« PLEIN DROIT », LA REVUE DU GISTI
Articles en ligne
Droit au séjour et santé mentale : évolution et enjeux
/ Francis Remark & Arnaud Veïsse / Article du Plein droit n° 131, décembre 2021
L’analyse historique des modalités de la reconnaissance des besoins de protection et de soins en France pour les exilé·es montre l’empreinte des volontés politiques. « Droit au séjour pour raison médicale », l’expression signale d’emblée deux logiques différentes : d’une part, la question du droit au séjour des étrangers, qui est au cœur des politiques d’immigration depuis 40 ans ; et d’autre part celle du droit à la santé, elle-même au cœur du débat public depuis l’émergence de la pandémie de Covid. C’est de la tension entre ces deux logiques que dépend, depuis plus de 20 ans, (…) [Lire la suite]
Des passeurs bien commodes
Édito du Plein droit n° 131, décembre 2021
Le récent drame dans la Manche n’y aura pas échappé. Le jour du décès de 27 migrants, dans une funeste ritournelle désormais bien connue, on aura entendu sur toutes les ondes l’habituel discours sur les passeurs : « principaux responsables », « organisation mafieuse », « criminels qui exploitent la misère des gens ». Et de jouer sur l’émotion en précisant : « il y a des femmes enceintes, des enfants qui sont morts hier, dans cette embarcation de fortune. Pour quelques milliers d’euros on exploite ces personnes pour leur promettre l’eldorado en Angleterre [12] ». Le (…) [Lire la suite]
La parole en souffrance et son discrédit
/ Laure Wolmark & Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky / Article du Plein droit n° 131, décembre 2021
Le psychotraumatisme constitue une catégorie nosographique dont la reconnaissance a évolué tant sur le plan social que dans la communauté scientifique. Cependant, les exilés souffrant de ces troubles ne profitent pas de cette évolution favorable, particulièrement en matière de droit au séjour pour raison médicale. À l’origine de cette exclusion se trouve le discrédit porté sur la parole des exilé·es, un discrédit qui concerne non seulement la procédure d’asile mais aussi les pratiques d’évaluation des troubles psychiques dans l’instruction des dossiers. [Lire la suite]
Résistance à l’expulsion : l’enfermement pour horizon
/ Marie Laigle / Article du Plein droit n° 131, décembre 2021
Malgré la pandémie de Covid, les centres de rétention n’ont jamais été fermés et l’exigence d’un test PCR pour franchir les frontières a été perçue comme un obstacle supplémentaire à l’organisation des expulsions par l’administration, a fortiori si la personne s’y oppose. Nouvelle étape de la pénalisation des résistances à l’expulsion, les autorités ont fait du refus de se soumettre au test de dépistage un motif légal d’emprisonnement. En comparution immédiate, la justice banalise le continuum de l’enfermement. [Lire la suite]
Muraille d’Europe
Édito du Plein droit n° 130, novembre 2021
À ce stade, nous n’avons assisté à aucun vaste mouvement d’Afghans franchissant les frontières de leur pays », constate, le 10 septembre, Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés [22]. Le même qui, quelques jours auparavant, avait alerté sur la probabilité d’un exode de 500 000 personnes avant la fin de l’année [23] . Même son de cloche du côté de l’Organisation internationale pour les migrations, dont le directeur général, Antonio Vitorino, explique, le 13 septembre, qu’autant ses équipes sur le terrain enregistrent « des niveaux élevés de (…) [Lire la suite]
Mobilités étudiantes internationales : l’attractivité de la France
/ Lama Kabbanji, Antonina Levatino et Sorana Toma / Article du Plein droit n° 130, novembre 2021
Sixième pays d’accueil des étudiants étrangers à l’échelle internationale, et troisième en Europe derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne [32], la France s’est engagée depuis 2018 dans la mise en place d’une nouvelle « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », dénommée « Bienvenue en France » – réponse supposée au constat d’un ralentissement des mobilités étudiantes vers le pays. Comment la place relative de la France a-t-elle évolué ces deux dernières décennies dans un contexte international de compétition accrue pour ce type de migrants ? Et quelles sont les raisons (…) [Lire la suite]
« Bienvenue en France » : attirer… ou trier ?
