestations d’aide sociale facultatives ne peut être plus restrictive que celle prévue par le législateur pour les prestations de l’aide sociale légale (décret 94-294 du 15 avril 1994)
- CEDH, 25 octobre 2005, Niedzwiecki c/ Allemagne, no 58453/00 ; Okpisz c/ Allemagne, no 59140/00 (on ne peut refuser des prestations au motif que les personnes disposent d’un droit au séjour temporaire et non permanent).
- CDAS Loire Atlantique – 8 mars 2008 n°2039394 [Pas de condition de régularité de séjour en matière d’admission en hébergement en CHRS]
- Cour d’appel de Paris, 18e chambre, 15 mai 2008, RG n° 20502993 (prestations familiales - reproduit dans la Note pratique GISTI « Les enfants entrés hors regroupement familial ont droit aux prestations familiales », 2ème édition, juin 2009)
- TASS de Limoges (Haute-Vienne) du 10 juin 2009, n°20900193 (un récépissé de première demande de titre de séjour atteste de la situation régulière ouvrant droit aux prestations familiales)
- TASS de Limoges (Haute-Vienne) du 25 juin 2009, n°20800157 (pension de réversion - veuve sans titre - exigence de titre contraire à article 7 accords d’Evian et à article 14 CESDH)
- TA de Toulouse du 31 janvier 2011, n°0703184 [Pas de condition de régularité de séjour en matière d’hébergement d’urgence]
- TASS Paris, 17 mai 2011, n° 10-05011 (droit de liquider sa pension de retraite pour un titulaire de la carte de retraité - titre ne figurant pas à l’article D. 161-2-4 qui liste les titres ou justificatifs exigibles en matière d’assurance vieillesse).
- CE, juge des référés, 10 février 2012, n°356456 (le droit à l’hébergement d’urgence, liberté fondamentale, est inconditionnel - mais depuis, le communiqué de presse et le dossier documentaire qui figurait sur le site du CE ont été ôtés..- voir aussi ici)
- Cour de cassation,12 septembre 2012, 11-18.073 ("l’obligation de reloger, qui relève de l’ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi, sans distinguer selon que l’occupant étranger est ou non en situation irrégulière" - protection des occupants, relogement et indemnité d’éviction : articles L.314-1 et suivants du code de l’urbanisme)
- TA Nantes, 15 fév. 2013, n°1009910 (refus allocation mensuelle ASE - exigence illégale par le règlement Maine et Loire de la "possibilité d’envisager une évolution de la situation familiale à court ou moyen terme", par ex du fait de l’absence "d’une perspective de régularisation... compte tenu de leur situation au regard de la législation sur le séjour..." et TA Nantes, 21 mars 2014, n°1107005 (refus allocation mensuelle ASE - exigence illégale par le règlement Maine et Loire "d’actes porteurs d’amélioration de la situation" et donc d’une condition de stabilité au regard du droit au séjour - Dr. Adm., juin 2014, n°6 p.34) (décisions citées in Seguin, Guide du contentieux du droit des étrangers, LexisNexis, p.158)
- Cour d’appel de Reims, 2 décembre 2014, n° 13/01075 (prestations familiales - le courrier du préfet informant de la régularisation de la situation administrative en octroyant une CST d’un an "constitue une APS d’une durée de validité supérieur à trois mois visé par le 7° de l’article D. 512-1 CSS", et ce d’autant que cet article "ne restreint pas les formes que doit présenter cette autorisation provisoire, laquelle peut résulter d’une décision préfectorale individuelle") (semble toutefois contraire à l’arrêt de la Cour de cassation, 23 mai 2013, n° 12-17238)
- Cass, 26 Mars 2015 n° 13-25046 (La nécessité d’un titre de séjour pour bénéficier des fonds d’indemnisation des victimes d’infraction - art L.706-3 du code de procédure pénale - ne constitue pas une discrimination au regard CESDH / mais cette condition de régularité a depuis lors été supprimée par l’article 20 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 car contraire à la Convention d’Istanbul - convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011 (articles 4.3 et 30) - voir le pb posé dans cette note pratique sur l’"Indemnisation des victimes d’infractions" - la date d’appréciation pour la levée de la condition de régularité est la date de la demande d’indemnisation et non la date du fait dommageable : Cour de cassation, 12 janvier 2017, 16-10.069, idem 16-10070)
- CCAS, 17 novembre 2015, n°150407 (les dispositions sur l’accueil des demandeurs d’asile, de la compétence de l’Etat/préfet, ne font pas obstacle à l’application des art L511-9 et suivants CASF, dont l’art L.511-2 sur la mise à l’abri par la commune, dans le cadre de l’aide sociale communale dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle) (articles de presse Huma), Républicain Lorrain) (Art L.511-1 à 511-10 CASF - aide sociale communale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle incluant mise à l’abri, entretien indispensable, soins et prescriptions nécessaires en cas de maladie ainsi que funérailles décentes (L.511-2), attribuée sans condition de régularité du séjour "Toute personne dénuée de ressources et âgée de plus de seize ans")
- CJUE, 1re ch., 14 juin 2016, aff. C-308/14, Commission c/ Royaume-Uni (citoyen UE - exiger la la régularité du séjour pour l’octroi de prestations familiales est une discrimination indirecte, mais c’est justifié bla-bla... - commentaire)
- TA Grenoble, 5 décembre 2016, n°1604220 (annulation d’une décision du Conseil départemental de refus d’attribution aux familles sans papiers : "les prestations d’ASE sont attribuées aux ressortissants étrangers sous les mêmes conditions que pour les personnes de nationalité française sans qu’il soit possible de distinguer entre les demandeurs étrangers en situation régulière en France et les autres")
