Article extrait du Plein droit n° 12, novembre 1990
« Le droit de vivre en famille »
Les subtilités du code de la nationalité
Le recours suspensif instauré par la loi du 10 janvier 1990 débouche parfois sur des décisions tout à fait intéressantes...
Mme A., de nationalité égyptienne, réside en France depuis quelques années en situation totalement irrégulière : contrôlée sur la voie publique et ne pouvant produire aucun document de séjour, elle est conduite au commissariat puis à la préfecture. Le préfet de police lui notifie alors un arrêté de reconduite à la frontière daté du 29 juin 1990. Sur le fondement du nouvel article 22 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, qui permet dans les 24 heures suivant notification de la mesure d’éloignement, de déposer un recours auprès du tribunal administratif compétent, Mme A. est déférée devant cette même juridiction.
Décision tout à fait étonnante, ce tribunal rapporte l’arrêté de reconduite au motif que Mme A. est mère d’enfant français. En effet, par la combinaison des codes de nationalité égyptien et français, l’enfant de Mme A. s’est vu reconnaître la nationalité française à la naissance alors que, par application du droit commun en la matière, tout enfant né en France de parents étrangers ne devient automatiquement français qu’à 18 ans et à condition d’avoir résidé sur le territoire national entre 13 et 18 ans. Jusqu’à sa majorité, l’enfant possède donc la nationalité de ses parents. L’enfant de Mme A. aurait par conséquent dû avoir la nationalité égyptienne... si l’État égyptien ne lui en avait refusé l’octroi : « un enfant issu d’un mariage non enregistré au consulat d’Égypte à Paris ne peut obtenir la nationalité égyptienne. De ce fait, selon la loi égyptienne, l’enfant A. n’est pas reconnu en tant qu’égyptien ».
Cet enfant, né en novembre 1988 dans le vingtième arrondissement de Paris, serait par conséquent apatride, si l’article 21-1 du code français de la nationalité ne stipulait que « l’enfant né en France de parents étrangers et à qui n’est attribuée par les lois étrangères la nationalité d’aucun des deux parents » est français.
Les démarches auprès du tribunal d’instance pour réclamer l’application de cet article étaient en cours quand Mme A. est passée devant la juridiction administrative. Les juges ont reconnu le droit pour cette ressortissante égyptienne de faire une déclaration de nationalité française au nom et pour le compte de son jeune garçon. Dès lors, potentiellement mère d’enfant français, Mme A. est protégée d’une mesure de reconduite à la frontière. Elle a été libérée.
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