/ Marion Tissier-Raffin / Article du Plein droit n° 130, novembre 2021
Faire payer plus cher pour attirer davantage : telle est la nouvelle stratégie, aussi paradoxale qu’inégalitaire, d’accès à l’enseignement supérieur appliquée aux personnes étrangères souhaitant étudier en France. D’un revers de la main, les juridictions ont balayé l’action contentieuse menée par les associations étudiantes et les résistances des universités qui y voient une violation des principes de gratuité et d’égal accès à l’instruction. Les étudiants internationaux les moins solvables comme les universités en font déjà les frais. [Lire la suite]
« Left-to-die boat » : dix ans d’obstruction judiciaire
/ Patrick Henriot / Article du Plein droit n° 130, novembre 2021
Mars-avril 2011 : une embarquation surchargée d’exilé·es fuyant la Libye en proie à la guerre civile dérive sur la Méditerranée. Malgré la présence de nombreux navires d’une coalition internationale coordonnée par l’Otan, aucun ne leur portera secours, abandonnant à la mort 63 des occupant·es de l’embarcation. À la lente dérive de leur bateau a succédé la lente dérive d’un dossier d’instruction dans lequel aucune investigation sérieuse ne sera entreprise pendant dix ans. Autopsie d’un fiasco judiciaire… toujours en cours. [Lire la suite]
Quand un des garde-frontières de l’Europe se rebiffe
Édito du Plein droit n° 129, juin 2021
« Crise des migrants à Ceuta : il est temps de sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur le Maroc » titrait l’éditorialiste du Monde pour commenter le franchissement, par plusieurs milliers de personnes, le 17 mai dernier, de la frontière qui sépare le Maroc de la ville de Ceuta, l’une des deux enclaves espagnoles encastrées dans le territoire marocain. On se demande qui fait le plus preuve de naïveté : l’Union européenne (UE), invitée un peu plus loin, « au nom d’une amitié qui doit rester exigeante, à signifier au Maroc […] que la défense de ses intérêts (…) [Lire la suite]
Calais ou l’escalade répressive
/ Maël Galisson / Article du Plein droit n° 129, juin 2021
La frontière entre la France et le Royaume-uni est le résultat d’un long processus politique et administratif. Trente-cinq années de négociations et pas moins de vingt et un traités, accords et arrangements entre les deux pays ont été consacrés à la mise en place et au développement de mesures de contrôle et de surveillance toujours plus sophistiquées. Vidéosurveillance, barbelés coupants, drones, caméras thermiques et même déforestation et inondation de certaines zones, autant de techniques destinées à rendre la route migratoire « impraticable ». Pour quel bilan ? Un marché juteux pour les multinationales de l’armement et de la sécurité ; un coût humain considérable ; des passeurs de plus en plus indispensables. [Lire la suite]
Reprendre la Manche ou la « crise des traversées »
/ Corporate Watch, Watch the Channel / Article du Plein droit n° 129, juin 2021
Reprenons quelques chiffres : les arrivées par small boats sont passées de 539 en 2018 à 1 844 en 2019, 8 400 en 2020 [48]. En 2020, les personnes ayant utilisé ce moyen pour entrer en Grande-Bretagne représentaient cependant toujours moins d’un quart des demandes d’asile, dont la demande globale a d’ailleurs diminué de 20 % par rapport 2020 [49]. Mais ni les faits ni les chiffres n’ont d’importance quand, une fois de plus, c’est une « crise » à la frontière de Calais qu’identifient les médias de droite et le gouvernement. Comme en 1998 pour le camp de Sangatte, ou en 2015 pour la jungle (…) [Lire la suite]
« Liberté (d’association), j’écris ton nom »
Édito du Plein droit n° 128, mars 2021
Les temps sont durs pour les libertés. Après le projet de loi sur la sécurité globale, un second texte, « confortant le respect des principes de la République [54] », menace particulièrement les associations dans leur droit d’expression et d’opinion. Selon l’article 6 du projet adopté le 16 février, par l’Assemblée nationale, « [t]oute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention […] auprès d’une autorité administrative […] s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité de (…) [Lire la suite]
La figure de l’apatride, immuable et changeante
/ Danièle Lochak / Article du Plein droit n° 128, mars 2021