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Cour de cassation, Civ.3ème, 20 octobre 2016, n°15-19.091(annule refus par société HLM de transfert du bail - prévu par art 14 de la loi du 6 juillet 1989 - au concubin notoire en situation irrégulière, mais décision rendue inutile par l’article 120 de la loi Elan du 23 novembre 2018 qui étend la régularité du séjour à tous, conjoint, partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité, concubin notoire et, lorsqu’ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d’un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap et les personnes de plus de 65 ans)
- Définition de la régularité de séjour (pour remplir la condition de régularité au sens de l’article L 380-1 du CSS - affiliation assur maladie sur critère de résidence / "CMU de base")
- certains documents "hors normes" (convocation, attestation de dépôt...) permettent de justifier qu’une personne n’est pas en situation irrégulière : CE, 1 février 1995, 154329 (refus récépissé, convocation) ; CE, 15 décembre 2004, 274863 (convocation) ; mais, contra, pas une attestation dépôt en cas de réexamen (CE, 14 décembre 2005, 254934)
- une décision de justice "vaut APS" et, même si elle n’est pas délivrée, l’étranger est réputé être en règle : CAA BORDEAUX, 09 février 2016, 15BX02961 (en vertu de L512-4 Ceseda, " M., qui avait obtenu par [décison du TA], l’annulation de [l’OQTF] était muni d’une autorisation provisoire de séjour"
- un courrier de la préfecture peut valoir APS : TASS lyon 13 avril 2016, n°20122052 ("contrairement à l’argumentation de la CAF.., le courrier de la préfecture [acceptant de délivrer une CST, délivrance de CST refusée ensuite] constitue l’autorisation de séjour visée par .. le CSS, une telle autorisation pouvant résulter d’une décision préfectorale individuelle" + "la reconnaissance par la préfecture elle-même de la qualité d’étranger malade de Monsieur ... entraînant l’obligation de la délivrance du titre confirmée à deux reprises par le TA, c’est à tort que la CAF a refusé de verser l’AAH...."
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II. Documents
- Note pratique GISTI « Sans papiers mais pas sans droits », 8ème édition, octobre 2023. ;
- Ministère de l’Intérieur, DGEF, courrier sur les nouvelles attestations ANEF, 10 octobre 2023 (ouverture et maintien des droits sociaux pour titulaires de l’attestation de prolongation d’instruction pour les bénéficiaires d’une protection internationale (réfugiés, bénéficiaires PS) = "ont les mêmes effets que les récépissés papier" qu’elles remplacent)
- Règlement départemental d’aide sociale d ’lndre-et-Loire - AS personnes âgées et personnes handicapées - 2014 (page 10 : rappel de l’exemption de condition de régularité de séjour ou de condition d’ancienneté de présence de 15 ans avant 70 ans en matière d’aide sociale pour les ressortissants d’un pays ayant signé la convention européenne d’assistance sociale et médicale ou une convention de réciprocité ou encore un protocole d’accord en matière d’aide sociale)
- Circulaire DAS n° 95-16 du 8 mai 1995 relative aux droits à l’aide sociale des étrangers résidant en France (Bulletin officiel du ministère chargé des affaires sociales n° 95/22 p. 77-95) (version word) (circulaire post loi Pasqua)
- Circulaire ministérielle D.S.S./A.A.F. n° 95-11 du 17 février 1995 (version word) (circulaire condition de régularité de séjour - post loi Pasqua). Voir également Circulaire CNAV n° 60/96 du 28 juin 1996 sur le contrôle de la régularité du séjour des étrangers en France (version word)
- "Immigration. Les immigrés et la protection sociale", ENA, juillet 1984, rapport d’un groupe de travail animé par Christian Nguyen, membre du cabinet de la ministre socialiste Georgina Dufoix, et présidé par Gilles Johanet, ancien conseiller social du Premier ministre Pierre Mauroy (1981-1984) et alors président de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Rapport préconisant l’extension de la régularité de séjour à toute la protection sociale, ayant préconisé l’exclusion des prestations familiales des enfants entrés hors regroupement familial, etc. (pour l’Histoire). Parties : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
- voir également le navrant 1er rapport du HCI de 1991. Pour une analyse critique de ce rapport, voir cet édito de Plein Droit ou cet article sur le HCI.
- Protection sociale : la régression des principes constitutionnels, Plein droit n° 22-23, octobre 1993 (article de Jean-Jacques Dupeyroux sur la loi Pasqua de 1993)
- Lola Isidro, La protection sociale des personnes étrangères. Pour un nouveau critère d’accès aux prestations sociales, Informations sociales 2016/3 (n° 194), pages 106 à 116
- Caroline Izambert, "La régularité du séjour des étrangers en France : frontière du projet d’universalisation de la protection sociale ?", Revue française des affaires sociales 2018/4, pages 17 à 37
- Précarisation du séjour, régression des droits, collection "Penser l’immigration autrement ", Février 2016, dont
- Aides sociales et recours juridiques : comment Strasbourg résiste à la loi immigration, Mediapart, 5 janvier 2024 (sur les aides sociales locales qui peuvent ne pas être conditionnés à la régularité du séjour)
- Sur l’Histoire, voire les rubriques "histoire" des pages "prestations familiales" et "maladie" (par exemple sur condition de régularité pour l’assurance personnelle qui n’existe plus depuis 2000)
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