« Le terme apatride désigne une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation », énonce simplement la Convention de 1954 relative au statut des apatrides. Cette sobriété est conforme à la représentation que l’on se fait couramment de l’apatridie : un phénomène trop résiduel pour retenir l’attention. Il a fallu que, dans la foulée des attentats de novembre 2015, soit évoquée l’idée d’inscrire la déchéance de la nationalité française dans la Constitution et de rendre passibles de cette sanction les personnes n’ayant pas d’autre nationalité pour (…) [Lire la suite]
1981, l’incendie de New Cross, un tournant dans l’histoire des Noirs britanniques
/ Mogniss H. Abdallah / Article du Plein droit n° 128, mars 2021
Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1981, l’incendie d’une maison au 439 New Cross Road, dans le sud de Londres, provoque la mort de 13 jeunes Noirs et en blesse 27 autres. Qui a mis le feu ? On ne le sait toujours pas. À la suite d’une enquête inaboutie, la police est mise en cause pour son déni de toute motivation raciste. Le « New Cross Massacre » suscite un immense émoi et une mobilisation dans tout le pays, culminant avec le Black People’s Day of Action, qui rassemble 20 000 personnes. Quelques semaines après éclatent les émeutes de Brixton. Ces événements vont accélérer les changements pour la reconnaissance des communautés noires dans la société britannique. [Lire la suite]
L’apatridie dans le Golfe : temporiser et marchander
/ Claire Beaugrand / Article du Plein droit n° 128, mars 2021
Au lendemain des indépendances dans les pays du Golfe, des dizaines de milliers de personnes, souvent nomades et bientôt désignées par le terme bidun, ont été exclues de la nationalité des nouveaux États, dans lesquels elles pouvaient pourtant vivre depuis des décennies. Dans ces pays où les populations étrangères l’emportent sur les nationaux, les voies de la naturalisation sont tellement étroites qu’elle en devient impossible, maintenant les biduns en situation d’apatridie. Pour remédier à ce phénomène, des solutions pour le moins originales ont été envisagées sans qu’un débat de fond ne soit impulsé. [Lire la suite]
La violence comme seul horizon politique
Édito du Plein droit n° 127, décembre 2020
Inacceptable ; c’est le mot qu’a utilisé le préfet de police de Paris, à propos de l’« occupation illicite » de la place de la République après que des exilé·es y ont installé une centaine de tentes, pour justifier la violence rare avec laquelle a été menée, le 24 novembre, leur « dispersion ». Sans doute estimait-il « acceptable » que plusieurs centaines de personnes qui n’avaient pas été prises en charge une semaine auparavant, lors de l’évacuation du campement dans lequel elles survivaient depuis plusieurs semaines porte de Paris, à Saint-Denis, soient privées de toit, contraintes à (…) [Lire la suite]
Régulariser les sans-papiers... dans le monde d’après
/ Violaine Carrère / Article du Plein droit n° 127, décembre 2020
L’épisode de la Covid-19 au printemps 2020 a fait surgir tribunes, prises de position et même éléments de langage (« premiers de corvée ») au moment où il apparaissait que nombre des salariés exemptés de confinement se trouvaient être aussi sans papiers. Et la crise sanitaire aura contribué aussi à mettre en évidence leur rôle dans nombre de secteurs qui ne pourraient pas fonctionner sans leur concours. Ce contexte si particulier sera-t-il l’occasion de repenser non seulement leurs conditions de travail mais surtout leur accès à des droits pleins et entiers ? [Lire la suite]
Dans les foyers, une protection au conditionnel
/ Interview d’Ali El Baz, membre du Gisti et du Copaf / Article du Plein droit n° 127, décembre 2020
Caractérisés par une forte promiscuité, les foyers de travailleurs migrants se retrouvent être les lieux avec le plus fort taux de prévalence de la Covid-19. Difficiles à mettre en œuvre, les consignes sanitaires fixées par les notes ministérielles ou préfectorales y sont souvent restées lettre morte ou appliquées avec laxisme par des sociétés gestionnaires prenant prétexte de l’absence de personnel, lui-même confiné. Sans accès aux espaces collectifs, privés des liens de solidarité, les chibanis les plus âgés ont été abandonnés, comme le montre Ali El Baz, membre du Collectif pour l’avenir des foyers. [Lire la suite]
En Italie, le sale boulot de l’intégration
/ Simone di Cecco / Article du Plein droit n° 126, novembre 2020
Au tournant des années 2000, alors que l’Italie s’interroge sur l’intégration des immigré·es, les programmes de bénévolat à destination de ces populations font florès dans toute la péninsule du fait d’un consensus entre les municipalités, les associations impliquées dans le système d’asile et les entreprises sociales qui assurent l’hébergement. Aujourd’hui, ce sont les personnes en procédure d’asile qui sont visées, leur disponibilité au travail gratuit constituant une preuve irréfutable de leur mérite civique et de leur volonté d’intégration. Pourtant, un tel engagement « volontaire » imposé à une catégorie particulièrement précaire de la population pose question. [Lire la suite]
L’exception Emmaüs
/ Tiphaine Guignat / Article du Plein droit n° 126, octobre 2020
La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du 10 septembre 2018 a donné la possibilité aux 3 000 compagnes et compagnons « sans-papiers » d’Emmaüs d’obtenir une carte de séjour sur la base de leur expérience au sein des communautés. Un an et demi après l’entrée en vigueur des textes, Emmaüs France constate que leurs chances de régulariser leur situation sont très disparates en fonction des préfectures. [Lire la suite]
Les régularisations, composantes des politiques migratoires
/ Sara Casella Colombeau / Article du Plein droit n° 126, octobre 2020
Au fil des ans, et plus nettement encore depuis le milieu des années 2000, les grandes opérations de régularisation se sont raréfiées, avec pour conséquence l’allongement des durées pendant lesquelles les personnes étrangères sont maintenues dans l’illégalité. Les gouvernants considèrent que le coût politique et administratif de ces régularisations collectives est trop élevé et que les sorties de l’illégalité doivent dorénavant s’opérer de manière quasi confidentielle, préfecture par préfecture, dossier par dossier. Le mot lui-même devient tabou et on préfère parler d’« admission (…) [Lire la suite]
Contre les migrants, l’Europe pactise avec les milices
Édito du Plein droit n° 126, octobre 2020
Depuis janvier 2020, 20 000 migrant·es sont arrivé·es en Italie, dont plus de 11 000 en provenance de Libye et près de 9 000 de Tunisie ; environ 3 000 boat people ont accosté à Malte. Dans le même temps, plus de 8 000 personnes ont été livrées aux garde-côtes libyens par le mécanisme de « refoulement par procuration » qui consiste, pour l’Italie, à fournir les moyens techniques d’intervenir sans avoir à le faire elle-même. On ne saura jamais combien sont décédé·es en chemin mais 600 morts ont été décomptées en Méditerranée. Entre le 17 et le 20 août, quatre naufrages ont fait 100 (…) [Lire la suite]
« Retour ». Banalité d’un mot, brutalité d’une politique
/ Claudia Charles, Patrick Henriot et Claire Rodier / Article du Plein droit n° 125, juin 2020
Au catalogue des euphémismes dont aiment à user les institutions européennes pour camoufler le caractère répressif de la politique migratoire, le terme « retour » figure en bonne place. En langage bureaucratique européen, « retour » veut dire « expulsion ». Mais, alors qu’expulser une personne étrangère suppose l’intervention d’une autorité pour la contraindre à quitter le territoire où elle est considérée comme indésirable, l’utilisation du mot « retour » donne l’illusion que cette personne serait l’actrice de son départ. Preuve que le mot est inapproprié, le discours européen a (…) [Lire la suite]
La Tunisie, terre d’accueil… des politiques européennes
/ Sophie-Anne Bisiaux / Article du Plein droit n° 125, juin 2020
Pays en paix, doté d’institutions démocratiques, soi-disant accueillant pour les migrant·es d’Afrique subsaharienne, la Tunisie apparaît comme le candidat idéal pour la sous-traitance des politiques migratoires de l’UE. Et, de fait, les institutions européennes ne ménagent pas leurs efforts pour obtenir un accord de réadmission avec les autorités de Tunis pour faire de ce pays le réceptacle de tous les indésirables d’Afrique du Nord et subsaharienne renvoyés d’Europe, jusqu’à imaginer y installer le plus grand hotspot d’Afrique. [Lire la suite]
Au nom de la crise
Édito du Plein droit n° 125, juin 2020
Alors que la pandémie commençait à gagner le territoire européen et que la logique du « chacun chez soi » se diffusait à l’échelle mondiale, les décisions prises par les États européens au nom de la lutte contre la propagation du virus ont à la fois servi et occulté la politique mortifère de contrôle des frontières. La rhétorique du « risque sanitaire » portée par les instances européennes a distillé l’idée selon laquelle les exilé·es, déjà traité·es en parias de l’Europe, pouvaient aussi être refoulé·es comme des pestiféré·es. Cette fuite en avant s’est largement déployée aux frontières (…) [Lire la suite]
En Guyane, expulser pour assurer la paix sociale
/ Lucie Curet / Article du Plein droit n° 125, juin 2020
La réponse politique aux crises sociales guyanaises s’est concentrée sur la répression des personnes immigrées et en demande d’asile. L’absence de structures d’accueil et les fermetures sporadiques des services administratifs vont de pair avec une activité policière intense consacrée aux expulsions. Le gouvernement ignore sciemment, dans ce territoire, le droit international comme le droit des étrangers malgré les condamnations par les tribunaux et les critiques des instances compétentes. [Lire la suite]
Bricolages langagiers
/ Azita Bathai, Bénédicte Parvaz Ahmad, Rohullah Sidiqullah / Article du Plein droit n° 124, avril 2020
L’interprète est confronté dans sa tâche à de nombreux termes intraduisibles : ceux qui relèvent des institutions, mais aussi ceux qui renvoient à la subjectivité ou à l’intimité des exilé·es. Et souvent, il n’y a pas d’autres solutions pour être compris·e que de recourir à des périphrases et de s’arranger avec la langue. Dans d’autres cas, l’interprète doit rendre compte des particularités régionales, qui auront toutes leur importance dans certains contextes d’exil. [Lire la suite]
La protection fonctionnelle au service des tarjuman
/ Serge Slama / Article du Plein droit n° 124, avril 2020
En langue dari, tarjuman signifie « interprète ». La langue française en a gardé la trace puisque, selon le Dictionnaire historique de la langue française, le terme « truchement » descend de « trucheman » (fin XIVe) qui lui-même est emprunté, au moment des croisades, à l’arabe « Targumân » (traducteur) qui découle lui-même de l’araméen « targumannu » [110]. C’est dans une croisade d’un autre type que ces interprètes afghans ont été embarqués par l’armée française au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, dans le cadre de l’opération Enduring Freedom (liberté immuable). En (…) [Lire la suite]
Les discriminations raciales systémiques enfin condamnées
Édito du Plein droit n° 124, mars 2020
Dans cette entreprise de BTP, au bout d’une cascade de sous-traitance, les ouvriers sont tous maliens, tous sans papiers, et on les appelle… « les Mamadou ». Lorsqu’un des ouvriers réclame des gants ou un masque, il s’entend répondre que s’il n’est pas content, il peut partir ; « il y a d’autres Mamadou qui attendent ta place »… Le conseil de prud’hommes (CPH) de Paris vient de rendre, le 17 décembre 2019, une décision inédite en droit français, en condamnant l’employeur de 25 travailleurs maliens qui l’avaient saisi pour « discrimination systémique en lien avec l’origine ». Les (…) [Lire la suite]
Traduire l’exil : l’enjeu central des langues
/ Alexandra Galitzine-Loumpet et Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky / Article du Plein droit n° 124, mars 2020
Préfecture boulevard Ney, septembre 2017. Deux personnes face-à-face dans un box, trois voix (l’agent, le demandeur d’asile tchadien, l’interprète sur haut-parleur), trois langues : le français et l’arabe à l’oral, l’italien à l’écrit. Le demandeur d’asile répond aux questions, tente d’expliquer que l’Italie, où il a déposé ses empreintes, ne veut pas de lui, qu’il a été refoulé plusieurs fois entre Turin et la France, qu’il en a la preuve écrite. – Agent (en français, à l’interprète, regardant son écran) : « Pour l’instant, il aura une attestation d’un mois, rien d’autre. » – (…) [Lire la suite]
(Sur-)vies calaisiennes
/ Mathilde Robert / Article du Plein droit n° 123, décembre 2019
Aider les exilés à Calais et s’y engager à plein temps, c’est se retrouver face à une réalité contrastée. C’est être témoin de l’horreur policière, mais aussi de l’intense vitalité qu’expriment les diverses communautés qui se reconstituent après chaque agressio subie, reliées les unes aux autres par des pratiques imposées pour la survie du quotidien. Du « bricolage linguistique » à la mémoire entretenue de la « jungle life », les exilés de Calais partagent une expérience des limites. [Lire la suite]
Tapis rouge pour les plus riches
/ Nathalie Ferré / Article du Plein droit n° 123, décembre 2019
« Ah, si j’étais riche ! » Derrière son apparence ironique, le titre de ce dossier résume bien le ton que nous souhaitions donner au numéro, ces quelques mots traduisant l’existence d’un traitement favorable et assumé au profit des plus nantis sur le terrain de la politique d’immigration : aux personnes étrangères ordinaires, des titres précaires subordonnés à des conditions draconiennes avec, en amont, une politique de délivrance de visas pilotée en conséquence ; aux autres – ceux et celles qui sortent « de l’ordinaire » – des facilités pour entrer sur le sol français, y circuler et des (…) [Lire la suite]
En Grèce, « le seuil de gravité requis n’a pas été atteint »
Édito du Plein droit n° 123, décembre 2019
L’arme du droit s’apparente trop souvent à un couteau émoussé qu’il est tentant de remiser au rayon des outils obsolètes. Ainsi, dans une récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), peut-on lire : « Le seuil de gravité requis pour que cette détention soit qualifiée de traitement inhumain ou dégradant n’avait pas été atteint ». Une telle décision conduit une nouvelle fois à s’interroger sur la possibilité effective de protéger les droits des plus fragiles des migrant·es : plus de trois ans après avoir été saisis, c’est en effet une fin de non-recevoir que les juges (…) [Lire la suite]
De l’attente en file à l’attente en ligne
Édito du Plein droit n° 122, octobre 2019
Dématérialisation... Un terme qui évoque simplification, possibilité d’agir à distance, économies... Mais pour qui ? Le processus, qui se déploie dans nombre d’administrations, fait des ravages pour « les administré⋅es ». Pour les personnes étrangères, le passage à la dématérialisation a rendu les préfectures inaccessibles d’une nouvelle manière. Les interminables files d’attente qui se forment encore dès la tombée de la nuit devant les préfectures de certains départements, n’existent plus ailleurs. Mais si on ne voit plus les personnes, cela ne signifie pas qu’elles n’attendent plus ; (…) [Lire la suite]
Outre-mer : le combat de Marie
Article du Plein droit n° 122, octobre 2019
Marie Duflo nous a quitté·es le 16 septembre 2019. Infatigable militante de la cause des étrangers et étrangères, elle était membre du Gisti depuis vingt ans et en a été la secrétaire générale pendant dix ans. Précieuse, efficace et discrète, elle s’est investie sans compter dans toutes les activités sans lesquelles le Gisti ne serait pas ce qu’il est : les publications, les formations, l’actualisation et l’enrichissement du site, le recrutement et l’encadrement des stagiaires… Mais Marie était aussi de tous les combats politiques. On connaît en particulier son engagement pour la défense des droits des migrant·es en outre-mer et son rôle moteur pour animer le Collectif MOM (Migrants Outre-mer) à la création duquel elle avait pris une part déterminante. À de nombreuses reprises, seule ou avec d’autres, elle a contribué, dans Plein droit, à mettre le projecteur sur ces « terres d’exception » où la France mène, plus encore qu’en métropole, une guerre acharnée contre les migrant·es. [Lire la suite]
Quand l’accueil se heurte aux logiques de police
/ Interview de Jean-Marie Boutiflat par Pascaline Chappart / Article du Plein droit n° 122, octobre 2019
Membre du conseil d’administration national de la Fédération des acteurs de la solidarité pendant de nombreuses années, permanent à l’Asti d’Orléans, Jean-Marie Boutiflat a été le gestionnaire du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) de l’association Toits du Monde à Orléans. Ouvert en 2001, ce Cada a été contraint de fermer ses portes en 2013 du fait des sanctions et des injonctions contradictoires préfectorales. Ce « praticien du pouvoir d’agir », comme il se présente, retrace ces douze années de résistance contre l’intrusion des logiques de police dans l’action sociale. [Lire la suite]
Ouvrir : l’accueil au Pays basque
/ Marie Cosnay / Article du Plein droit n° 122, octobre 2019
L’écrivaine Marie Cosnay partage dans ce texte son expérience d’accueil d’exilés au Pays basque et notamment à Bayonne où le maire fait preuve d’un engagement et d’une conscience des obligations de sa fonction peu communs. Entre possibilités de circuler, offre d’une halte réparatrice et accueil durable, habitants, militants et autorités locales proposent des alternatives à une politique d’inhospitalité qui continue de façonner le quotidien de celles et ceux qui arrivent en France. [Lire la suite]
Le droit à la scolarisation pour les nuls... du ministère
Édito du Plein droit n° 121, juin 2019
Il n’y a pas toujours lieu de se réjouir des décisions prises par les juges dans le champ de l’asile et de l’immigration. Pour les associations de défense des droits des personnes étrangères qui ont été amenées à construire des stratégies contentieuses et à multiplier les actions judiciaires pour tenter de faire avancer les droits ou éviter qu’ils ne reculent encore, il y a plus de combats perdus que de batailles gagnées. Dans ce contexte, la décision rendue par la cour administrative d’appel de Paris, le 14 mai 2019, fait figure d’exception. Elle a trait à un droit – le (…) [Lire la suite]
Quand les caravanes passent…
/ Pascaline Chappart / Article du Plein droit n° 121, juin 2019
Depuis l’intégration du Mexique à l’Espace de libre-échange nord- américain, la question migratoire est devenue centrale dans ses relations avec les États-Unis, dans une perspective de plus en plus sécuritaire. Sa frontière méridionale constitue le point de convergence des migrations des pays du sud vers les pays nord-américains. Les caravanes de migrants, qui traversent son territoire depuis la fin 2018, traduisent une façon de rompre avec la clandestinité autant qu’une protection contre les périls de la traversée ; elles sont aussi l’expression d’une geste politique. [Lire la suite]
L’Arabie organise l’expulsabilité des migrants
/ Amadou Seybou Boureima / Article du Plein droit n° 121, juin 2019
L’Arabie Saoudite présente cette particularité d’abriter une population à plus de 30 % étrangère, qui représente 70 % de sa population active… Les migrations de travail s’inscrivent dans le cadre d’un rapport institutionnalisé, la kafala. Elle lie le parrain (le kafil) saoudien et l’immigré, le premier étant « garant » du second. Dans les faits, elle maintient l’immigré dans un rapport de soumission qui confine à l’exploitation, sans le protéger de l’expulsion. Bien au contraire. Les Nigériens en font l’amère expérience depuis des années. [Lire la suite]
« Juste, on te garde vivant »
Édito du Plein droit n° 120, mars 2019
C’est avec ces mots qu’une personne enfermée décrit les conditions de vie au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, dans un témoignage paru durant la grève de la faim menée dans plusieurs centres en janvier dernier [175]. Ces récentes mobilisations collectives, qui s’inscrivent dans la lignée de nombreuses autres actions, sont des symptômes graves de la politique migratoire des gouvernements qui se succèdent depuis 20 ans. Le 20 février, des personnes ont entamé leur cinquantième jour de rétention, en application des dispositions de la loi « pour une immigration (…) [Lire la suite]
« Français à tout prix » : Mayotte au prisme de « l’ingénierie démographique »
/ Emmanuel Blanchard / Article du Plein droit n° 120, mars 2019
Traiter dans Plein droit [177] des évolutions statutaires de Mayotte et de la situation sociale de ses habitants les plus précaires expose les auteur·es à un double écueil : n’est-ce pas risquer de considérer les ressortissant·es des Comores comme des étrangers et de se fondre ainsi dans une « pensée d’État » dont ils dénoncent les ravages en matière de politiques migratoires ? Défendre l’égalité des droits (avec la métropole) pour les habitant·es du « 101e département », sans remettre en cause le cadre institutionnel actuel, ne conduit-il pas à entériner la « tyrannie du national » et à (…) [Lire la suite]
Les « décasages », une vindicte populaire tolérée
/ Myriam Hachimi Alaoui, Élise Lemercier et Élise Palomares / Article du Plein droit n° 120, mars 2019
Les conflits entre les habitants des îles des Comores s’inscrivent dans une longue histoire marquée par la colonisation, la partition politique des années 1970 et la départementalisation de Mayotte en 2011. En 2016, le rejet de l’immigration venant des autres îles a pris la forme de grandes opérations de « décasages » planifiées et publiquement assumées. Visant des personnes installées de longue date à Mayotte et parfois en situation régulière, elles ont entraîné, au-delà de la perte du logement, la destruction des solidarités familiales, la déscolarisation des enfants et la déstabilisation de la situation administrative. [Lire la suite]
Un Pacte pour rien ?
Édito du Plein droit n° 119, décembre 2018
Le 10 décembre, lors d’une conférence intergouvernementale organisée à Marrakech par l’ONU, le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », validé en juillet dernier, a été approuvé par les représentants de 162 États. Passé presque sous silence dans certains pays, il a soulevé des réactions violentes dans d’autres, sur fond d’accusations de conspiration. Certains commentateurs et autres « faiseurs d’opinion » n’ont pas hésité à le présenter comme ouvrant la voie à des migrations incontrôlées. En Belgique, il a ainsi provoqué le départ des nationalistes flamands de (…) [Lire la suite]
Les sans-papiers sont devenus invisibles
/ Le Gisti / Article du Plein droit n° 119, décembre 2018
Depuis quelques années, les sans-papiers ont disparu des radars. Dans les journaux, les publications scientifiques et les recherches, dans les débats et autres colloques, le thème des sans-papiers a disparu, comme il a disparu des déclarations politiques. Comme s’il ne posait plus question, comme si la présence d’étrangers installés en France, mais en situation irrégulière, était un phénomène soit marginal, soit sans importance, y compris aux yeux de ceux qui en parlaient, il y a peu encore, comme d’un problème, d’une menace ou d’un scandale. Aujourd’hui, la « figure de l’étranger » n’est (…) [Lire la suite]
Travailleurs clandestins ou mécanismes clandestins ?
/ Nathalie Ferré et Violaine Carrère / Article du Plein droit n° 119, décembre 2018
Le dispositif actuel de régularisation des personnes sans papiers relève de l’hypocrisie. Celles qui travaillent sont cantonnées au marché le plus flexible et le plus précaire, et au travail dissimulé. Si la France a transposé dans la loi une directive européenne contre l’emploi illégal, elle tolère celui de dizaine de milliers de sans-papiers, affiche sa volonté de sanctionner les abus, mais ne poursuit que très rarement les employeurs indélicats tout en maintenant les sans-papiers dans l’impossibilité d’obtenir réparation. [Lire la suite]
La logique de « Dublin » appliquée aux mineurs
Édito du Plein droit n° 118, octobre 2018
En prévoyant la collecte par les autorités départementales de la photographie et des empreintes des mineurs isolés étrangers sollicitant une protection au titre de l’Aide sociale à l’enfance, la loi sur l’asile et l’immigration du 10 septembre 2018, dite « loi Collomb », vise à ce que soit désigné de facto un département – et un seul – responsable de la demande de protection. Un enfant considéré comme majeur par un département ne pourra plus solliciter la protection d’un autre département. Le parallèle avec le règlement « Dublin » qui interdit aux demandeurs d’asile de choisir l’État dans (…) [Lire la suite]
Si on chantait : l’immigration en chanson
/ Christophe Daadouch / Article du Plein droit n° 118, octobre 2018
Attendre un visa qui n’arrivera peut-être jamais, quitter les siens, affronter tous les risques pour, au bout du compte, devenir un sans-papiers et vivre des années de galère. Tous ces thèmes liés aux migrations ont abondamment inspiré les chanteurs et chanteuses. Voici une sélection, forcément subjective, de morceaux qui ont bercé, ému, fait danser ou marcher les mélomanes d’ici et d’ailleurs. [Lire la suite]
Nous accusons l’UE et les États membres
/ Le Gisti / Article du Plein droit n° 118, octobre 2018
Lors de la session du Tribunal permanent des peuples tenue à Paris, les 4 et 5 janvier 2018, le Gisti avait été chargé de rédiger l’acte d’accusation et d’y représenter le ministère public. L’exercice visait à démontrer que l’Union européenne et les États qui la composent violent de façon manifeste les libertés et droits fondamentaux au nom d’une politique d’immigration et d’asile prétendument maîtrisée et inéluctable, alors qu’elle est pourtant condamnée par nombre de textes internationaux. Nous ne reproduisons ici que les propos introductifs de cette longue accusation, argumentée et illustrée par des éléments factuels récents, ainsi qu’un résumé, en encadré, des principales violations constatées, caractérisant la responsabilité de l’Union et des États membres. [Lire la suite]
Pendant ce temps, dans les hotspots grecs
Édito du Plein droit n° 117, juin 2018
Le 20 avril dernier s’est ouvert au tribunal de Chios, une île grecque de la mer Égée, le procès de 35 personnes accusées d’incendie volontaire, rébellion, dégradation de biens, tentative de violences et trouble à l’ordre public. Elles encourent des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, leur exclusion du droit d’asile et leur renvoi vers les pays qu’elles ont fuis. Arrêtées en juillet 2017, à la suite d’une manifestation pacifique par laquelle plusieurs centaines d’exilés bloqués dans le hotspot de Moria, sur l’île de Lesbos, dénonçaient leurs conditions de vie indignes et (…) [Lire la suite]
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